Discours de Manuel Valls à l’Agroparc d’Avignon

Madame la ministre, chère Najat VALLAUD-BELKACEM,
Monsieur le ministre, cher Thierry MANDON,
Monsieur le ministre Patrick KANNER,
Madame la députée,
Monsieur le sénateur,
Monsieur le préfet,
Monsieur le président du Conseil régional,
Monsieur le président du Conseil départemental,
Monsieur le président du Grand Avignon,
Madame la maire,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le recteur de l’académie d’Aix-Marseille,
Monsieur le recteur de l’académie de Nice,
Monsieur l’administrateur de l’université d’Avignon et des Pays de Vaucluse,
Monsieur le président de la Conférence des présidents d’universités,
Mesdames, messieurs,
Chers étudiants,

Pour plus de 2 millions et demi d’étudiants, en première année de licence ou en fin de doctorat, issus de filière générale, technologique ou professionnelle, pour ceux qui les accompagnent – enseignants-chercheurs, vacataires, maîtres de conférences, professeurs, personnels administratifs, présidents d’établissement et leur conseil d’administration –, pour tous, donc, chacun l’a bien compris … c’est la rentrée !

Et c’est toute une dynamique qui se met en marche pour finir de préparer les cours et les enseignements pratiques, pour s’assurer aussi que tous les étudiants peuvent financer leurs études, trouver un logement, être accueillis, être accompagnés.

C’est cette dynamique que nous avons pu voir aujourd’hui, ici à Avignon, en visitant le nouveau bâtiment de la résidence étudiante, puis l’Agroparc, lieu de formation et de science tout à fait exceptionnel.

La première chose qui nous frappe, c’est le lien que votre université a su tisser avec la vie économique ; c’est l’ancrage territorial – nous l’évoquions il y a un instant – que vous avez su mettre en place. Votre université, avec les campus dédiés à la culture et aux agro-sciences, a su se construire une identité miroir à celle de votre ville. Et je connais votre conviction : la place de l’université, ce n’est pas dans sa tour d’ivoire, c’est au cœur de la cité, au cœur d’un territoire. Cette conviction, nous la partageons, bien sûr, avec les trois ministres qui m’entourent.

Ce campus moderne Jean-Henri FABRE qui nous accueille aujourd’hui, consacré aux agro-sciences, est donc situé au cœur du pôle de compétitivité fruits et légumes Terralia, aux côtés de l’INRA. A la clé : un contact étroit entre la chaîne de formation, la recherche et ses débouchés économiques. Vous avez ainsi bâti ensemble les plates-formes technologiques et elles sont partagées par tous les acteurs, de l’entreprise comme de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Nous avons vu, dans ce beau bâtiment que vous avez tout récemment inauguré, des témoignages de votre conception inclusive de la vie étudiante et de l’alchimie subtile – nous sommes dans les sciences ! – que l’université a su développer avec les acteurs du territoire. Je crois que c’est un bel exemple, c’est pour cela que nous sommes ici, du décloisonnement entre la réflexion et l’application, un bel exemple de coopération réussie.

L’enjeu de ce dialogue entre l’université, la ville – madame la maire, vous connaissez bien cette université, nous avons même rencontré vos anciens étudiants, ils sont heureux de vous avoir eue comme enseignante et d’être ici dans cette université ! – de ce dialogue donc avec le territoire et le tissu économique, ce sont des étudiants qui s’intègrent plus facilement dans la vie professionnelle – ils sont d’ailleurs prêts, ils ont de superbes cravates ! –, c’est d’avoir une recherche plus visible, des entreprises plus compétitives – j’étais cet été en visite dans une de ces entreprises innovantes et compétitives, nous l’évoquions il y a un instant avec Thierry MANDON –, c’est d’avoir une filière d’excellence qui se structure et aussi d’avoir un territoire mieux identifié.

La deuxième spécificité de votre université, c’est la culture de l’engagement que vous avez su développer. Déjà il y a quelques années, avec Emmanuel ETHIS, aujourd’hui recteur de l’académie de Nice – mais la ministre a permis sa présence exceptionnelle, et donc nous avons deux recteurs aujourd’hui ! – j’avais eu l’occasion de me rendre sur le campus Hannah ARENDT. Nous avions alors parlé du rôle essentiel de la culture à l’université. Je sais que c’est un sujet qui vous tient ici à cœur, et le nom de votre nouvelle résidence étudiante, Jean ZAY, est à cet égard prometteur. Cela touche la ministre, l’une de celles qui a succédé à ce grand ministre, et elle travaille d’ailleurs sur le bureau de Jean ZAY.

30% de vos étudiants pratiquent ainsi une activité culturelle, sportive ou associative, c’est le taux le plus élevé en France. C’était important de le dire dans cette université : il n’y a pas de petite ou de grande université, le président SALZMANN sera d’accord avec moi, il y a des universités qui s’ancrent dans les territoires et qui accueillent les étudiants. C’est également dans votre université, il y a peut-être un lien, que la participation des étudiants aux élections internes est la plus haute.

La troisième spécificité, et je veux la souligner tout particulièrement, c’est la lutte active contre les inégalités. Vous ne ménagez pas vos efforts pour offrir aux étudiants qui en ont besoin un accompagnement personnalisé – et nous le savons, c’est essentiel pour lutter contre l’échec, notamment en première année. Vos équipes pédagogiques mènent ainsi des entretiens systématiques pour vérifier que les choix d’orientation des bacheliers professionnels sont les bons, qu’ils correspondent à leurs aspirations, à leurs attentes en termes de débouchés. Voilà un exemple de mobilisation concrète pour la réussite de tous à l’université. Et c’est dès cette rentrée que cela se joue ; vous me disiez il y a un instant que vous aviez rencontré aujourd’hui même une étudiante qui faisait part de son angoisse et sa désorientation lors de ses premiers jours, car c’est un changement de monde quand on passe du lycée à l’université.

Il y a également le projet de campus des métiers et des qualifications pour l’agroalimentaire, nous venons d’en parler, qui renforce les coopérations entre l’éducation, le lycée, le monde agricole et le monde économique, au service, là aussi, de l’insertion professionnelle des jeunes. Nous voudrions saluer votre implication à tous pour ce projet : campus, lycées, université, organismes de recherche, acteurs de l’entreprise, collectivités territoriales, c’est vrai avec la région, cher Michel VAUZELLE, avec le Grand Avignon, avec la ville, et chacun joue son rôle. C’est comme cela, d’ailleurs, que la France est efficace sur le terrain : quand les collectivités travaillent ensemble et ont le même projet.

Coopération des acteurs, culture de l’engagement, lutte contre les inégalités : ce sont donc vos atouts et vos forces. C’est aussi la politique pour l’enseignement supérieur et la recherche que portent Najat VALLAUD-BELKACEM et Thierry MANDON.

Nous avons ensemble, et le président de la République a eu l’occasion de le dire il y a quelques jours à Saclay, une grande ambition pour l’université française. C’est un impératif : il y a va de l’avenir de notre jeunesse, de l’avenir de notre recherche et de notre production intellectuelle, de l’avenir des technologies qui doivent avoir toujours un temps d’avance, et donc de l’avenir de notre économie.

Dans un monde qui change toujours plus vite, l’université doit répondre à de multiples exigences, toutes légitimes : ouvrir l’accès à la connaissance et faire réussir le plus grand nombre ; élever le niveau de compétences – c’est la meilleure arme contre le chômage et de ce point de vue-là, les évolutions sont tout à fait considérables en 30 ou 40 ans. C’est une bonne chose. Il y a évidemment toujours des élites conservatrices qui sont là pour nous expliquer que moins il y a d’étudiants, plus un pays va de l’avant ; ils se trompent, c’est une vision passéiste. C’est au contraire en faisant en sorte qu’il y ait un maximum d’étudiants qui atteignent le plus haut niveau de qualification que nous préparons l’avenir du pays, en saisissant les opportunités de la révolution numérique, en rayonnant et en faisant rayonner la France pour affronter la concurrence mondiale.

La stratégie nationale de l’enseignement supérieur, fondée sur ce constat lucide, vient de tracer de grandes pistes pour l’évolution de l’université française au cours des dix prochaines années. Elles seront soumises à un débat parlementaire. Je sais que ce débat sera riche, utile et fructueux pour préparer l’avenir, avec un premier enjeu : l’articulation, je viens de l’évoquer, entre le lycée et l’enseignement supérieur. Cette articulation doit être rendue plus fluide et plus efficace. Car quand on se fixe comme objectif, comme nous l’avons fait, qu’une majorité d’élèves accèdent à un diplôme de l’enseignement supérieur, la priorité, c’est d’accompagner les étudiants les plus fragiles, ceux qui ont moins de moyens, moins de bagage, moins d’entourage, et ce, dès le lycée. J’ai donc demandé à Najat VALLAUD-BELKACEM et à Thierry MANDON d’améliorer l’orientation des lycéens et leur accompagnement vers l’enseignement supérieur.

Deuxième enjeu, majeur pour la vie quotidienne des étudiants : tous doivent pouvoir se loger. 40 000 logements étudiants seront pour cela créés ou réhabilités d’ici 2017, dont la moitié dès la fin de cette année.

Il y a toujours un grand scepticisme dans notre pays sur les capacités de l’université, à partir des classements internationaux – on se lamente en permanence, c’est d’ailleurs un sport que les Français pratiquent avec une certaine délectation, et notamment les commentateurs. Et moi je suis là pour affirmer que nous avons aussi une université de très grande qualité, pour dire que quand on prend des engagements, nous tenons ces engagements. Nous tenons les engagements quand il s’agit de créer des postes d’enseignants pour l’école, pour le collège, pour le lycée, mais aussi, on l’oublie trop souvent, pour l’université. 60 000 postes d’enseignants sur lesquels le président de la République s’est engagé en 2012, et nous tenons cette promesse.

C’est vrai aussi pour le logement. C’est une bonne chose pour les étudiants, c’est une bonne chose pour le campus, c’est également une bonne chose pour les entreprises de construction. Le nouveau bâtiment de la résidence universitaire Jean ZAY, construit dans le cadre du contrat de plan signé avec la région, soutenu aussi par le Grand Avignon et géré par le CROUS, dont je veux saluer les responsables et l’ensemble des agents, permet ainsi d’accueillir 170 étudiants boursiers supplémentaires. Vous savez en effet, vous les étudiants, qu’épanouissement personnel et réussite académique vont de pair – même si nous avons eu des témoignages touchants, notamment de la part de la ministre qui a raconté qu’elle avait, elle, vécu dans une chambre de 9 mètres carrés. Nous sommes tous passés par là, et… même si cela a donné a priori de bons résultats, quelques années plus tard… nous souhaitons qu’on puisse vivre et travailler dans de bonnes conditions. Les choses ont changé depuis ! Vous en aviez d’ailleurs déjà fait la démonstration avec votre projet de la Ville Campus, lauréat du programme innovant CNOUS 2015.

L’accès au logement, c’est aussi la généralisation de la caution locative étudiante. Quand un jeune étudiant n’a pas de garant, c’est désormais l’Etat qui se porte garant pour lui.

Troisième enjeu : permettre à tous d’accéder à l’université, quels que soient ses moyens ou les revenus de ses parents, lutter contre les inégalités. Il y a un beau mot dans notre devise, inscrit au cœur de ce qu’est la République, c’est l’égalité. L’égalité, nous la portons, nous la faisons vivre.  C’est un combat de tous les instants, et notamment à travers l’action de l’école, de l’éducation, au sens le plus large du terme, donc de l’enseignement supérieur et de l’université.

Depuis 2012, les bourses sur critères sociaux bénéficient de 500 millions d’euros supplémentaires. Pour la première fois, un étudiant sur quatre issu des classes moyennes et populaires peut y prétendre. Voilà notre engagement pour la réussite de tous !

Dans cette même logique, les droits d’inscription n’ont pas augmenté cette année.

A partir du 1er janvier prochain, les étudiants travaillant en parallèle de leurs études – ils sont près de 100 000 – et gagnant entre 900 et 1 400 euros par mois pourront bénéficier d’un complément de revenu grâce à la nouvelle prime d’activité, qui remplace le RSA socle et la prime pour l’emploi.

D’autres outils viennent d’être déployés pour ceux et celles qui sont sortis, et ils sont trop nombreux, du système sans qualification. Je pense par exemple à la grande école du numérique, lancée la semaine dernière par le président de la République : un réseau de formations courtes, concrètes aux métiers du numérique. Cette grande école est ouverte à tous les publics, sans condition de diplôme, car le monde du numérique favorise, peut-être plus que d’autres, les compétences par rapport aux qualifications.

Enfin, pour encourager l’imagination, l’initiative, le goût de la prise de risque, le statut d’étudiant entrepreneur a été mis en place dans de nombreux établissements. L’objectif : permettre aux étudiants de mener à bien leur projet en leur garantissant d’être accompagnés, protégés et de bénéficier d’un maximum de visibilité. Ici, beaucoup d’entre vous, grâce à vos qualifications, grâce à l’alternance, savez ce qu’est le monde de l’entreprise.

Quatrième enjeu, qui concerne le fonctionnement même de l’université : cette rentrée voit se mettre en place les 25 groupements d’universités et d’établissements décidés par la loi Enseignement supérieur et recherche de juillet 2013, portée par Geneviève FIORASO. Le but, là aussi, est clair : des universités renforcées, plus identifiables, plus attractives, avec des offres de formation diversifiées mais simplifiées.

Votre site est un très bon exemple de ce qui peut être accompli. Le contrat de plan Etat-région, encore une fois, le programme d’investissements d’avenir – vous l’évoquiez avec le chef de l’Etat il y a quelques jours, je l’évoquais avec Louis SCHWEITZER – jouent un rôle essentiel pour notre enseignement supérieur. Le programme d’investissements d’avenir sera d’ailleurs de plus en plus fléché, comme on dit sur le plan budgétaire, pour l’innovation, la recherche et l’université. La troisième vague vient d’être confirmée.

Beaucoup a donc déjà été fait. Mais nous connaissions aussi la tension à laquelle les personnels de l’enseignement supérieur et la recherche font face pour mettre en œuvre cette modernisation. Il y a de plus en plus d’étudiants, puisque nous souhaitons ouvrir l’université, et il y a aussi une poussée démographique. Nous avons donc, malgré un contexte budgétaire contraint, décidé de consentir un effort exceptionnel en faveur de l’enseignement supérieur.

Nous avons l’an dernier voulu financer la modernisation des universités en opérant un prélèvement sur le fonds de roulement de certaines d’entre elles. Je sais que cet effort n’a pas été simple à réaliser, je sais aussi le défi que représente pour les établissements l’accueil d’un nombre croissant d’étudiants – on compte depuis 2012 1 à 2% d’inscrits supplémentaires tous les ans. C’est une chance. C’est aussi une très grande responsabilité.

Sur proposition de Najat VALLAUD-BELKACEM et de Thierry MANDON, j’ai pris donc une décision : il n’y aura pas cette année de prélèvement sur le fonds de roulement des universités. Par conséquent, l’État mobilisera 100 millions d’euros supplémentaires pour le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cette mesure sera introduite au cours du débat parlementaire sur la loi de finances pour l’année 2016.

Mesdames, messieurs,

Les principales dispositions de la loi de juillet 2013 sont entrées en vigueur, et j’ai demandé aux ministres de mobiliser toutes les énergies pour accompagner la mise en œuvre de ces actions, en faisant confiance aux acteurs du territoire.

Nous agissons ainsi, c’était un engagement du président de la République, c’est notre engagement de chaque instant, pour la jeunesse de notre pays, pour qu’elle soit orientée, formée, guidée vers le monde professionnel, pour que les jeunes, tous les jeunes, retrouvent des perspectives et reprennent confiance en eux-mêmes et en l’avenir. Oui, confiance. Et nous devons avoir confiance dans notre système éducatif. Nous devons avoir confiance dans la capacité de notre université à préparer l’avenir. Et c’est à tous ceux qui aujourd’hui font vivre notre université, qui l’ouvrent vers les territoires, qui l’ouvrent vers l’innovation, la culture, qui l’ouvrent vers le monde, c’est à tous ceux-là et bien sûr aux étudiants que je souhaitais faire passer ce message de confiance.

Merci beaucoup.
Discours du 28 septembre 2015, Agroparc d’Avignon

Author: Redaction