Crise de confiance ?

La crise du multilatéralisme, dans tous les esprits depuis l’élection de Trump, ajoute au sentiment de crise. Les défis que les jeunes générations doivent relever sont immenses : réchauffement climatique et avenir de la planète, réduction des inégalités et répartition des richesses, place des femmes dans les sociétés du monde, développement économique et migrations, les urgences sont nombreuses. Or, les cadres de pensée actuels pour les affronter semblent dépassés, comme si nous n’avions pour préparer notre avenir que les réponses du passé. Les nouvelles technologies se multiplient, mais sont porteuses d’autant d’espoirs que de dangers : la rapidité de l’information pousse à la transparence mais favorise les « fake news », les découvertes médicales accélèrent les diagnostics mais font oublier que sans systèmes de santé robustes la technologie ne peut pas grand chose.

Comment s’étonner dans ces conditions de la crise que traversent les démocraties, et de la tentation accrue de troquer les libertés, individuelles ou publiques, contre du pouvoir d’achat ou de la sécurité ? Le populisme naît de l’incapacité des responsables politiques, mais aussi économiques, de proposer les réponses du XXI eme siècle aux défis de l’époque. Nous traversons une crise de confiance.  

Crise de confiance qui traverse les continents et les générations. 
Rarement la parole publique aura été tant dévaluée, avec d’autant plus de violence que personne ne propose de perspective convaincante. 

A l’échelle mondiale aussi, la crise frappe de plein fouet. Les foyers de tension n’avaient pas été aussi prêts de s’enflammer depuis longtemps, les relations bilatérales dominent l’agenda international, les cénacles de la coopération internationale semblent tétanisés, leurs membres haletant  dans une course sans fin sur la roue à la manière des hamsters dans leur cage. L’ONU est impuissante face aux terrorismes et aux gesticulations américaines, le commerce mondial s’affole de la multiplication des sanctions et aucune coopération ne paraît en mesure de réguler les migrations qu’attise l’étalage indécent des richesses.

Et la santé mondiale dans tout cela ? Les défis ne sont pas moindres. La santé mondiale ce n’est pas l’addition des maladies individuelles, ce sont toutes les pathologies qui appellent des réponses coordonnées parce que face aux épidémies et aux infections transmissibles il ne sert à rien de se protéger derrière des frontières si on n’agit pas aussi au niveau mondial. Les enjeux sont considérables, on l’a vu de manière dramatique lors de l’épidémie Ebola en 2015. Un enfant meurt toutes les deux minutes du paludisme, le sida tue encore un million de personnes chaque année, la résistance aux traitements se généralise, pour la tuberculose comme pour d’autres traitements. Des institutions se sont mises en place dans les années 2000 pour y faire face, dont Unitaid, la France s’est engagée avec vigueur, en devenant leur deuxième financeur le plus important et en portant des idées fortes, inspirées de sa conception universelle et solidaire des politiques de santé, comme l’objectif de Couverture Sanitaire Universelle désormais repris par l’ONU. Et les résultats sont là, concrets : le prix des médicaments dans les pays pauvres a baissé drastiquement, 70% des malades du Sida sont sous traitement ( ils étaient 2% à la fin des années 1990), des traitements efficaces adaptés aux enfants ont vu le jour.

La santé mondiale n’est pas en crise même si l’engagement des financements reste toujours fragile et incertain. Le Président E.Macron a raison de s’engager fortement  pour obtenir de la communauté internationale qu’elle garantisse les fonds nécessaires, ce que l’on vérifiera lors de la conférence de Lyon du 10 octobre prochain : on peut saluer la force de ses prises de position pour la santé mondiale. 

C’est d’ailleurs un engagement qui peut être payant pour l’ensemble du multilatéralisme. Des besoins identifiés, des réponses concrètes adaptées, des coopérations renforcées, des financements fléchés : la santé mondiale peut servir de modèle pour une relance du multilatéralisme.

Marisol TOURAINE

Au Forum Crans Montana, à Genève, autour de la crise du multilatéralisme, avec Mr Jean-Paul Carteron, Honorary Chairman and Founder of the Crans Montana Forum, Mrs. Hadja Conde Djéné Kaba, First Lady of the Republic, Guinea, Mr. Armen Sarkissian, President of the Republic, Armenia , Mr. Enele Sopoaga, Prime Minister, Tuvalu, Mr. Abdullah Abdullah, Chief Executive (Prime Minister), Afghanistan , Mr. Behgjet Pacolli, Dep. Prime Minister and Minister of Foreign Affairs, Kosovo, Mr. Moustapha Cissé Lo, Speaker, ECOWAS Parliament , Mr. Carles Puigdemont, MEP elected, European Parliament, Pfr. Carlo Lombardini, Lawyer

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