Sur les conséquences politiques de l’entrée au gouvernement de Mme Dati et au-delà… (pour Atlantico, avec M. Jean Petaux)

Rachida Dati vient d’être nommée au ministère de la Culture. Ayant accepté ce maroquin, l’ancienne garde des Sceaux rejoint de facto la majorité présidentielle et, pour beaucoup, c’est un assaut qui pourrait faire office de coup de grâce aux Républicains. Qu’en est-il en vérité ? Quel est le coût que le parti de la droite républicaine aura à payer après ce départ ?

Ce ralliement est au premier degré un très mauvais coup pour la droite LR sur le plan symbolique. Il est littéralement stupéfiant de constater que la plupart des personnalités emblématiques de la période UMP/LR ou Chirac/Sarkozy se sont ralliées au macronisme soit en rejoignant carrément ses rangs soit en lui apportant un soutien :  Lemaire, Woerth, Bachelot, Sarkozy, Copé, Raffarin, Juppé, etc.  L’entrée au gouvernement de Mme Dati, qui s’était imposée surtout depuis 2012 comme une figure de proue de la droite classique représente une étape supplémentaire dans ce grand basculement. A cela s’ajoute le modération ou la collaboration avec des autres composantes de  la droite LR , non ralliées officiellement, sur plusieurs grands dossiers emblématiques du macronisme comme la réforme des retraites ou la loi immigration. A deux reprises, le parti s’est arrangé pour sauver l’équipe au pouvoir de la catastrophe. Alors, le message global, reçu dans l’opinion, est dramatique : la droite LR dans son ensemble est désormais associée à l’image du macronisme. Elle a renoncé à être une opposition et une alternative possible. Elle a délaissé à d’autres (notamment le RN) le rôle d’opposition principale et d’alternance éventuelle. C’est bien cela que ressent le pays dans ses profondeurs, même si les leaders de LR refusent de le voir et de l’admettre.

Rachida Dati ressortira-t-elle renforcée de ce transfert ? Quel a été le sort des transfuges politiques par le passé ?

Sa nomination au ministère de la culture paraît à contre-emploi de sa personnalité telle qu’elle était perçue par l’opinion : une femme de terrain énergique libre dans sa parole et plutôt proche des gens.  On ne l’imagine pas forcément dans un rôle qui consiste à s’occuper des artistes et la parole cadenassée par la solidarité gouvernementale. Peut-être en espère-t-elle un tremplin pour la mairie de Paris où elle réunirait les voix de Renaissance et de LR ? Cependant, la concurrence sur ce créneau sera rude par exemple avec le Premier ministre qui n’a pas caché ses ambitions parisiennes. Et surtout, en se fondant dans la macronie, elle perd son image d’icône populaire qui aurait pu, par-delà les logiques partisanes, entraîner une dynamique en sa faveur. Elle se normalise alors que la ville de Paris aime traditionnellement les rebelles… Le sort des transfuges n’est jamais très enviable. Sur le fond, le reproche d’avoir tourné casaque est toujours latent dans l’image que l’opinion se fait d’eux.   On pense à M. Kouchner rejoignant Nicolas Sarkozy en 2007. Ou bien à l’inverse, Mme Bachelot à la culture : on ne peut pas dire que son image en ait été grandie. Edouard Philippe est un contre-exemple, certes populaire alors que passé de LR à Premier ministre de M. Macron en 2017, mais il n’était pas vraiment connu ni identifié – jamais ministre – dans les rangs de la droite auparavant. Mme Dati est certes une prise de guerre de la macronie qui montre une fois de plus le génie  politicien du président Macron. Mais le sensationnel n’a qu’un temps, souvent bref. Une fois passé, le risque pour elle est celui de la banalisation et même de la marginalisation.  

S’il est évident que LR apparaît aujourd’hui fragilisé, peut-on vraiment dire que c’est ce genre de manœuvres qui ont abîmé le parti, à la base ? Ne dispose-t-il pas, par ailleurs, des outils pour se reconstruire ?

Le problème de LR dépasse celui des transfuges. Le parti bénéficie sans doute d’un potentiel considérable. La droite classique est la formation la plus proche, au fond, de la sensibilité de la grande majorité des Français. Elle est l’héritière naturelle des républicains nationaux que sont Gambetta, Waldeck Rousseau, Clemenceau, Poincaré, Tardieu, de Gaulle et Pompidou. Elle répond à l’attente des Français qui aujourd’hui ne se reconnaissent ni dans le narcissisme illusionniste ni dans les aventures démagogiques et extrémistes. Mais la droite classique n’est pas à la hauteur de son destin. Non seulement les multiples trahisons dont elle est victime mais ses complaisances avec le macronisme avec sa logique de mépris anti-peuple – notamment son soutien à l’impopulaire,  absurde et inutile réforme des retraites – l’ont gravement discréditée. Alors, il lui faudrait changer dans les profondeurs, symboliquement changer de nom – pour se dissocier d’un passé abîmé par la succession des félonies – changer les hommes et les femmes, changer totalement de ligne politique. Il lui faut absolument rompre radicalement avec le macronisme, entrer dans une logique d’opposition ferme, sans la moindre concession et de projet d’alternative en s’adressant au pays dans les profondeurs, un pays qui souffre de l’arrogance et de l’entre-soi de ses élites dirigeantes et se réfugie aujourd’hui dans l’abstention.  La voie est étroite, ni macronisme, ni aventure extrémiste et démagogique… Mais le renouveau vient toujours, dans l’histoire, d’une infime minorité qui a se tenir debout, envers et contre tout, dans la tempête.

En laissant dire de la loi immigration qu’elle est une victoire idéologique pour le RN, les dirigeants de LR font-ils montre de la bonne initiative ? N’est-ce pas là, au contraire, un argumentaire qu’il faut rejeter ?

Les politiques n’ont pas perçu, pas senti l’effet délétère de cette prétendue réforme des retraites. Elle s’est imposée comme un incroyable symbole de la tambouille actuelle, votée par la majorité présidentielle, la droite LR et le RN de Mme le Pen.  Elle est un parfait emblème de l’entre-soi politicien. Elle permet à l’Elysée et à la majorité présidentielle de sauver la face, à LR d’en revendiquer la paternité et au RN d’y voir un triomphe de ses idées et un atout dans sa course à la dédiabolisation ou respectabilité… Tout le monde est content. Même l’Elysée se tire de ses contradictions par une pirouette, en se réjouissant du vote de la loi tout en appelant le Conseil constitutionnel à la censurer. Le fond du problème est que cette loi, sérieusement analysée point par point, ne sert strictement à rien. Elle est dans la pure logique des gesticulations et de l’esbroufe inutiles. Elle est chargée de symboles de fermeté (à l’image de la « déchéance de la nationalité » pour les meurtriers de policiers) certes populaires selon les sondages, mais ne comporte pas une once  – pas une once – de contenu utile pour la maîtrise de l’immigration ou l’intégration. La encore, la droite LR a perdu l’occasion de sanctionner le macronisme, de parler un discours de vérité et de tendre une main franche au pays.

MT 

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Author: Redaction

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