Toute récupération du Conseil national de la Résistance est inacceptable (pour Figaro Vox)

Le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé la création d’un « Conseil national de la refondation » réunissant des « forces politiques, sociales, associatives ainsi que des citoyens ». Cette initiative renvoyait explicitement au Conseil national de la Résistance (CNR), créé au printemps de1943 pour rassembler les partis politiques et les mouvements de résistance et préparer la libération de la France. « Nous vivons un temps comparable », a ajouté le président de la République.

Présidé par Jean Moulin, préfet mandaté par le Général de Gaulle pour unifier les réseaux de la lutte clandestine, le Conseil de la Résistance (CR), se réunit pour la première fois à Paris le 27 mai 1943 et lança un appel dont l’auteur était Georges Bidault, âgé de 42 ans, professeur d’histoire et ancien éditorialiste du journal démocrate-chrétien l’aube.

Cette motion condamnait la « dictature de Vichy » et soutenait la création d’un gouvernement provisoire (à Alger), « confié au général de Gaulle qui fut l’âme de la résistance aux jours le plus sombres et qui n’a cessé depuis le 18 juin 1940 de préparer […] la renaissance de la patrie détruite comme des libertés républicaines déchirées ».

A la suite de l’arrestation de Jean Moulin par la Gestapo à Caluire et de sa mort sous la torture, un mois plus tard, le CR élut Georges Bidault, son fidèle compagnon, pour lui succéder à la présidence de cette organisation représentative de la résistance intérieure, qui prit le nom de CNR quelques mois plus tard.

Certes, le président Macron n’est pas, loin de là, le premier responsable politique français à faire référence au CNR.  « Une histoire commence avec le Conseil national de la résistance et nous n’en sommes pas sortis » déclarait François Mitterrand dans un discours du 14 mars 1994. Au plateau des Glières, Nicolas Sarkozy est revenu à plusieurs reprises sur cette même histoire. Le 28 mai 2013, le président Hollande, au lycée Buffon s’en réclamait à son tour. Honorer une institution qui a incarné pendant plus d’un an la France en lutte contre la barbarie nazie est le devoir sacré d’un président de la République. Cependant, rien n’est plus contraire à l’esprit du CNR que d’en faire une récupération ou de prétendre l’imiter.

Premièrement, le CNR était à l’origine composé de seize d’hommes rassemblés pour la Libération de la France. Traqués par la Gestapo, ils risquaient en permanence la torture, la déportation et la mort. A l’inverse des résistants de l’extérieur (à Londres ou à Alger), les membres du CNR étaient pourchassés sans répit par les tortionnaires de la Gestapo. Certains, comme Jean Moulin, ont payé le prix fort de leur engagement. Georges Bidault lui-même a échappé par miracle aux multiples souricières qui lui furent tendues. Le courage était ainsi la première caractéristique des membres du CNR. Toute prétention à les imiter en faisant abstraction de leur sacrifice et de leur héroïsme qui n’ont pas d’équivalent possible aujourd’hui en France, relève ainsi du contre-sens.

Deuxièmement, leur démarche était désintéressée sur le plan personnel – dès lors qu’ils risquaient leur vie à tout moment – motivée par le seul patriotisme, à l’inverse de la médiocre tambouille politicienne actuelle. Entièrement mobilisé pour la Libération de la France, le CNR était aux antipodes des calculs électoralistes. D’ailleurs, à l’exception des forces qui ont rejoint la collaboration, sa composition couvrait quasiment tout l’échiquier politique de l’avant-guerre, depuis les communistes (Vallon pour le Front national, Mercier), jusqu’à la droite conservatrice (Jacques Debû Bridel) en passant par la SFIO, les radicaux, les démocrates-chrétiens (Georges Bidault), la droite classique (Alliance démocratique) et les grands mouvements de la Résistance. Certes, sa sensibilité sur le plan économique et social penchait à gauche, mais la composition du CNR était œcuménique. A cet égard, l’esprit du CNR était à mille lieues de la politique-spectacle actuelle, avec ses gourous, ses duels, ses provocations et ses coups narcissiques inefficaces.

Troisièmement, le projet politique du CNR s’est exprimé dans une charte du 14 mars 1944, dont Georges Bidault coordonna la rédaction, fondement idéologique des politiques de la Libération et de la reconstruction : nationalisations massives, politique familiale universelle (allocations familiales), statut de la fonction publique, création de la sécurité sociale, rétablissement de la démocratie parlementaire (en opposition à la « dictature pétainiste ») et des libertés. Or, comme le rappelle Arnaud Teyssier dans le Figaro du 4 juin dernier, les principes du CNR étaient précisément à l’opposé de l’idéologie dominante actuelle et des politiques qui en émanent en particulier l’affaiblissement des services publics, notamment scolaires et hospitaliers, le démantèlement des structures de l’Etat (suppression des corps préfectoral et diplomatique) et le déclin de la solidarité nationale, au profit d’une « start up nation », qui s’exprime notamment dans la montée de la pauvreté. Honorer le CNR, oui, mille fois oui. Le récupérer, à quelque fin que ce soit, non, mille fois non !

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Author: Redaction