Discours du Premier ministre à l’occasion des Commémorations du Centenaire de la Première Guerre mondiale à Mende

Discours de M. Édouard PHILIPPE, Premier ministre

à l’occasion des Commémorations du Centenaire de la Première Guerre mondiale

À Mende

Vendredi 26 octobre 2018

 

Seul le prononcé fait foi

 

Monsieur le maire,

Madame la ministre des Armées,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Mesdames et Messieurs les maires, les élus,

Monsieur le Président du Conseil scientifique de la Mission du Centenaire,

Chère Nathalie BAYE,

Mesdames et Messieurs,

 

Dans son journal dont nous venons d’entendre la première page, Emile JOLY écrit le 3 septembre 1918 : « Le moral de la population et celui des permissionnaires du Front sont superbes ; par contre, la crise de la cherté de vie grandit sans cesse et la sécheresse nous prépare pour cet hiver de pénibles privations. La récolte de pommes de terre est perdue. » Ces lignes et le contraste qu’on découvre en les lisant, résume assez bien les préoccupations d’un maire pendant la Première Guerre mondiale. La première d’entre elles, c’est évidemment le Front, la guerre et, en septembre 1918, à Mende comme à Paris, on sait, on sent, on espère toujours que la victoire approche.

 

Mais cette victoire, d’une certaine façon, le maire a peu le temps d’y penser car il est assailli par mille contrariétés quotidiennes : la pénurie de charbon, la menace de la disette, des lettres à écrire au préfet et au ministre de l’Agriculture pour garantir et assurer l’approvisionnement de la ville.

 

Ce journal nous montre que si en France, le Front de l’arrière comme on dit parfois, a tenu  entre 1914 et 1918, s’il a non seulement tenu mais porté la Nation vers la victoire, c’est parce  l’État, l’administration, la construction sociale française ont tenu. Ce qui était moins le cas en Allemagne. En France, l’État, les communes ont continué à administrer tous nos territoires, notamment grâce à des maires comme Emile JOLY.

 

C’est donc avec beaucoup de respect et beaucoup d’émotion que j’ai tenu à me rendre ici à Mende, au moment où vous vous apprêtez à publier le journal d’Emile JOLY et plus largement dans ce magnifique département de la Lozère, le département qui compte le plus de morts pour la France, par rapport au recensement de 1911.

 

On célèbrera dans les jours qui viennent à juste titre et à raison, le Front, les endroits dévastés par les combats : les Ardennes, le Nord, l’Alsace, partout dans le nord de la France où les champs deviennent impraticables, où les forêts sont rasées, où les villes sont détruites, où les populations sont déplacées. Mais il ne faut pas qu’en célébrant le Front, en célébrant la victoire, on oublie l’arrière qui a tenu,  qui a joué et, qui a compté.

 

Quand on commémore le Centenaire de la Première Guerre mondiale, il est courant – et c’est normal – de rendre hommage aux combattants, aux Poilus qui ne partirent pas tous la fleur au fusil, comme cela a parfois été dit, mais qui partirent avec courage, avec angoisse aussi, avec dévouement toujours, pour servir leur pays, convaincus au début en tout cas, que la guerre serait courte.

 

Ces Poilus venaient de Florac, du Malzieu, comme Augustin TREBUCHON, ils n’étaient pas toujours Français comme Guillaume APOLLINAIRE qui s’enrôla volontairement dans l’espoir d’obtenir la nationalité française et qui écrivait : « Je me suis engagé sous le plus beau des cieux ». Quatre ans après son engagement, il mourra de la grippe espagnole deux jours avant l’Armistice.

 

Ces soldats, ils étaient dans leur grande majorité des paysans parce que la France était en 1914 encore très majoritairement paysanne. Ils avaient vécu et ils vivaient au rythme classique des travaux, des saisons, des vendanges ; on naissait et on mourrait en général au village, entouré des siens. La Première Guerre mondiale, ça a été une confrontation de ces paysans soldats, à une violence inédite par son ampleur et son intensité, à une violence quasi industrielle. Pour beaucoup d’entre eux, ils sont morts, loin de leur petite patrie, parfois sans sépulture ; ils ont été les instruments et souvent les victimes des théories de l’offensive à outrance et se sont fracassés dans la longue et boueuse réalité des tranchées.

 

Cette violence qu’ils ont vécue, elle nous est transmise par des mémoires familiales, elle nous est transmise par des remarquables travaux d’historiens ; elle nous est transmise par des œuvres, des romans, des poésies, de la musique même parfois, du cinéma mais elle nous est aussi transmise par ce qui est resté dans chacune de nos familles de ce premier conflit mondial. Il se trouve que nous avons accès, à l’occasion de ce premier conflit mondial, à des millions de lettres rédigées par les Poilus qui nous donnent une connaissance presque intime de ce qu’ils vivaient, de ce qu’ils pensaient. Je ne dis pas que nous pouvons parfaitement saisir ce qu’ils vivaient mais nous pouvons, en les lisant et en les écoutant, d’une certaine façon essayer de saisir et essayer de comprendre ce qu’ils vivaient. Il se trouve que pour la première fois dans l’histoire de la guerre, les soldats de 14 savaient quasiment tous lire et écrire le français ; c’était l’impact des réformes engagées par la République en 1882, qui avaient rendu l’école primaire obligatoire ; le paysan soldat de Lozère pouvait exprimer ses espoirs, son effroi, parfois sa révolte ; c’est ce qu’a montré la grande collecte orchestrée par la Mission du Centenaire depuis 2014 pour rassembler les lettres ou les croquis que nos grands-parents ou nos arrière-grands-parents ont été très nombreux à conserver dans leurs tiroirs ou leur grenier. Le simple fait, comme vous le disiez très justement tout à l’heure monsieur le Professeur, que ces lettres, ces souvenirs, ces portraits, ces livrets militaires aient été conservés par-delà les années, montre bien que dans toutes les familles de France, on savait qu’il y avait là quelque chose d’unique, je ne sais pas s’il faut dire de sacré, mais de véritablement précieux pour retracer une histoire familiale et pour redire un lien avec la Nation dans son ensemble.

 

Ces témoins, ces témoignages, ils nous rappellent que tous les Français et toutes les Françaises ont participé à l’effort de guerre. Face aux pénuries de main-d’œuvre, les femmes, les étrangers ont formé des bataillons de travailleurs, c’est vrai ici, c’est vrai à Clermont-Ferrand, c’est vrai partout en France. Parmi ces témoignages, ceux qui ont été écrits par des maires nous apportent un éclairage particulièrement riche sur l’effort de guerre. Riche et unique. Tout au long de la IIIème  République naissante, les maires avaient assis leur légitimité et leur autorité en enracinant la démocratie locale sur tout le territoire français. Dans son discours de Belleville de 1875, Léon GAMBETTA salue « ce qu’il y a de plus démocratique en France, ce qui constitue les entrailles même de la démocratie, l’esprit communal, c’est-à-dire les 36.000 communes de France ». Pendant la Première Guerre mondiale, l’esprit communal constitue plus que jamais les entrailles de la France dont le sang afflue vers la ligne de Front ; et c’est le maire qui incarne, qui anime cet esprit communal en assurant la survie matérielle et administrative de ses concitoyens.

 

Alors évidemment, le terme « survie » n’a pas du tout le même sens – vous l’avez dit d’ailleurs Monsieur le maire – aujourd’hui qu’il y a un siècle mais aujourd’hui aussi, les maires continuent à incarner et à animer notre démocratie.

 

Dès 1914, notamment dans les petites communes, les conseils municipaux sont bouleversés dans leur fonctionnement, dans leur existence même à certains égards, par la mobilisation, parfois par la mort des élus. Les maires sont ensuite confrontés à des missions inédites en plus de leurs attributions légales. Face aux difficultés d’approvisionnement et aux pénuries, ils assurent les réquisitions et le ravitaillement ; ils constituent des stocks dont ils réglementent les conditions de vente pour prévenir la spéculation et la hausse des prix, c’est notamment le cas pour le prix du gaz à cause des pénuries de charbon.

 

Malgré la résistance des autres commerces, certains maires créent des magasins municipaux, notamment des boucheries où la viande reste abordable. En un mot, l’un des premiers soucis des maires, c’est de lutter contre la vie chère – Emile JOLY aborde constamment ce point dans ses lettres. Les foires sont perturbées, certains commerçants engagent un bras de fer contre les taxes ou la réglementation mais les maires avancent. Ils sont chargés du remplacement des enseignants par des enseignants, de la mise en œuvre des projets philanthropiques et de l’accueil des réfugiés ou des blessés. En mai 1916, Emile JOLY note par exemple que l’autorité militaire a cédé aux femmes de France l’Immeuble de l’adoration pour l’installation d’un quatrième hôpital auxiliaire.

 

Mais la plus douloureuse de leurs missions consistait sans doute à apporter les mauvaises nouvelles aux familles des mobilisés. Le 17 mai 1916, Emile JOLY écrit dans son journal que ce qu’il redoute le plus chaque matin, c’est l’ouverture du courrier militaire qui porte les avis de décès ou de disparitions des militaires aux armées. Le beau film de Xavier BEAUVOIS, « Les gardiennes », en montre une illustration poignante quand le maire vient annoncer à Hortense, jouée par Nathalie BAYE, la mort d’un de ses fils. Dès qu’elle aperçoit la figure du maire dans l’embrasure de la porte, on voit qu’Hortense a compris.

 

Aujourd’hui encore, ceux qui ont perdu l’un des leurs – soldat mort en opérations extérieures ou non soldat – savent ce que cela signifie. Et beaucoup de maires ici savent qu’il arrive parfois encore d’avoir à annoncer ces nouvelles terribles.

 

Cette première mission devait être d’autant plus pénible que les maires eux-mêmes, évidemment, étaient souvent pères de famille. Emile JOLY perd son fils, Paul, le 9 novembre 1917 ; un an après, sa douleur reste intacte. « Victoire, écrit-il le 11 novembre 1918, à midi vint, le préfet me téléphone que les Boches ont accepté de signer des conditions de l’Armistice ; j’ai immédiatement donné l’ordre de sonner pendant une heure les cloches de la cathédrale. Cette victoire que la France meurtrie fête en ce moment est l’œuvre de nos chers disparus mais tous les lauriers dont on couvre leurs tombes sont impuissantes à tempérer l’amertume de nos larmes ».

 

Oui, la victoire est amère et dès le lendemain de la victoire, après avoir été les piliers de l’effort de guerre, les maires deviennent les premiers artisans du devoir de mémoire ; ils répondent à la très forte demande qui émane de leurs administrés : ériger des monuments en souvenir de la saignée humaine qui est aussi, on le mesure bien en Lozère, une saignée rurale. La France a perdu un million et demi des siens, à Mende, on compte 349 tombes de soldats. Sur le monument aux morts du Malzieu, on peut lire une cinquantaine de noms et on ne peut pas être insensible et à certains égards sidéré – l’expérience est vraie au Malzieu, elle est vraie partout ailleurs en France – par la répétition de ces noms, par ces fratries, parfois le père et les fils, les cousins, marqués par la disparition.

 

Dans l’article des lieux de mémoire que vous consacrez aux monuments aux morts, cher Antoine PROST, vous montrez que ce sont les communes, c’est-à-dire les citoyens, qui réclament ces monuments en une forme d’union sacrée commémorative ; ce qui est inédit, d’abord parce que la guerre précédente, celle de 1870-1871, n’avait donné lieu qu’à quelques monuments cantonaux ou départementaux ; ensuite, parce que ces monuments ne célèbrent pas des principes abstraits mais des citoyens concrets, presque toujours sans considération hiérarchique. Il est frappant de constater que sur beaucoup des monuments aux morts, ne figurent pas les grades ; on donne le nom des individus, des Français, quel que soit leur âge, quel que soit leur garde, quelle que soit leur fonction et parfois même quelques soient les circonstances de leur mort. Ils sont tous égaux sur les monuments comme ils ont tous été égaux devant la mort comme devant la loi.

 

Au fond, ces monuments, ce sont des lieux de mémoire qui consacrent le culte de ce que le citoyen rend aux citoyens. Ce sacrifice que nous commémorons, il n’est pas oublié et sa mémoire est même d’une certaine façon incroyablement vive dans notre société. On m’a présenté quelques-uns des très nombreux projets que portent des professeurs de Lozère depuis 2014, pour faire en sorte que cette mémoire ne disparaisse pas. Nous sommes des passeurs de mémoire, disent les élèves d’une classe de 3e du collège Odilon-Barrot à Villefort. Nous qui grandissons dans une Europe en paix, nous devons nous souvenir. Dans le cadre d’un travail qui associait plusieurs professeurs, ces élèves ont conçu un projet audiovisuel qui sera présenté le 16 novembre au cours d’une cérémonie républicaine. Je ne peux pas tout vous raconter, je ne voudrais pas faire disparaître l’effet de surprise et de suspense mais je peux vous dire un certain nombre de mots quand même : dans un premier tableau, un Poilu arrive dans la classe et confronte sa vision de la guerre à celle des jeunes du XXIème siècle, un siècle après. Dans le second tableau, des femmes du village évoquent l’être aimé et le travail aux champs : les châtaignes à ramasser, les labours à venir sans les bœufs, sans le cheval qui ont été réquisitionnés ; un jeu d’ombres chinoises met en scène la lecture de lettres de Poilus. Des élèves de 1ère s’approprient un peu différemment ce travail de mémoire en se transformant en enquêteurs ou en archivistes amateurs ; leur professeur d’histoire les fait travailler à partir d’une brochure mise en ligne par les archives départementales de la Lozère ; il leur demande de retracer le parcours d’un soldat en choisissant un nom sur le monument aux morts de leur village, puis en allant sur le site Mémoire des hommes du ministère des Armées, chaque élève peut retrouver le matricule de son Poilu et accéder à un ensemble d’informations biographiques. Un dernier exemple : à Florac, les élèves de primaire et de collège ont monté et joué une pièce de théâtre intitulée « Les enfants dans le bleu horizon », qui a tourné partout en Lozère. Pour les professeurs, ces projets artistiques sont l’occasion de raccrocher certains élèves en difficulté en les faisant travailler sur des chansons comme « La chanson de Craonne » ou « La Madelon » ; ils les font réfléchir à des questions qui restent d’actualité comme le sentiment d’injustice ou l’égalité entre les filles et les garçons.

 

Au jardin Paul-Arnal de Florac, les élèves ont aussi conçu un sentier de mémoire et de paix qui s’achève avec un mobile en forme de parapluie où se posent des colombes. Cette construction  symbolise la précarité de la paix qui reste en équilibre toujours instable Et c’est pour cette raison que nous commémorons la Première Guerre mondiale et son Centenaire. Nous la commémorons à l’heure où la stabilité du monde qui n’est jamais acquise est peut-être plus encore que cela ne fut le cas, ébranlée par le retour des logiques de puissance. Nous avons la nécessité aussi de nous défendre. A l’heure où elle est affaiblie par les populismes ou les nationalismes, nous mesurons la nécessité d’agir chacun à notre niveau, pour opposer à ces logiques pernicieuses, une dynamique de paix et de rassemblement.

 

Les logiques pernicieuses c’est  la banalisation des discours et même des mots qui s’inscrivent dans un registre de haine. En 1914, la voix dissidente de Romain ROLLAND, dénonçait déjà depuis Genève, « les mots meurtriers qui sont les semences de meurtres ; à qui souffle la haine, la haine lui rejaillit à la face et le brûle ». Romain ROLLAND, l’auteur de « Au-dessus de la mêlée », pensait d’abord intituler son texte « Au-dessus de la haine ». Nous ne sommes pas au-dessus de la mêlée mais nous devons faire attention à cette même haine.

 

Ces logiques pernicieuses, on les retrouve aussi dans la propagation des rumeurs, ce qu’on appelle aujourd’hui des « fake news ». Juste après la Première Guerre mondiale, un historien écrit un livre fascinant sur ces rumeurs ou comme il les appelle, sur ces fausses nouvelles de la guerre. Cet historien, c’est Marc BLOCH et il écrit un petit livre sur les « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre ». Et il nous dit que l’erreur est humaine, que d’une certaine façon, tous les témoignages sont biaisés, partiels et parfois contradictoires ; il nous dit aussi que pour qu’une erreur se propage et s’amplifie, il faut qu’elle trouve « dans la société où elle se répand, un bouillon de culture favorable ». Les rumeurs, les « fake news », révèlent toujours des préjugés, des raccourcis intellectuels, les passions d’une société qui s’exacerbent dans une période de crise. Et il est utile que nous nous interrogions sur notre capacité, nous-mêmes, à limiter le bouillon de culture que Marc BLOCH décrivait.

 

Au fond, Mesdames et Messieurs, terminer cette intervention sur le nom de Marc BLOCH a beaucoup de sens parce qu’il était historien, parce qu’il était soldat ; un remarquable historien et un soldat incroyablement courageux. Et lui aussi tenait un journal pendant la Première Guerre mondiale ; il était lieutenant, il s’est battu et il écrivait aux familles de ceux qui, sous ses ordres, avaient trouvé la mort, des lettres aux femmes, aux enfants, parfois aux parents, de soldats qu’il connaissait, parfois très bien, parfois un peu moins bien mais qui étaient morts sous ses ordres ; des lettres très simples, écrites dans un français magnifique de simplicité et de lumière, des lettres qui traduisent la douleur qui est la sienne de participer à un combat où des concitoyens trouvent la mort ; des lettres qui montrent aussi l’exigence à laquelle il s’astreint de dire les choses et de témoigner pour ceux qui, à l’arrière, apprennent les mauvaises nouvelles. 

 

Marc BLOCH, savant parce qu’historien, était aussi un soldat qui s’est formidablement battu pendant la Première Guerre mondiale et qui, au début de la Seconde Guerre mondiale, alors même qu’il est au-delà de la limite d’âge de mobilisation, choisit de s’engager dans l’armée française pour défendre la France. Il sera tué pour fait de résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. Au fond, parce qu’il a écrit ces livres extraordinaires de lucidité, ces lettres que j’évoquais, parce qu’il est à la fois un savant et un homme engagé, parce que si nous voulons défendre ce que nous sommes, nous devons à la fois nous appuyer sur la raison et sur l’action, sur le savoir et sur le courage. Marc BLOCH est une belle illustration de ce que la France a fait de mieux pendant la Première Guerre mondiale et je pense que nous pouvons tous ensemble, sans forfanterie, sans grande facilité car nous n’avons finalement pas complètement idée de ce qu’ont vécu nos concitoyens il y a un siècle, essayer, lorsque nous doutons, de nous inspirer de cette figure de Marc, de nous inspirer de cette figure d’Emile JOLY, de ceux qui dans la tempête ont tenu le cap.

 

Merci beaucoup.

Discours du Premier ministre – Commémorations du Centenaire de la Première Guerre mondiale – Mende – 26.10.2018

Author: Redaction

Discours du Premier ministre à l’occasion des Commémorations du Centenaire de la Première Guerre mondiale à Mende

Discours de M. Édouard PHILIPPE, Premier ministre

à l’occasion des Commémorations du Centenaire de la Première Guerre mondiale

À Mende

Vendredi 26 octobre 2018

 

Seul le prononcé fait foi

 

Monsieur le maire,

Madame la ministre des Armées,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Mesdames et Messieurs les maires, les élus,

Monsieur le Président du Conseil scientifique de la Mission du Centenaire,

Chère Nathalie BAYE,

Mesdames et Messieurs,

 

Dans son journal dont nous venons d’entendre la première page, Emile JOLY écrit le 3 septembre 1918 : « Le moral de la population et celui des permissionnaires du Front sont superbes ; par contre, la crise de la cherté de vie grandit sans cesse et la sécheresse nous prépare pour cet hiver de pénibles privations. La récolte de pommes de terre est perdue. » Ces lignes et le contraste qu’on découvre en les lisant, résume assez bien les préoccupations d’un maire pendant la Première Guerre mondiale. La première d’entre elles, c’est évidemment le Front, la guerre et, en septembre 1918, à Mende comme à Paris, on sait, on sent, on espère toujours que la victoire approche.

 

Mais cette victoire, d’une certaine façon, le maire a peu le temps d’y penser car il est assailli par mille contrariétés quotidiennes : la pénurie de charbon, la menace de la disette, des lettres à écrire au préfet et au ministre de l’Agriculture pour garantir et assurer l’approvisionnement de la ville.

 

Ce journal nous montre que si en France, le Front de l’arrière comme on dit parfois, a tenu  entre 1914 et 1918, s’il a non seulement tenu mais porté la Nation vers la victoire, c’est parce  l’État, l’administration, la construction sociale française ont tenu. Ce qui était moins le cas en Allemagne. En France, l’État, les communes ont continué à administrer tous nos territoires, notamment grâce à des maires comme Emile JOLY.

 

C’est donc avec beaucoup de respect et beaucoup d’émotion que j’ai tenu à me rendre ici à Mende, au moment où vous vous apprêtez à publier le journal d’Emile JOLY et plus largement dans ce magnifique département de la Lozère, le département qui compte le plus de morts pour la France, par rapport au recensement de 1911.

 

On célèbrera dans les jours qui viennent à juste titre et à raison, le Front, les endroits dévastés par les combats : les Ardennes, le Nord, l’Alsace, partout dans le nord de la France où les champs deviennent impraticables, où les forêts sont rasées, où les villes sont détruites, où les populations sont déplacées. Mais il ne faut pas qu’en célébrant le Front, en célébrant la victoire, on oublie l’arrière qui a tenu,  qui a joué et, qui a compté.

 

Quand on commémore le Centenaire de la Première Guerre mondiale, il est courant – et c’est normal – de rendre hommage aux combattants, aux Poilus qui ne partirent pas tous la fleur au fusil, comme cela a parfois été dit, mais qui partirent avec courage, avec angoisse aussi, avec dévouement toujours, pour servir leur pays, convaincus au début en tout cas, que la guerre serait courte.

 

Ces Poilus venaient de Florac, du Malzieu, comme Augustin TREBUCHON, ils n’étaient pas toujours Français comme Guillaume APOLLINAIRE qui s’enrôla volontairement dans l’espoir d’obtenir la nationalité française et qui écrivait : « Je me suis engagé sous le plus beau des cieux ». Quatre ans après son engagement, il mourra de la grippe espagnole deux jours avant l’Armistice.

 

Ces soldats, ils étaient dans leur grande majorité des paysans parce que la France était en 1914 encore très majoritairement paysanne. Ils avaient vécu et ils vivaient au rythme classique des travaux, des saisons, des vendanges ; on naissait et on mourrait en général au village, entouré des siens. La Première Guerre mondiale, ça a été une confrontation de ces paysans soldats, à une violence inédite par son ampleur et son intensité, à une violence quasi industrielle. Pour beaucoup d’entre eux, ils sont morts, loin de leur petite patrie, parfois sans sépulture ; ils ont été les instruments et souvent les victimes des théories de l’offensive à outrance et se sont fracassés dans la longue et boueuse réalité des tranchées.

 

Cette violence qu’ils ont vécue, elle nous est transmise par des mémoires familiales, elle nous est transmise par des remarquables travaux d’historiens ; elle nous est transmise par des œuvres, des romans, des poésies, de la musique même parfois, du cinéma mais elle nous est aussi transmise par ce qui est resté dans chacune de nos familles de ce premier conflit mondial. Il se trouve que nous avons accès, à l’occasion de ce premier conflit mondial, à des millions de lettres rédigées par les Poilus qui nous donnent une connaissance presque intime de ce qu’ils vivaient, de ce qu’ils pensaient. Je ne dis pas que nous pouvons parfaitement saisir ce qu’ils vivaient mais nous pouvons, en les lisant et en les écoutant, d’une certaine façon essayer de saisir et essayer de comprendre ce qu’ils vivaient. Il se trouve que pour la première fois dans l’histoire de la guerre, les soldats de 14 savaient quasiment tous lire et écrire le français ; c’était l’impact des réformes engagées par la République en 1882, qui avaient rendu l’école primaire obligatoire ; le paysan soldat de Lozère pouvait exprimer ses espoirs, son effroi, parfois sa révolte ; c’est ce qu’a montré la grande collecte orchestrée par la Mission du Centenaire depuis 2014 pour rassembler les lettres ou les croquis que nos grands-parents ou nos arrière-grands-parents ont été très nombreux à conserver dans leurs tiroirs ou leur grenier. Le simple fait, comme vous le disiez très justement tout à l’heure monsieur le Professeur, que ces lettres, ces souvenirs, ces portraits, ces livrets militaires aient été conservés par-delà les années, montre bien que dans toutes les familles de France, on savait qu’il y avait là quelque chose d’unique, je ne sais pas s’il faut dire de sacré, mais de véritablement précieux pour retracer une histoire familiale et pour redire un lien avec la Nation dans son ensemble.

 

Ces témoins, ces témoignages, ils nous rappellent que tous les Français et toutes les Françaises ont participé à l’effort de guerre. Face aux pénuries de main-d’œuvre, les femmes, les étrangers ont formé des bataillons de travailleurs, c’est vrai ici, c’est vrai à Clermont-Ferrand, c’est vrai partout en France. Parmi ces témoignages, ceux qui ont été écrits par des maires nous apportent un éclairage particulièrement riche sur l’effort de guerre. Riche et unique. Tout au long de la IIIème  République naissante, les maires avaient assis leur légitimité et leur autorité en enracinant la démocratie locale sur tout le territoire français. Dans son discours de Belleville de 1875, Léon GAMBETTA salue « ce qu’il y a de plus démocratique en France, ce qui constitue les entrailles même de la démocratie, l’esprit communal, c’est-à-dire les 36.000 communes de France ». Pendant la Première Guerre mondiale, l’esprit communal constitue plus que jamais les entrailles de la France dont le sang afflue vers la ligne de Front ; et c’est le maire qui incarne, qui anime cet esprit communal en assurant la survie matérielle et administrative de ses concitoyens.

 

Alors évidemment, le terme « survie » n’a pas du tout le même sens – vous l’avez dit d’ailleurs Monsieur le maire – aujourd’hui qu’il y a un siècle mais aujourd’hui aussi, les maires continuent à incarner et à animer notre démocratie.

 

Dès 1914, notamment dans les petites communes, les conseils municipaux sont bouleversés dans leur fonctionnement, dans leur existence même à certains égards, par la mobilisation, parfois par la mort des élus. Les maires sont ensuite confrontés à des missions inédites en plus de leurs attributions légales. Face aux difficultés d’approvisionnement et aux pénuries, ils assurent les réquisitions et le ravitaillement ; ils constituent des stocks dont ils réglementent les conditions de vente pour prévenir la spéculation et la hausse des prix, c’est notamment le cas pour le prix du gaz à cause des pénuries de charbon.

 

Malgré la résistance des autres commerces, certains maires créent des magasins municipaux, notamment des boucheries où la viande reste abordable. En un mot, l’un des premiers soucis des maires, c’est de lutter contre la vie chère – Emile JOLY aborde constamment ce point dans ses lettres. Les foires sont perturbées, certains commerçants engagent un bras de fer contre les taxes ou la réglementation mais les maires avancent. Ils sont chargés du remplacement des enseignants par des enseignants, de la mise en œuvre des projets philanthropiques et de l’accueil des réfugiés ou des blessés. En mai 1916, Emile JOLY note par exemple que l’autorité militaire a cédé aux femmes de France l’Immeuble de l’adoration pour l’installation d’un quatrième hôpital auxiliaire.

 

Mais la plus douloureuse de leurs missions consistait sans doute à apporter les mauvaises nouvelles aux familles des mobilisés. Le 17 mai 1916, Emile JOLY écrit dans son journal que ce qu’il redoute le plus chaque matin, c’est l’ouverture du courrier militaire qui porte les avis de décès ou de disparitions des militaires aux armées. Le beau film de Xavier BEAUVOIS, « Les gardiennes », en montre une illustration poignante quand le maire vient annoncer à Hortense, jouée par Nathalie BAYE, la mort d’un de ses fils. Dès qu’elle aperçoit la figure du maire dans l’embrasure de la porte, on voit qu’Hortense a compris.

 

Aujourd’hui encore, ceux qui ont perdu l’un des leurs – soldat mort en opérations extérieures ou non soldat – savent ce que cela signifie. Et beaucoup de maires ici savent qu’il arrive parfois encore d’avoir à annoncer ces nouvelles terribles.

 

Cette première mission devait être d’autant plus pénible que les maires eux-mêmes, évidemment, étaient souvent pères de famille. Emile JOLY perd son fils, Paul, le 9 novembre 1917 ; un an après, sa douleur reste intacte. « Victoire, écrit-il le 11 novembre 1918, à midi vint, le préfet me téléphone que les Boches ont accepté de signer des conditions de l’Armistice ; j’ai immédiatement donné l’ordre de sonner pendant une heure les cloches de la cathédrale. Cette victoire que la France meurtrie fête en ce moment est l’œuvre de nos chers disparus mais tous les lauriers dont on couvre leurs tombes sont impuissantes à tempérer l’amertume de nos larmes ».

 

Oui, la victoire est amère et dès le lendemain de la victoire, après avoir été les piliers de l’effort de guerre, les maires deviennent les premiers artisans du devoir de mémoire ; ils répondent à la très forte demande qui émane de leurs administrés : ériger des monuments en souvenir de la saignée humaine qui est aussi, on le mesure bien en Lozère, une saignée rurale. La France a perdu un million et demi des siens, à Mende, on compte 349 tombes de soldats. Sur le monument aux morts du Malzieu, on peut lire une cinquantaine de noms et on ne peut pas être insensible et à certains égards sidéré – l’expérience est vraie au Malzieu, elle est vraie partout ailleurs en France – par la répétition de ces noms, par ces fratries, parfois le père et les fils, les cousins, marqués par la disparition.

 

Dans l’article des lieux de mémoire que vous consacrez aux monuments aux morts, cher Antoine PROST, vous montrez que ce sont les communes, c’est-à-dire les citoyens, qui réclament ces monuments en une forme d’union sacrée commémorative ; ce qui est inédit, d’abord parce que la guerre précédente, celle de 1870-1871, n’avait donné lieu qu’à quelques monuments cantonaux ou départementaux ; ensuite, parce que ces monuments ne célèbrent pas des principes abstraits mais des citoyens concrets, presque toujours sans considération hiérarchique. Il est frappant de constater que sur beaucoup des monuments aux morts, ne figurent pas les grades ; on donne le nom des individus, des Français, quel que soit leur âge, quel que soit leur garde, quelle que soit leur fonction et parfois même quelques soient les circonstances de leur mort. Ils sont tous égaux sur les monuments comme ils ont tous été égaux devant la mort comme devant la loi.

 

Au fond, ces monuments, ce sont des lieux de mémoire qui consacrent le culte de ce que le citoyen rend aux citoyens. Ce sacrifice que nous commémorons, il n’est pas oublié et sa mémoire est même d’une certaine façon incroyablement vive dans notre société. On m’a présenté quelques-uns des très nombreux projets que portent des professeurs de Lozère depuis 2014, pour faire en sorte que cette mémoire ne disparaisse pas. Nous sommes des passeurs de mémoire, disent les élèves d’une classe de 3e du collège Odilon-Barrot à Villefort. Nous qui grandissons dans une Europe en paix, nous devons nous souvenir. Dans le cadre d’un travail qui associait plusieurs professeurs, ces élèves ont conçu un projet audiovisuel qui sera présenté le 16 novembre au cours d’une cérémonie républicaine. Je ne peux pas tout vous raconter, je ne voudrais pas faire disparaître l’effet de surprise et de suspense mais je peux vous dire un certain nombre de mots quand même : dans un premier tableau, un Poilu arrive dans la classe et confronte sa vision de la guerre à celle des jeunes du XXIème siècle, un siècle après. Dans le second tableau, des femmes du village évoquent l’être aimé et le travail aux champs : les châtaignes à ramasser, les labours à venir sans les bœufs, sans le cheval qui ont été réquisitionnés ; un jeu d’ombres chinoises met en scène la lecture de lettres de Poilus. Des élèves de 1ère s’approprient un peu différemment ce travail de mémoire en se transformant en enquêteurs ou en archivistes amateurs ; leur professeur d’histoire les fait travailler à partir d’une brochure mise en ligne par les archives départementales de la Lozère ; il leur demande de retracer le parcours d’un soldat en choisissant un nom sur le monument aux morts de leur village, puis en allant sur le site Mémoire des hommes du ministère des Armées, chaque élève peut retrouver le matricule de son Poilu et accéder à un ensemble d’informations biographiques. Un dernier exemple : à Florac, les élèves de primaire et de collège ont monté et joué une pièce de théâtre intitulée « Les enfants dans le bleu horizon », qui a tourné partout en Lozère. Pour les professeurs, ces projets artistiques sont l’occasion de raccrocher certains élèves en difficulté en les faisant travailler sur des chansons comme « La chanson de Craonne » ou « La Madelon » ; ils les font réfléchir à des questions qui restent d’actualité comme le sentiment d’injustice ou l’égalité entre les filles et les garçons.

 

Au jardin Paul-Arnal de Florac, les élèves ont aussi conçu un sentier de mémoire et de paix qui s’achève avec un mobile en forme de parapluie où se posent des colombes. Cette construction  symbolise la précarité de la paix qui reste en équilibre toujours instable Et c’est pour cette raison que nous commémorons la Première Guerre mondiale et son Centenaire. Nous la commémorons à l’heure où la stabilité du monde qui n’est jamais acquise est peut-être plus encore que cela ne fut le cas, ébranlée par le retour des logiques de puissance. Nous avons la nécessité aussi de nous défendre. A l’heure où elle est affaiblie par les populismes ou les nationalismes, nous mesurons la nécessité d’agir chacun à notre niveau, pour opposer à ces logiques pernicieuses, une dynamique de paix et de rassemblement.

 

Les logiques pernicieuses c’est  la banalisation des discours et même des mots qui s’inscrivent dans un registre de haine. En 1914, la voix dissidente de Romain ROLLAND, dénonçait déjà depuis Genève, « les mots meurtriers qui sont les semences de meurtres ; à qui souffle la haine, la haine lui rejaillit à la face et le brûle ». Romain ROLLAND, l’auteur de « Au-dessus de la mêlée », pensait d’abord intituler son texte « Au-dessus de la haine ». Nous ne sommes pas au-dessus de la mêlée mais nous devons faire attention à cette même haine.

 

Ces logiques pernicieuses, on les retrouve aussi dans la propagation des rumeurs, ce qu’on appelle aujourd’hui des « fake news ». Juste après la Première Guerre mondiale, un historien écrit un livre fascinant sur ces rumeurs ou comme il les appelle, sur ces fausses nouvelles de la guerre. Cet historien, c’est Marc BLOCH et il écrit un petit livre sur les « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre ». Et il nous dit que l’erreur est humaine, que d’une certaine façon, tous les témoignages sont biaisés, partiels et parfois contradictoires ; il nous dit aussi que pour qu’une erreur se propage et s’amplifie, il faut qu’elle trouve « dans la société où elle se répand, un bouillon de culture favorable ». Les rumeurs, les « fake news », révèlent toujours des préjugés, des raccourcis intellectuels, les passions d’une société qui s’exacerbent dans une période de crise. Et il est utile que nous nous interrogions sur notre capacité, nous-mêmes, à limiter le bouillon de culture que Marc BLOCH décrivait.

 

Au fond, Mesdames et Messieurs, terminer cette intervention sur le nom de Marc BLOCH a beaucoup de sens parce qu’il était historien, parce qu’il était soldat ; un remarquable historien et un soldat incroyablement courageux. Et lui aussi tenait un journal pendant la Première Guerre mondiale ; il était lieutenant, il s’est battu et il écrivait aux familles de ceux qui, sous ses ordres, avaient trouvé la mort, des lettres aux femmes, aux enfants, parfois aux parents, de soldats qu’il connaissait, parfois très bien, parfois un peu moins bien mais qui étaient morts sous ses ordres ; des lettres très simples, écrites dans un français magnifique de simplicité et de lumière, des lettres qui traduisent la douleur qui est la sienne de participer à un combat où des concitoyens trouvent la mort ; des lettres qui montrent aussi l’exigence à laquelle il s’astreint de dire les choses et de témoigner pour ceux qui, à l’arrière, apprennent les mauvaises nouvelles. 

 

Marc BLOCH, savant parce qu’historien, était aussi un soldat qui s’est formidablement battu pendant la Première Guerre mondiale et qui, au début de la Seconde Guerre mondiale, alors même qu’il est au-delà de la limite d’âge de mobilisation, choisit de s’engager dans l’armée française pour défendre la France. Il sera tué pour fait de résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. Au fond, parce qu’il a écrit ces livres extraordinaires de lucidité, ces lettres que j’évoquais, parce qu’il est à la fois un savant et un homme engagé, parce que si nous voulons défendre ce que nous sommes, nous devons à la fois nous appuyer sur la raison et sur l’action, sur le savoir et sur le courage. Marc BLOCH est une belle illustration de ce que la France a fait de mieux pendant la Première Guerre mondiale et je pense que nous pouvons tous ensemble, sans forfanterie, sans grande facilité car nous n’avons finalement pas complètement idée de ce qu’ont vécu nos concitoyens il y a un siècle, essayer, lorsque nous doutons, de nous inspirer de cette figure de Marc, de nous inspirer de cette figure d’Emile JOLY, de ceux qui dans la tempête ont tenu le cap.

 

Merci beaucoup.

Discours du Premier ministre – Commémorations du Centenaire de la Première Guerre mondiale – Mende – 26.10.2018

Author: Redaction

Discours du Premier ministre à l’occasion des Commémorations du Centenaire de la Première Guerre mondiale à Mende

Discours de M. Édouard PHILIPPE, Premier ministre

à l’occasion des Commémorations du Centenaire de la Première Guerre mondiale

À Mende

Vendredi 26 octobre 2018

 

Seul le prononcé fait foi

 

Monsieur le maire,

Madame la ministre des Armées,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Mesdames et Messieurs les maires, les élus,

Monsieur le Président du Conseil scientifique de la Mission du Centenaire,

Chère Nathalie BAYE,

Mesdames et Messieurs,

 

Dans son journal dont nous venons d’entendre la première page, Emile JOLY écrit le 3 septembre 1918 : « Le moral de la population et celui des permissionnaires du Front sont superbes ; par contre, la crise de la cherté de vie grandit sans cesse et la sécheresse nous prépare pour cet hiver de pénibles privations. La récolte de pommes de terre est perdue. » Ces lignes et le contraste qu’on découvre en les lisant, résume assez bien les préoccupations d’un maire pendant la Première Guerre mondiale. La première d’entre elles, c’est évidemment le Front, la guerre et, en septembre 1918, à Mende comme à Paris, on sait, on sent, on espère toujours que la victoire approche.

 

Mais cette victoire, d’une certaine façon, le maire a peu le temps d’y penser car il est assailli par mille contrariétés quotidiennes : la pénurie de charbon, la menace de la disette, des lettres à écrire au préfet et au ministre de l’Agriculture pour garantir et assurer l’approvisionnement de la ville.

 

Ce journal nous montre que si en France, le Front de l’arrière comme on dit parfois, a tenu  entre 1914 et 1918, s’il a non seulement tenu mais porté la Nation vers la victoire, c’est parce  l’État, l’administration, la construction sociale française ont tenu. Ce qui était moins le cas en Allemagne. En France, l’État, les communes ont continué à administrer tous nos territoires, notamment grâce à des maires comme Emile JOLY.

 

C’est donc avec beaucoup de respect et beaucoup d’émotion que j’ai tenu à me rendre ici à Mende, au moment où vous vous apprêtez à publier le journal d’Emile JOLY et plus largement dans ce magnifique département de la Lozère, le département qui compte le plus de morts pour la France, par rapport au recensement de 1911.

 

On célèbrera dans les jours qui viennent à juste titre et à raison, le Front, les endroits dévastés par les combats : les Ardennes, le Nord, l’Alsace, partout dans le nord de la France où les champs deviennent impraticables, où les forêts sont rasées, où les villes sont détruites, où les populations sont déplacées. Mais il ne faut pas qu’en célébrant le Front, en célébrant la victoire, on oublie l’arrière qui a tenu,  qui a joué et, qui a compté.

 

Quand on commémore le Centenaire de la Première Guerre mondiale, il est courant – et c’est normal – de rendre hommage aux combattants, aux Poilus qui ne partirent pas tous la fleur au fusil, comme cela a parfois été dit, mais qui partirent avec courage, avec angoisse aussi, avec dévouement toujours, pour servir leur pays, convaincus au début en tout cas, que la guerre serait courte.

 

Ces Poilus venaient de Florac, du Malzieu, comme Augustin TREBUCHON, ils n’étaient pas toujours Français comme Guillaume APOLLINAIRE qui s’enrôla volontairement dans l’espoir d’obtenir la nationalité française et qui écrivait : « Je me suis engagé sous le plus beau des cieux ». Quatre ans après son engagement, il mourra de la grippe espagnole deux jours avant l’Armistice.

 

Ces soldats, ils étaient dans leur grande majorité des paysans parce que la France était en 1914 encore très majoritairement paysanne. Ils avaient vécu et ils vivaient au rythme classique des travaux, des saisons, des vendanges ; on naissait et on mourrait en général au village, entouré des siens. La Première Guerre mondiale, ça a été une confrontation de ces paysans soldats, à une violence inédite par son ampleur et son intensité, à une violence quasi industrielle. Pour beaucoup d’entre eux, ils sont morts, loin de leur petite patrie, parfois sans sépulture ; ils ont été les instruments et souvent les victimes des théories de l’offensive à outrance et se sont fracassés dans la longue et boueuse réalité des tranchées.

 

Cette violence qu’ils ont vécue, elle nous est transmise par des mémoires familiales, elle nous est transmise par des remarquables travaux d’historiens ; elle nous est transmise par des œuvres, des romans, des poésies, de la musique même parfois, du cinéma mais elle nous est aussi transmise par ce qui est resté dans chacune de nos familles de ce premier conflit mondial. Il se trouve que nous avons accès, à l’occasion de ce premier conflit mondial, à des millions de lettres rédigées par les Poilus qui nous donnent une connaissance presque intime de ce qu’ils vivaient, de ce qu’ils pensaient. Je ne dis pas que nous pouvons parfaitement saisir ce qu’ils vivaient mais nous pouvons, en les lisant et en les écoutant, d’une certaine façon essayer de saisir et essayer de comprendre ce qu’ils vivaient. Il se trouve que pour la première fois dans l’histoire de la guerre, les soldats de 14 savaient quasiment tous lire et écrire le français ; c’était l’impact des réformes engagées par la République en 1882, qui avaient rendu l’école primaire obligatoire ; le paysan soldat de Lozère pouvait exprimer ses espoirs, son effroi, parfois sa révolte ; c’est ce qu’a montré la grande collecte orchestrée par la Mission du Centenaire depuis 2014 pour rassembler les lettres ou les croquis que nos grands-parents ou nos arrière-grands-parents ont été très nombreux à conserver dans leurs tiroirs ou leur grenier. Le simple fait, comme vous le disiez très justement tout à l’heure monsieur le Professeur, que ces lettres, ces souvenirs, ces portraits, ces livrets militaires aient été conservés par-delà les années, montre bien que dans toutes les familles de France, on savait qu’il y avait là quelque chose d’unique, je ne sais pas s’il faut dire de sacré, mais de véritablement précieux pour retracer une histoire familiale et pour redire un lien avec la Nation dans son ensemble.

 

Ces témoins, ces témoignages, ils nous rappellent que tous les Français et toutes les Françaises ont participé à l’effort de guerre. Face aux pénuries de main-d’œuvre, les femmes, les étrangers ont formé des bataillons de travailleurs, c’est vrai ici, c’est vrai à Clermont-Ferrand, c’est vrai partout en France. Parmi ces témoignages, ceux qui ont été écrits par des maires nous apportent un éclairage particulièrement riche sur l’effort de guerre. Riche et unique. Tout au long de la IIIème  République naissante, les maires avaient assis leur légitimité et leur autorité en enracinant la démocratie locale sur tout le territoire français. Dans son discours de Belleville de 1875, Léon GAMBETTA salue « ce qu’il y a de plus démocratique en France, ce qui constitue les entrailles même de la démocratie, l’esprit communal, c’est-à-dire les 36.000 communes de France ». Pendant la Première Guerre mondiale, l’esprit communal constitue plus que jamais les entrailles de la France dont le sang afflue vers la ligne de Front ; et c’est le maire qui incarne, qui anime cet esprit communal en assurant la survie matérielle et administrative de ses concitoyens.

 

Alors évidemment, le terme « survie » n’a pas du tout le même sens – vous l’avez dit d’ailleurs Monsieur le maire – aujourd’hui qu’il y a un siècle mais aujourd’hui aussi, les maires continuent à incarner et à animer notre démocratie.

 

Dès 1914, notamment dans les petites communes, les conseils municipaux sont bouleversés dans leur fonctionnement, dans leur existence même à certains égards, par la mobilisation, parfois par la mort des élus. Les maires sont ensuite confrontés à des missions inédites en plus de leurs attributions légales. Face aux difficultés d’approvisionnement et aux pénuries, ils assurent les réquisitions et le ravitaillement ; ils constituent des stocks dont ils réglementent les conditions de vente pour prévenir la spéculation et la hausse des prix, c’est notamment le cas pour le prix du gaz à cause des pénuries de charbon.

 

Malgré la résistance des autres commerces, certains maires créent des magasins municipaux, notamment des boucheries où la viande reste abordable. En un mot, l’un des premiers soucis des maires, c’est de lutter contre la vie chère – Emile JOLY aborde constamment ce point dans ses lettres. Les foires sont perturbées, certains commerçants engagent un bras de fer contre les taxes ou la réglementation mais les maires avancent. Ils sont chargés du remplacement des enseignants par des enseignants, de la mise en œuvre des projets philanthropiques et de l’accueil des réfugiés ou des blessés. En mai 1916, Emile JOLY note par exemple que l’autorité militaire a cédé aux femmes de France l’Immeuble de l’adoration pour l’installation d’un quatrième hôpital auxiliaire.

 

Mais la plus douloureuse de leurs missions consistait sans doute à apporter les mauvaises nouvelles aux familles des mobilisés. Le 17 mai 1916, Emile JOLY écrit dans son journal que ce qu’il redoute le plus chaque matin, c’est l’ouverture du courrier militaire qui porte les avis de décès ou de disparitions des militaires aux armées. Le beau film de Xavier BEAUVOIS, « Les gardiennes », en montre une illustration poignante quand le maire vient annoncer à Hortense, jouée par Nathalie BAYE, la mort d’un de ses fils. Dès qu’elle aperçoit la figure du maire dans l’embrasure de la porte, on voit qu’Hortense a compris.

 

Aujourd’hui encore, ceux qui ont perdu l’un des leurs – soldat mort en opérations extérieures ou non soldat – savent ce que cela signifie. Et beaucoup de maires ici savent qu’il arrive parfois encore d’avoir à annoncer ces nouvelles terribles.

 

Cette première mission devait être d’autant plus pénible que les maires eux-mêmes, évidemment, étaient souvent pères de famille. Emile JOLY perd son fils, Paul, le 9 novembre 1917 ; un an après, sa douleur reste intacte. « Victoire, écrit-il le 11 novembre 1918, à midi vint, le préfet me téléphone que les Boches ont accepté de signer des conditions de l’Armistice ; j’ai immédiatement donné l’ordre de sonner pendant une heure les cloches de la cathédrale. Cette victoire que la France meurtrie fête en ce moment est l’œuvre de nos chers disparus mais tous les lauriers dont on couvre leurs tombes sont impuissantes à tempérer l’amertume de nos larmes ».

 

Oui, la victoire est amère et dès le lendemain de la victoire, après avoir été les piliers de l’effort de guerre, les maires deviennent les premiers artisans du devoir de mémoire ; ils répondent à la très forte demande qui émane de leurs administrés : ériger des monuments en souvenir de la saignée humaine qui est aussi, on le mesure bien en Lozère, une saignée rurale. La France a perdu un million et demi des siens, à Mende, on compte 349 tombes de soldats. Sur le monument aux morts du Malzieu, on peut lire une cinquantaine de noms et on ne peut pas être insensible et à certains égards sidéré – l’expérience est vraie au Malzieu, elle est vraie partout ailleurs en France – par la répétition de ces noms, par ces fratries, parfois le père et les fils, les cousins, marqués par la disparition.

 

Dans l’article des lieux de mémoire que vous consacrez aux monuments aux morts, cher Antoine PROST, vous montrez que ce sont les communes, c’est-à-dire les citoyens, qui réclament ces monuments en une forme d’union sacrée commémorative ; ce qui est inédit, d’abord parce que la guerre précédente, celle de 1870-1871, n’avait donné lieu qu’à quelques monuments cantonaux ou départementaux ; ensuite, parce que ces monuments ne célèbrent pas des principes abstraits mais des citoyens concrets, presque toujours sans considération hiérarchique. Il est frappant de constater que sur beaucoup des monuments aux morts, ne figurent pas les grades ; on donne le nom des individus, des Français, quel que soit leur âge, quel que soit leur garde, quelle que soit leur fonction et parfois même quelques soient les circonstances de leur mort. Ils sont tous égaux sur les monuments comme ils ont tous été égaux devant la mort comme devant la loi.

 

Au fond, ces monuments, ce sont des lieux de mémoire qui consacrent le culte de ce que le citoyen rend aux citoyens. Ce sacrifice que nous commémorons, il n’est pas oublié et sa mémoire est même d’une certaine façon incroyablement vive dans notre société. On m’a présenté quelques-uns des très nombreux projets que portent des professeurs de Lozère depuis 2014, pour faire en sorte que cette mémoire ne disparaisse pas. Nous sommes des passeurs de mémoire, disent les élèves d’une classe de 3e du collège Odilon-Barrot à Villefort. Nous qui grandissons dans une Europe en paix, nous devons nous souvenir. Dans le cadre d’un travail qui associait plusieurs professeurs, ces élèves ont conçu un projet audiovisuel qui sera présenté le 16 novembre au cours d’une cérémonie républicaine. Je ne peux pas tout vous raconter, je ne voudrais pas faire disparaître l’effet de surprise et de suspense mais je peux vous dire un certain nombre de mots quand même : dans un premier tableau, un Poilu arrive dans la classe et confronte sa vision de la guerre à celle des jeunes du XXIème siècle, un siècle après. Dans le second tableau, des femmes du village évoquent l’être aimé et le travail aux champs : les châtaignes à ramasser, les labours à venir sans les bœufs, sans le cheval qui ont été réquisitionnés ; un jeu d’ombres chinoises met en scène la lecture de lettres de Poilus. Des élèves de 1ère s’approprient un peu différemment ce travail de mémoire en se transformant en enquêteurs ou en archivistes amateurs ; leur professeur d’histoire les fait travailler à partir d’une brochure mise en ligne par les archives départementales de la Lozère ; il leur demande de retracer le parcours d’un soldat en choisissant un nom sur le monument aux morts de leur village, puis en allant sur le site Mémoire des hommes du ministère des Armées, chaque élève peut retrouver le matricule de son Poilu et accéder à un ensemble d’informations biographiques. Un dernier exemple : à Florac, les élèves de primaire et de collège ont monté et joué une pièce de théâtre intitulée « Les enfants dans le bleu horizon », qui a tourné partout en Lozère. Pour les professeurs, ces projets artistiques sont l’occasion de raccrocher certains élèves en difficulté en les faisant travailler sur des chansons comme « La chanson de Craonne » ou « La Madelon » ; ils les font réfléchir à des questions qui restent d’actualité comme le sentiment d’injustice ou l’égalité entre les filles et les garçons.

 

Au jardin Paul-Arnal de Florac, les élèves ont aussi conçu un sentier de mémoire et de paix qui s’achève avec un mobile en forme de parapluie où se posent des colombes. Cette construction  symbolise la précarité de la paix qui reste en équilibre toujours instable Et c’est pour cette raison que nous commémorons la Première Guerre mondiale et son Centenaire. Nous la commémorons à l’heure où la stabilité du monde qui n’est jamais acquise est peut-être plus encore que cela ne fut le cas, ébranlée par le retour des logiques de puissance. Nous avons la nécessité aussi de nous défendre. A l’heure où elle est affaiblie par les populismes ou les nationalismes, nous mesurons la nécessité d’agir chacun à notre niveau, pour opposer à ces logiques pernicieuses, une dynamique de paix et de rassemblement.

 

Les logiques pernicieuses c’est  la banalisation des discours et même des mots qui s’inscrivent dans un registre de haine. En 1914, la voix dissidente de Romain ROLLAND, dénonçait déjà depuis Genève, « les mots meurtriers qui sont les semences de meurtres ; à qui souffle la haine, la haine lui rejaillit à la face et le brûle ». Romain ROLLAND, l’auteur de « Au-dessus de la mêlée », pensait d’abord intituler son texte « Au-dessus de la haine ». Nous ne sommes pas au-dessus de la mêlée mais nous devons faire attention à cette même haine.

 

Ces logiques pernicieuses, on les retrouve aussi dans la propagation des rumeurs, ce qu’on appelle aujourd’hui des « fake news ». Juste après la Première Guerre mondiale, un historien écrit un livre fascinant sur ces rumeurs ou comme il les appelle, sur ces fausses nouvelles de la guerre. Cet historien, c’est Marc BLOCH et il écrit un petit livre sur les « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre ». Et il nous dit que l’erreur est humaine, que d’une certaine façon, tous les témoignages sont biaisés, partiels et parfois contradictoires ; il nous dit aussi que pour qu’une erreur se propage et s’amplifie, il faut qu’elle trouve « dans la société où elle se répand, un bouillon de culture favorable ». Les rumeurs, les « fake news », révèlent toujours des préjugés, des raccourcis intellectuels, les passions d’une société qui s’exacerbent dans une période de crise. Et il est utile que nous nous interrogions sur notre capacité, nous-mêmes, à limiter le bouillon de culture que Marc BLOCH décrivait.

 

Au fond, Mesdames et Messieurs, terminer cette intervention sur le nom de Marc BLOCH a beaucoup de sens parce qu’il était historien, parce qu’il était soldat ; un remarquable historien et un soldat incroyablement courageux. Et lui aussi tenait un journal pendant la Première Guerre mondiale ; il était lieutenant, il s’est battu et il écrivait aux familles de ceux qui, sous ses ordres, avaient trouvé la mort, des lettres aux femmes, aux enfants, parfois aux parents, de soldats qu’il connaissait, parfois très bien, parfois un peu moins bien mais qui étaient morts sous ses ordres ; des lettres très simples, écrites dans un français magnifique de simplicité et de lumière, des lettres qui traduisent la douleur qui est la sienne de participer à un combat où des concitoyens trouvent la mort ; des lettres qui montrent aussi l’exigence à laquelle il s’astreint de dire les choses et de témoigner pour ceux qui, à l’arrière, apprennent les mauvaises nouvelles. 

 

Marc BLOCH, savant parce qu’historien, était aussi un soldat qui s’est formidablement battu pendant la Première Guerre mondiale et qui, au début de la Seconde Guerre mondiale, alors même qu’il est au-delà de la limite d’âge de mobilisation, choisit de s’engager dans l’armée française pour défendre la France. Il sera tué pour fait de résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. Au fond, parce qu’il a écrit ces livres extraordinaires de lucidité, ces lettres que j’évoquais, parce qu’il est à la fois un savant et un homme engagé, parce que si nous voulons défendre ce que nous sommes, nous devons à la fois nous appuyer sur la raison et sur l’action, sur le savoir et sur le courage. Marc BLOCH est une belle illustration de ce que la France a fait de mieux pendant la Première Guerre mondiale et je pense que nous pouvons tous ensemble, sans forfanterie, sans grande facilité car nous n’avons finalement pas complètement idée de ce qu’ont vécu nos concitoyens il y a un siècle, essayer, lorsque nous doutons, de nous inspirer de cette figure de Marc, de nous inspirer de cette figure d’Emile JOLY, de ceux qui dans la tempête ont tenu le cap.

 

Merci beaucoup.

Discours du Premier ministre – Commémorations du Centenaire de la Première Guerre mondiale – Mende – 26.10.2018

Author: Redaction

Discours du Premier ministre à l’occasion des Commémorations du Centenaire de la Première Guerre mondiale à Mende

Discours de M. Édouard PHILIPPE, Premier ministre

à l’occasion des Commémorations du Centenaire de la Première Guerre mondiale

À Mende

Vendredi 26 octobre 2018

 

Seul le prononcé fait foi

 

Monsieur le maire,

Madame la ministre des Armées,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Mesdames et Messieurs les maires, les élus,

Monsieur le Président du Conseil scientifique de la Mission du Centenaire,

Chère Nathalie BAYE,

Mesdames et Messieurs,

 

Dans son journal dont nous venons d’entendre la première page, Emile JOLY écrit le 3 septembre 1918 : « Le moral de la population et celui des permissionnaires du Front sont superbes ; par contre, la crise de la cherté de vie grandit sans cesse et la sécheresse nous prépare pour cet hiver de pénibles privations. La récolte de pommes de terre est perdue. » Ces lignes et le contraste qu’on découvre en les lisant, résume assez bien les préoccupations d’un maire pendant la Première Guerre mondiale. La première d’entre elles, c’est évidemment le Front, la guerre et, en septembre 1918, à Mende comme à Paris, on sait, on sent, on espère toujours que la victoire approche.

 

Mais cette victoire, d’une certaine façon, le maire a peu le temps d’y penser car il est assailli par mille contrariétés quotidiennes : la pénurie de charbon, la menace de la disette, des lettres à écrire au préfet et au ministre de l’Agriculture pour garantir et assurer l’approvisionnement de la ville.

 

Ce journal nous montre que si en France, le Front de l’arrière comme on dit parfois, a tenu  entre 1914 et 1918, s’il a non seulement tenu mais porté la Nation vers la victoire, c’est parce  l’État, l’administration, la construction sociale française ont tenu. Ce qui était moins le cas en Allemagne. En France, l’État, les communes ont continué à administrer tous nos territoires, notamment grâce à des maires comme Emile JOLY.

 

C’est donc avec beaucoup de respect et beaucoup d’émotion que j’ai tenu à me rendre ici à Mende, au moment où vous vous apprêtez à publier le journal d’Emile JOLY et plus largement dans ce magnifique département de la Lozère, le département qui compte le plus de morts pour la France, par rapport au recensement de 1911.

 

On célèbrera dans les jours qui viennent à juste titre et à raison, le Front, les endroits dévastés par les combats : les Ardennes, le Nord, l’Alsace, partout dans le nord de la France où les champs deviennent impraticables, où les forêts sont rasées, où les villes sont détruites, où les populations sont déplacées. Mais il ne faut pas qu’en célébrant le Front, en célébrant la victoire, on oublie l’arrière qui a tenu,  qui a joué et, qui a compté.

 

Quand on commémore le Centenaire de la Première Guerre mondiale, il est courant – et c’est normal – de rendre hommage aux combattants, aux Poilus qui ne partirent pas tous la fleur au fusil, comme cela a parfois été dit, mais qui partirent avec courage, avec angoisse aussi, avec dévouement toujours, pour servir leur pays, convaincus au début en tout cas, que la guerre serait courte.

 

Ces Poilus venaient de Florac, du Malzieu, comme Augustin TREBUCHON, ils n’étaient pas toujours Français comme Guillaume APOLLINAIRE qui s’enrôla volontairement dans l’espoir d’obtenir la nationalité française et qui écrivait : « Je me suis engagé sous le plus beau des cieux ». Quatre ans après son engagement, il mourra de la grippe espagnole deux jours avant l’Armistice.

 

Ces soldats, ils étaient dans leur grande majorité des paysans parce que la France était en 1914 encore très majoritairement paysanne. Ils avaient vécu et ils vivaient au rythme classique des travaux, des saisons, des vendanges ; on naissait et on mourrait en général au village, entouré des siens. La Première Guerre mondiale, ça a été une confrontation de ces paysans soldats, à une violence inédite par son ampleur et son intensité, à une violence quasi industrielle. Pour beaucoup d’entre eux, ils sont morts, loin de leur petite patrie, parfois sans sépulture ; ils ont été les instruments et souvent les victimes des théories de l’offensive à outrance et se sont fracassés dans la longue et boueuse réalité des tranchées.

 

Cette violence qu’ils ont vécue, elle nous est transmise par des mémoires familiales, elle nous est transmise par des remarquables travaux d’historiens ; elle nous est transmise par des œuvres, des romans, des poésies, de la musique même parfois, du cinéma mais elle nous est aussi transmise par ce qui est resté dans chacune de nos familles de ce premier conflit mondial. Il se trouve que nous avons accès, à l’occasion de ce premier conflit mondial, à des millions de lettres rédigées par les Poilus qui nous donnent une connaissance presque intime de ce qu’ils vivaient, de ce qu’ils pensaient. Je ne dis pas que nous pouvons parfaitement saisir ce qu’ils vivaient mais nous pouvons, en les lisant et en les écoutant, d’une certaine façon essayer de saisir et essayer de comprendre ce qu’ils vivaient. Il se trouve que pour la première fois dans l’histoire de la guerre, les soldats de 14 savaient quasiment tous lire et écrire le français ; c’était l’impact des réformes engagées par la République en 1882, qui avaient rendu l’école primaire obligatoire ; le paysan soldat de Lozère pouvait exprimer ses espoirs, son effroi, parfois sa révolte ; c’est ce qu’a montré la grande collecte orchestrée par la Mission du Centenaire depuis 2014 pour rassembler les lettres ou les croquis que nos grands-parents ou nos arrière-grands-parents ont été très nombreux à conserver dans leurs tiroirs ou leur grenier. Le simple fait, comme vous le disiez très justement tout à l’heure monsieur le Professeur, que ces lettres, ces souvenirs, ces portraits, ces livrets militaires aient été conservés par-delà les années, montre bien que dans toutes les familles de France, on savait qu’il y avait là quelque chose d’unique, je ne sais pas s’il faut dire de sacré, mais de véritablement précieux pour retracer une histoire familiale et pour redire un lien avec la Nation dans son ensemble.

 

Ces témoins, ces témoignages, ils nous rappellent que tous les Français et toutes les Françaises ont participé à l’effort de guerre. Face aux pénuries de main-d’œuvre, les femmes, les étrangers ont formé des bataillons de travailleurs, c’est vrai ici, c’est vrai à Clermont-Ferrand, c’est vrai partout en France. Parmi ces témoignages, ceux qui ont été écrits par des maires nous apportent un éclairage particulièrement riche sur l’effort de guerre. Riche et unique. Tout au long de la IIIème  République naissante, les maires avaient assis leur légitimité et leur autorité en enracinant la démocratie locale sur tout le territoire français. Dans son discours de Belleville de 1875, Léon GAMBETTA salue « ce qu’il y a de plus démocratique en France, ce qui constitue les entrailles même de la démocratie, l’esprit communal, c’est-à-dire les 36.000 communes de France ». Pendant la Première Guerre mondiale, l’esprit communal constitue plus que jamais les entrailles de la France dont le sang afflue vers la ligne de Front ; et c’est le maire qui incarne, qui anime cet esprit communal en assurant la survie matérielle et administrative de ses concitoyens.

 

Alors évidemment, le terme « survie » n’a pas du tout le même sens – vous l’avez dit d’ailleurs Monsieur le maire – aujourd’hui qu’il y a un siècle mais aujourd’hui aussi, les maires continuent à incarner et à animer notre démocratie.

 

Dès 1914, notamment dans les petites communes, les conseils municipaux sont bouleversés dans leur fonctionnement, dans leur existence même à certains égards, par la mobilisation, parfois par la mort des élus. Les maires sont ensuite confrontés à des missions inédites en plus de leurs attributions légales. Face aux difficultés d’approvisionnement et aux pénuries, ils assurent les réquisitions et le ravitaillement ; ils constituent des stocks dont ils réglementent les conditions de vente pour prévenir la spéculation et la hausse des prix, c’est notamment le cas pour le prix du gaz à cause des pénuries de charbon.

 

Malgré la résistance des autres commerces, certains maires créent des magasins municipaux, notamment des boucheries où la viande reste abordable. En un mot, l’un des premiers soucis des maires, c’est de lutter contre la vie chère – Emile JOLY aborde constamment ce point dans ses lettres. Les foires sont perturbées, certains commerçants engagent un bras de fer contre les taxes ou la réglementation mais les maires avancent. Ils sont chargés du remplacement des enseignants par des enseignants, de la mise en œuvre des projets philanthropiques et de l’accueil des réfugiés ou des blessés. En mai 1916, Emile JOLY note par exemple que l’autorité militaire a cédé aux femmes de France l’Immeuble de l’adoration pour l’installation d’un quatrième hôpital auxiliaire.

 

Mais la plus douloureuse de leurs missions consistait sans doute à apporter les mauvaises nouvelles aux familles des mobilisés. Le 17 mai 1916, Emile JOLY écrit dans son journal que ce qu’il redoute le plus chaque matin, c’est l’ouverture du courrier militaire qui porte les avis de décès ou de disparitions des militaires aux armées. Le beau film de Xavier BEAUVOIS, « Les gardiennes », en montre une illustration poignante quand le maire vient annoncer à Hortense, jouée par Nathalie BAYE, la mort d’un de ses fils. Dès qu’elle aperçoit la figure du maire dans l’embrasure de la porte, on voit qu’Hortense a compris.

 

Aujourd’hui encore, ceux qui ont perdu l’un des leurs – soldat mort en opérations extérieures ou non soldat – savent ce que cela signifie. Et beaucoup de maires ici savent qu’il arrive parfois encore d’avoir à annoncer ces nouvelles terribles.

 

Cette première mission devait être d’autant plus pénible que les maires eux-mêmes, évidemment, étaient souvent pères de famille. Emile JOLY perd son fils, Paul, le 9 novembre 1917 ; un an après, sa douleur reste intacte. « Victoire, écrit-il le 11 novembre 1918, à midi vint, le préfet me téléphone que les Boches ont accepté de signer des conditions de l’Armistice ; j’ai immédiatement donné l’ordre de sonner pendant une heure les cloches de la cathédrale. Cette victoire que la France meurtrie fête en ce moment est l’œuvre de nos chers disparus mais tous les lauriers dont on couvre leurs tombes sont impuissantes à tempérer l’amertume de nos larmes ».

 

Oui, la victoire est amère et dès le lendemain de la victoire, après avoir été les piliers de l’effort de guerre, les maires deviennent les premiers artisans du devoir de mémoire ; ils répondent à la très forte demande qui émane de leurs administrés : ériger des monuments en souvenir de la saignée humaine qui est aussi, on le mesure bien en Lozère, une saignée rurale. La France a perdu un million et demi des siens, à Mende, on compte 349 tombes de soldats. Sur le monument aux morts du Malzieu, on peut lire une cinquantaine de noms et on ne peut pas être insensible et à certains égards sidéré – l’expérience est vraie au Malzieu, elle est vraie partout ailleurs en France – par la répétition de ces noms, par ces fratries, parfois le père et les fils, les cousins, marqués par la disparition.

 

Dans l’article des lieux de mémoire que vous consacrez aux monuments aux morts, cher Antoine PROST, vous montrez que ce sont les communes, c’est-à-dire les citoyens, qui réclament ces monuments en une forme d’union sacrée commémorative ; ce qui est inédit, d’abord parce que la guerre précédente, celle de 1870-1871, n’avait donné lieu qu’à quelques monuments cantonaux ou départementaux ; ensuite, parce que ces monuments ne célèbrent pas des principes abstraits mais des citoyens concrets, presque toujours sans considération hiérarchique. Il est frappant de constater que sur beaucoup des monuments aux morts, ne figurent pas les grades ; on donne le nom des individus, des Français, quel que soit leur âge, quel que soit leur garde, quelle que soit leur fonction et parfois même quelques soient les circonstances de leur mort. Ils sont tous égaux sur les monuments comme ils ont tous été égaux devant la mort comme devant la loi.

 

Au fond, ces monuments, ce sont des lieux de mémoire qui consacrent le culte de ce que le citoyen rend aux citoyens. Ce sacrifice que nous commémorons, il n’est pas oublié et sa mémoire est même d’une certaine façon incroyablement vive dans notre société. On m’a présenté quelques-uns des très nombreux projets que portent des professeurs de Lozère depuis 2014, pour faire en sorte que cette mémoire ne disparaisse pas. Nous sommes des passeurs de mémoire, disent les élèves d’une classe de 3e du collège Odilon-Barrot à Villefort. Nous qui grandissons dans une Europe en paix, nous devons nous souvenir. Dans le cadre d’un travail qui associait plusieurs professeurs, ces élèves ont conçu un projet audiovisuel qui sera présenté le 16 novembre au cours d’une cérémonie républicaine. Je ne peux pas tout vous raconter, je ne voudrais pas faire disparaître l’effet de surprise et de suspense mais je peux vous dire un certain nombre de mots quand même : dans un premier tableau, un Poilu arrive dans la classe et confronte sa vision de la guerre à celle des jeunes du XXIème siècle, un siècle après. Dans le second tableau, des femmes du village évoquent l’être aimé et le travail aux champs : les châtaignes à ramasser, les labours à venir sans les bœufs, sans le cheval qui ont été réquisitionnés ; un jeu d’ombres chinoises met en scène la lecture de lettres de Poilus. Des élèves de 1ère s’approprient un peu différemment ce travail de mémoire en se transformant en enquêteurs ou en archivistes amateurs ; leur professeur d’histoire les fait travailler à partir d’une brochure mise en ligne par les archives départementales de la Lozère ; il leur demande de retracer le parcours d’un soldat en choisissant un nom sur le monument aux morts de leur village, puis en allant sur le site Mémoire des hommes du ministère des Armées, chaque élève peut retrouver le matricule de son Poilu et accéder à un ensemble d’informations biographiques. Un dernier exemple : à Florac, les élèves de primaire et de collège ont monté et joué une pièce de théâtre intitulée « Les enfants dans le bleu horizon », qui a tourné partout en Lozère. Pour les professeurs, ces projets artistiques sont l’occasion de raccrocher certains élèves en difficulté en les faisant travailler sur des chansons comme « La chanson de Craonne » ou « La Madelon » ; ils les font réfléchir à des questions qui restent d’actualité comme le sentiment d’injustice ou l’égalité entre les filles et les garçons.

 

Au jardin Paul-Arnal de Florac, les élèves ont aussi conçu un sentier de mémoire et de paix qui s’achève avec un mobile en forme de parapluie où se posent des colombes. Cette construction  symbolise la précarité de la paix qui reste en équilibre toujours instable Et c’est pour cette raison que nous commémorons la Première Guerre mondiale et son Centenaire. Nous la commémorons à l’heure où la stabilité du monde qui n’est jamais acquise est peut-être plus encore que cela ne fut le cas, ébranlée par le retour des logiques de puissance. Nous avons la nécessité aussi de nous défendre. A l’heure où elle est affaiblie par les populismes ou les nationalismes, nous mesurons la nécessité d’agir chacun à notre niveau, pour opposer à ces logiques pernicieuses, une dynamique de paix et de rassemblement.

 

Les logiques pernicieuses c’est  la banalisation des discours et même des mots qui s’inscrivent dans un registre de haine. En 1914, la voix dissidente de Romain ROLLAND, dénonçait déjà depuis Genève, « les mots meurtriers qui sont les semences de meurtres ; à qui souffle la haine, la haine lui rejaillit à la face et le brûle ». Romain ROLLAND, l’auteur de « Au-dessus de la mêlée », pensait d’abord intituler son texte « Au-dessus de la haine ». Nous ne sommes pas au-dessus de la mêlée mais nous devons faire attention à cette même haine.

 

Ces logiques pernicieuses, on les retrouve aussi dans la propagation des rumeurs, ce qu’on appelle aujourd’hui des « fake news ». Juste après la Première Guerre mondiale, un historien écrit un livre fascinant sur ces rumeurs ou comme il les appelle, sur ces fausses nouvelles de la guerre. Cet historien, c’est Marc BLOCH et il écrit un petit livre sur les « Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre ». Et il nous dit que l’erreur est humaine, que d’une certaine façon, tous les témoignages sont biaisés, partiels et parfois contradictoires ; il nous dit aussi que pour qu’une erreur se propage et s’amplifie, il faut qu’elle trouve « dans la société où elle se répand, un bouillon de culture favorable ». Les rumeurs, les « fake news », révèlent toujours des préjugés, des raccourcis intellectuels, les passions d’une société qui s’exacerbent dans une période de crise. Et il est utile que nous nous interrogions sur notre capacité, nous-mêmes, à limiter le bouillon de culture que Marc BLOCH décrivait.

 

Au fond, Mesdames et Messieurs, terminer cette intervention sur le nom de Marc BLOCH a beaucoup de sens parce qu’il était historien, parce qu’il était soldat ; un remarquable historien et un soldat incroyablement courageux. Et lui aussi tenait un journal pendant la Première Guerre mondiale ; il était lieutenant, il s’est battu et il écrivait aux familles de ceux qui, sous ses ordres, avaient trouvé la mort, des lettres aux femmes, aux enfants, parfois aux parents, de soldats qu’il connaissait, parfois très bien, parfois un peu moins bien mais qui étaient morts sous ses ordres ; des lettres très simples, écrites dans un français magnifique de simplicité et de lumière, des lettres qui traduisent la douleur qui est la sienne de participer à un combat où des concitoyens trouvent la mort ; des lettres qui montrent aussi l’exigence à laquelle il s’astreint de dire les choses et de témoigner pour ceux qui, à l’arrière, apprennent les mauvaises nouvelles. 

 

Marc BLOCH, savant parce qu’historien, était aussi un soldat qui s’est formidablement battu pendant la Première Guerre mondiale et qui, au début de la Seconde Guerre mondiale, alors même qu’il est au-delà de la limite d’âge de mobilisation, choisit de s’engager dans l’armée française pour défendre la France. Il sera tué pour fait de résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. Au fond, parce qu’il a écrit ces livres extraordinaires de lucidité, ces lettres que j’évoquais, parce qu’il est à la fois un savant et un homme engagé, parce que si nous voulons défendre ce que nous sommes, nous devons à la fois nous appuyer sur la raison et sur l’action, sur le savoir et sur le courage. Marc BLOCH est une belle illustration de ce que la France a fait de mieux pendant la Première Guerre mondiale et je pense que nous pouvons tous ensemble, sans forfanterie, sans grande facilité car nous n’avons finalement pas complètement idée de ce qu’ont vécu nos concitoyens il y a un siècle, essayer, lorsque nous doutons, de nous inspirer de cette figure de Marc, de nous inspirer de cette figure d’Emile JOLY, de ceux qui dans la tempête ont tenu le cap.

 

Merci beaucoup.

Discours du Premier ministre – Commémorations du Centenaire de la Première Guerre mondiale – Mende – 26.10.2018

Author: Redaction