Perquisition fiscale: le cas microsoft

Microsoft, la meilleure entreprise internationale où travailler, dont le siège  à coté de Seattle, Etat de Washington…..

Lorsque vous faites de la fiscalité et que vous êtes avocat, il vous arrive de recevoir des gens qui vous expliquent qu’il n’y a rien de plus facile que de ne pas payer d’impôt en France. Il suffit de constituer une société, de préférence dans un paradis fiscal et de facturer les clients avec celle-ci.

Les choses ne sont pas si simples : si le travail est accompli en France de manière régulière, s’il y a quelques immobilisations, on dira qu’il y a un établissement en France. On dira que même réalisés par une société étrangère, les profits ou les pertes de l’activité sont soumis à la fiscalité française. En d’autres termes, le lieu du siège de la Société importe peu, ce qui importe c’est celui de l’exercice de l’activité. Lorsqu’une telle organisation est mise en place pour éviter l’impôt, la situation relève du droit pénal: c’est de la fraude fiscale. Donc mauvaise idée, dangereuse, même pour l’avocat consulté…
Depuis peu, l’administration fiscale dispose des moyens de prouver l’existence d’un établissement permanent, elle utilise un article qui lui permet de faire des visites domiciliaires, c’est-à-dire de venir chez le contribuable sans prévenir, mais avec l’autorisation du juge des libertés, pour vérifier si l’activité est réalisée depuis la France ou l’étranger (cf, instruction de 2009 ici).

C’est une procédure assez rare, qui vise en pratique, les petits. Parce qu’internet permet de s’adresser à tout le monde partout dans le monde, ils se croient suffisamment  malins pour faire croire qu’ils ne sont pas en France et finissent avec une condamnation pénale.

Cette procédure, a été utilisée par l’administration à l’encontre de Microsoft: le canard enchaîné indique qu’une centaine de contrôleurs s’est présentée chez Microsoft France suite à une autorisation donnée par le Juge des Libertés et de la Détention donnée le 28 juin.

Selon l’express (ici), l’ordonnance précise qu’il « « Il peut être présumé que Microsoft Online Inc. développe, depuis 2008, une activité commerciale à destination de clients français, pour le marché français, en utilisant des moyens humains et matériels de la SAS Microsoft France, situé en France ». Le recours à des sociétés notamment de l’Etat de Washington où l’impôt est de 0% permettrait à la Société d’échapper à l’IS en France d’où le soupçon de fraude fiscale….

Il est assez rare qu’une telle procédure soit mise en oeuvre pour une entreprise importante. Le choix de Microsoft est symptomatique car la communication du groupe était essentiellement axée sur le développement des activités de recherche en France (qui ouvrent droit au crédit d’impôt) , les autres activités, étant pour microsoft (comme pour presque tous les acteurs mondiaux de l’économie des services  numérique) gérées depuis l’étranger (voir mon article sur l’organisation de google ici). 

Une telle organisation n’a rien de frauduleux. Elle a même été largement incitée par le législateur européen, qui pour accélérer le développement de l’économie numérique des services a incité les localisations de headquarters dans les Etats connaissant les taux de TVA les plus faibles (en pratique luxembourg, irlande en Europe).

Le fait qu’il soit soupçonné que microsoft ait facturé fictivement depuis l’Etat de Washington, pourrait prêter à sourire quand l’entreprise en est l’employeur le plus connu de l’Etat et quand son ex-patron et sa famille y sont établis (voir la proposition de gates de taxer les riches dans l’Etat de Washington ici). Mais, l’administration avait sans doute beaucoup plus pertinent que le déplacement temporaire de quelques salariés de Richmond pour entamer la procédure….
 
On espère que l’administration avait bien fait état de la documentation sur les prix de transfert de Microsoft devant le JLD et qu’elle a effectivement décelé un comportement frauduleux. A priori, on voit mal comment dans une telle hypothèse, une fraude de cette nature puisse se limiter à microsoft, sans rejaillir sur les auditeurs légaux  des sociétés françaises et leurs conseils…. Bref, s’il y a exemple à faire, il ne devrait pas, dans le cas de Microsoft, avoir les mêmes conséquences que dans le cas, plus répandu, du type qui se croit malin mais qui en réalité est un peu idiot.


Si, au contraire, cette procédure est un coup d’épée dans l’eau de l’administration dans les problématiques de prix de transfert de microsoft, un coup réalisé pour marquer les esprits. Cette procédure ne pourra être interprétée  que comme l’histoire d’un Etat qui attire l’investissement des étrangers et qui après, profite de ses prérogatives pour connaître les secrets d’une organisation multinationale et collecter de l’impôt de façon indue.A cet égard, les accords fiscaux et en matière de sécurité sociale entre la France et les Etats-Unis ont précisément été négociés pour permettre aux américains de venir travailler quelques temps en détachement en France dans les conditions fiscales  et sociales les plus favorables…..


Peut être  qu’un américain à Paris fait partie d’une histoire bientôt révolue…..

Stanislas Lhértitier


Author: Redaction