L’idéologie du « en même temps » favorise-t-elle un climat de violence (pour Atlantico)

Jean Luc Moudenc agressé, Zemmour pris à partie, des mouvements d’extrême gauche de plus en plus véhéments, la violence en politique semble s’intensifier. La responsabilité est évidemment ceux qui pratiquent la violence ou la justifient, mais n’y-a-t-il pas aussi une responsabilité secondaire à aller chercher de la part de la majorité et du gouvernement dans la création d’un contexte favorable à ces violences ?

La démocratie et même la politique se sont affirmées au fil du temps comme un mode de résolution pacifique des conflits. La démocratie est le pire des systèmes à l’exception de tous les autres comme disait Churchill. Elle repose sur le principe que dès lors que deux points de vue sont en opposition, la majorité obtient satisfaction et la minorité s’incline. Tel est le secret de la paix civile depuis plus de deux siècles. Or, nous voyons réunis tous les symptômes d’une crise dramatique de la démocratie. L’abstentionnisme a atteint de 54% aux dernières législatives. Les citoyens ont le sentiment que les politiques n’ont pas tenu compte de la victoire du Non à 54% au référendum sur la Constitution européenne en 2005 dès lors que le traité de Lisbonne, approuvé ensuite par voie parlementaire, reprenait une partie des dispositions de cette Constitution. Un sentiment s’est imposé dans le pays que voter ne servait à rien, que la démocratie était une fiction, qu’une caste dirigeante ayant la prétention de faire le bien du peuple contre lui-même ne tenait aucun compte de l’avis de ce même peuple. Alors évidemment, cette impression que voter ne sert plus à rien favorise la tentation de la violence.

 
Que ce soit par la négation du clivage droite gauche, le mépris des corps intermédiaires ou les contradictions permanentes du discours politique, Emmanuel Macron a-t-il crée les conditions d’installation et de développement d’une violence ? Comment cela s’est-il produit ? Quelles ont été les étapes les plus délétères ?

La démocratie directe ou référendaire a été abandonnée depuis la victoire du Non au référendum de 2005 et la démocratie parlementaire fait naufrage dans le chaos. La disparition du clivage structurant droite-gauche ou majorité/opposition a ouvert la voie à un modèle politique fragmenté, dominé par des oppositions radicalisées. Entre Renaissance, la Nupes, le RN et LR, on est entré dans un système chaotique qui fonctionne par des combinaisons et des compromissions ponctuelles dans un contexte instable et dominé par des haines intestines, une montée aux extrêmes. Bref, ce climat de chahut permanent et de cour de récréation donne le sentiment qu’aucune alternance n’est envisageable. En outre, le président Jupitérien s’est donné un style autocratique en confrontation permanente avec le peuple. Après les Gilets Jaunes en 2018 et 2019, la réforme des retraites a été un moment fort de cette confrontation. Le passage en force des 64 ans contre l’avis d’au moins huit-dixièmes des travailleurs sans débat et sans vote de l’Assemblée nationale, a été le déclencheur d’une crise sociale de trois mois. L’impression de mépris, d’arrogance, d’intouchabilité en l’absence de possibilité de sanction du pouvoir est ravageuse pour la paix civile.

A quel point ce sont idéologiquement et sociologiquement les racines du macronisme qui sont en cause ?

Idéologiquement, la macronisme est un étrange pot-pourri, vulgarisé sous les formules « en même temps » ou « ni droite ni gauche ». De fait, il emprunte d’une part le pire d’une mauvaise gauche (esprit bureaucratique et négation des libertés notamment pendant le covid19, gabegie financière insensée, nivellement scolaire, surfiscalité, laxisme sécuritaire et migratoire, dérive écologiste dans la fermeture de Fessenheim) et d’autre part le pire d’une mauvaise droite: mépris des gens, délaissement des services publics comme la santé, déstabilisation de l’Etat, culte du chef, argent roi, autoritarisme stérile, élitisme arrogant. Le tout est empaqueté dans une débauche de communication narcissique, de provocations et de mystification (par exemple sur le chômage). Il donne le sentiment d’un entre-soi hors sol, déconnecté du monde des réalités. Il se veut intouchable, invulnérable, à l’image de cette déferlante d’affaires politico-financières qui ne font l’objet d’aucune sanction en interne. Sociologiquement le macronisme est au croisement d’une partie du CAC 40, des retraités cossus et de la gauche caviar (ou bobo). Tout l’oppose au peuple, aux classes moyennes et populaires. Cette scission est évidemment une source de violence potentielle considérable.

Si le macronisme s’attelait à recrédibiliser la parole publique, revitaliser la démocratie parlementaire, etc. pourrait-il permettre une désescalade dans les violences observées ? Le peut-il ?

Mais en dehors d’une situation exceptionnelle, on ne voit pas de perspective d’un retour à une politique apaisée. Améliorer le fonctionnement de la démocratie par le référendum ou une dissolution qui serait suivie d’une Assemblée plus gouvernable, n’est pas dans l’esprit du macronisme. Ce dernier repose tout entier sur une défiance envers le peuple. Non, il ne le peut pas. Mais le salut ne viendra jamais non plus ni du RN ou autre parti nationaliste ni de la Nupes qui ont une image beaucoup trop clivante dans le pays pour créer un sursaut national. La droite LR quant à elle est allée beaucoup trop loin dans la compromission avec le macronisme contre le peuple, son adversaire privilégié, pendant la réforme des retraites.  Tout peut changer très vite évidemment à la faveur d’événements imprévisibles, mais en ce moment, on ne voit aucun signe nulle part d’une possibilité de renouveau démocratique.

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Author: Redaction