Silina courbe en série les capteurs d’images

En s’inspirant de ce qui se fait en aéronautique, la pépite parisienne Silina a réussi à créer un procédé capable de courber à l’échelle industrielle les capteurs d’image. De quoi mettre cette technologie, utilisée jusqu’ici seulement sur un télescope de la Darpa, à la portée d’applications à gros volumes comme les smartphones.

Courber les capteurs d’images, qui sont les yeux électroniques des satellites, smartphones, tablettes, appareils photo et caméras de sécurité pour les rapprocher de la morphologie de l’œil humain. Telle est l’innovation de la pépite française Silina, avec la promesse d’améliorer les performances tout en simplifiant

Et si l’on courbait les capteurs d’image, qui forment les yeux électroniques d’une grande variété d’équipements – des satellites d’observation aux smartphones, en passant par les tablettes, les PC portables, les appareils photo, les caméras de sécurité, les rétroviseurs électroniques de voitures, les télescopes amateurs ou encore les endoscopes médicaux ?

« Cette idée étonnante est suggérée par Silina, une start-up fondée en février 2021 à Paris par Wilfried Jahn, un scientifique de l’optique, avec Michaël Bailly, un polytechnicien disposant de treize années d’expérience dans l’industrie chez Areva, Roland Berger et Air liquide. Elle rendrait les systèmes de vision plus performants, plus simples, plus compacts, plus légers et moins chers en s’inspirant de la morphologie du meilleur système de vision qui existe : l’œil humain. »

« L’œil humain est un système de vision extraordinairement simple, formé par une seule lentille, le cristallin, et une rétine sphérique, détaille Wilfried Jahn, le directeur technique de Silina. Il offre un champ de vision exceptionnel, car la meilleure image se forme sur une surface courbe et non plane. La photo argentique bénéficiait déjà des avantages de ce principe de courbage par l’application du film sur un cylindre. »

Des centaines de capteurs courbés à la fois

Les capteurs d’image, de technologie d’abord CCD puis aujourd’hui Cmos, se présentent comme de petits pavés de silicium plats. Ils sont fabriqués comme n’importe quelles puces électroniques de façon collective sur des plaquettes (wafers) plates. Cela oblige les équipementiers à corriger leurs défauts de restitution d’image par des éléments optiques et du traitement logiciel, rendant les systèmes de vision embarqués plus complexes, plus encombrants, plus lourds et plus chers.

C’est pourquoi dans des domaines à fortes exigences de performances, de fiabilité ou d’allégement comme l’astronomie ou le spatial, les capteurs d’image étaient depuis une quinzaine d’années à l’étude. Avec le potentiel de réduire l’encombrement, le poids et les coûts de 10 à 40 % selon Wilfried Jahn. A ce jour, on compte une seule application: le télescope d’observation de l’espace de la Darpa, l’agence américaine de recherche militaire, installé en 2011 à New Mexico. Jusqu’ici le courbage ne pouvait s’effectuer qu’à l’unité, pièce par pièce. Le mérite de Silina est d’avoir développé un procédé industriel capable de le faire à des centaines de pièces à la fois, mettant les capteurs d’image courbés à la portée d’applications à grands volumes comme les smartphones.

Wilfried Jahn reste discret sur ce procédé. Secret oblige. Le brevet de son invention n’est pas encore délivré. Mais le scientifique affirme tirer bénéfice de sa double expérience : d’abord en tant que thésard sur les capteurs d’image courbés pour le compte de la Direction générale de l’armement (DGA) au laboratoire d’astronomie de Marseille en partenariat avec le CEA-Leti, puis en tant que post-doctorant pour le compte de la Nasa au Caltech, l’institut de technologie de Californie, sur les technologies novatrices de petits satellites. « C’est là que j’ai découvert des technologies susceptibles d’être appliquées au courbage à l’échelle industrielle de capteurs d’image, précise-t-il. Je n’ai fait que tirer profit de la pollinisation entre deux secteurs : celui de l’aéronautique et celui de la microélectronique. J’ai alors décliné une offre d’embauche de la Nasa et décidé de rentrer en France pour créer ma start-up. »

Des questions de rendement et fiabilité

Mais n’y a-t-il pas des risques de dégradation à courber le capteur d’image, un composant électronique rigide formé par des éléments microscopiques ? « Nous le craignions quand nous avons commencé les tests, confie le cofondateur. À notre grande surprise, nous nous sommes rendu compte que cela en améliore les performances optiques. Bien sûr, il faut rester dans l’intervalle de tolérance de déformations. Le rayon de courbure peut être adapté à chaque application. »

La start-up a déjà réussi avec son procédé à courber en même temps les 275 capteurs d’image d’une plaquette de 200 mm de diamètre. Elle prépare sa première levée de fonds d’ici à cet été. De quoi réaliser un démonstrateur et ouvrir à Gardanne, près d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), une ligne pilote de courbage et de caractérisation. Une seconde levée de fonds est prévue en 2023 pour le passage à l’industrialisation. « Nous avons prouvé la possibilité de courber de grandes quantités de capteurs à la fois, affirme Wilfried Jahn. Il ne reste à démontrer que cela se fait dans de bonnes conditions de rendement et de fiabilité. Nous travaillons aussi avec des fabricants de capteurs d’image sur l’insertion de notre procédé dans les lignes existantes de production. »

Opportunité immense

Le modèle économique est de fournir des services de courbage de capteurs d’image, de l’unité à plusieurs centaines de pièces par an, à partir de la ligne de courbage à Gardanne, pour des équipementiers du spatial, des télescopes amateurs et des instruments scientifiques. Mais pour les applications à grands volumes comme les smartphones et les appareils photos, le procédé sera transféré par des cessions de licence à des fabricants comme Sony, Samsung, OmniVision ou STMicroelectronics.


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L’opportunité est immense. Les smartphones, qui forment de loin le plus grand débouché des capteurs d’images, en utilisent 4,5 milliards d’unités par an selon Wilfried Jahn. L’amélioration de la caméra constitue dans ce domaine un axe privilégié de compétition entre les constructeurs. Ils devraient trouver dans l’innovation de Silina le moyen de se différencier sur le marché. Mais compte tenu des délais nécessaires de qualification, Wilfried Jahn ne voit pas sa technologie embarquée dans un smartphone avant trois ans.

Selon le cabinet IC Insights, il s’est vendu 6,7 milliards de capteurs d’image Cmos en 2020, toutes applications confondues, et le volume devrait grimper à 13,5 milliards d’unités en 2025.

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Author: Redaction