Lecture: les Françaises sous l’occupation, Michèle Cointet, Fayard Histoire, 2018.

« Les Françaises dans la guerre et l’occupation »: le nouveau livre de Mme Michèle Cointet aborde l’histoire des années 1940-1945 sous l’angle de la vie et de l’engagement des Françaises. Cet ouvrage passionnant couvre les points de vue les plus divers: celui des épouses des dirigeants du régime de Vichy, celui des femmes engagées dans la collaboration, celui des résistantes, celui de la vie quotidienne des femmes françaises en cette période et le martyre des déportées.

La Seconde Guerre mondiale est une période particulière dans l’histoire des Françaises. Jusqu’alors, elles ne disposaient pas du droit de vote et n’étaient donc pas considérées comme des citoyens à part entière. La gauche radicale de la IIIe République en était largement responsable, convaincue que les femmes étaient « sous l’influence des curés ». Leur engagement dans la résistance, les souffrances endurées en déportation, dont la plupart ne sont pas revenues,  ont scellé leur place de citoyenne à part entière. la reconnaissance est venue du général de Gaulle « imposant à des parlementaires rétifs le droit de vote des femmes en 1944 ».

Le charme particulier de ce livre tient à la galerie de portraits qu’il expose, d’une diversité qui en fait toute la richesse. Il se présente ainsi comme un enchaînement de récits extrêmement vivants et non comme un essai théorique. Telle est la force d’entraînement de l’historien: convaincre par l’exposition des faits et non par des jugements de valeur. Il est impossible de rendre compte de l’ensemble de ces portraits de Françaises oubliées, qui renaissent sous la plume de l’auteur, tous plus passionnants les uns que les autres mais certains sont nous ont plus particulièrement marqué.

L’ouvrage commence par les portraits des « femmes dans l’ombre de l’Etat français », notamment des épouses de Philippe Pétain et de Pierre Laval. Bizarrement, cet aspect de la vie privée sous le régime de Vichy ne semble pas avoir jusqu’à présent (à notre connaissance), suscité beaucoup d’intérêt des historiens. Les développements du livre de Mme Cointet sont à cet égard franchement passionnants. Mme Eugénie Pétain est en butte à l’entourage du maréchal qui veut à tout prix l’en éloigner et elle se bat au quotidien pour avoir accès à son mari plutôt froid et indifférent. La famille Laval est beaucoup plus unie. Jeanne et leur fille Josée auraient tenté en vain de le dissuader de revenir au pouvoir en avril 1942, un retour qui signa le basculement définitif de Laval dans la trahison et sa perte. On n’écoute jamais assez ses proches…

De multiple portraits nous entraînent au cœur d’une histoire où se rencontrent le pire et le meilleur. Aviez-vous entendu parler de Violette Morris? Une grande sportive et mondaine des années 1920 et 1930, très connue à cette époque, qui assiste aux jeux Olympiques de Berlin en 1936, sympathise avec l’Allemagne nazie, et qui sera exécutée par la Résistance en 1944 pour des faits de collaboration. Le livre se penche longuement sur la vie et le sort des femmes écrivains. Il nous raconte le triste destin d’Irène Némirovsky, juive d’origine russe, auteur de nouvelles et de romans à succès dans l’entre-deux guerre, qui se pensait à l’abri dans la campagne de Saône-et-Loire, avec sa famille dans une grande maison avec « jardin potager, verger et poulailler » mais qui n’a pas échappé à l’arrestation et la déportation à Auschwitz où elle meurt du typhus le 19 août 1942.

Mme Cointet ne montre guère d’indulgence envers une icône de l’après-guerre qui est aussi un maître penseur de notre époque: « Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre se sont abstenus d’agir dans la tragédie nationale. Ils ont feinté, montré de l’indifférence à l’antisémitisme meurtrier, à ses atteintes aux droits élémentaires de l’homme […] Le rejet des contraintes de la vie bourgeoise apparaît comme révolutionnaire. [Tous deux] sacrifient volontiers quelques valeurs éthiques quand elles entravent une vie privée qui se doit d’être joyeuse […] La vérité est que Simone de Beauvoir s’intéresse à elle, à Sartre, à leur oeuvre, mais pas du tout à ce qui l’entoure. Elle l’avoue dans la « fleur de l’âge et à dessein […] Elle confesse ne pas avoir été émue par la manifestation patriotique des lycéens et étudiants de Paris le 11 novembre 1940, pas plus qu’elle n’a été troublée par le renvoi de l’enseignement de professeurs juifs, ou tentée d’agir après la rafle du Vél d’Hiv. » 

L’ouvrage de Mme Cointet décrit « Ravensbrück, le camp des femmes ». On ne peut sortir indemne de ce récit du paroxysme de la souffrance. Il s’achève sur un exposé de la place des femmes, cruciale, dans l’histoire de la Libération, et sur celui de l’épuration qui les a  touchées. Un passage de la fin du livre souligne l’horreur de la tragédie vécue par les femmes (et les hommes) de cette période: « Anise Postel-Vinay (déportée) apprend que son père est mort à Dora, son frère à Buchenwald et que sa soeur a été fusillée: « non, dit-elle, il n’y avait pas de quoi se réjouir d’être libre ».

Les politiciens et les supposés intellectuels qui  instrumentalisent sans vergogne cette période de l’histoire pour se faire valoir ou salir leurs adversaires, ou fuir leur responsabilité, devraient retourner à l’école ou bien ouvrir de temps en temps un livre d’histoire pour réaliser à quel point leur attitude est indigne. En tout cas, merci à Mme Michèle Cointet pour ce livre magnifique.

Maxime TANDONNET

 

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Author: Redaction

Lecture: les Françaises sous l’occupation, Michèle Cointet, Fayard Histoire, 2018.

« Les Françaises dans la guerre et l’occupation »: le nouveau livre de Mme Michèle Cointet aborde l’histoire des années 1940-1945 sous l’angle de la vie et de l’engagement des Françaises. Cet ouvrage passionnant couvre les points de vue les plus divers: celui des épouses des dirigeants du régime de Vichy, celui des femmes engagées dans la collaboration, celui des résistantes, celui de la vie quotidienne des femmes françaises en cette période et le martyre des déportées.

La Seconde Guerre mondiale est une période particulière dans l’histoire des Françaises. Jusqu’alors, elles ne disposaient pas du droit de vote et n’étaient donc pas considérées comme des citoyens à part entière. La gauche radicale de la IIIe République en était largement responsable, convaincue que les femmes étaient « sous l’influence des curés ». Leur engagement dans la résistance, les souffrances endurées en déportation, dont la plupart ne sont pas revenues,  ont scellé leur place de citoyenne à part entière. la reconnaissance est venue du général de Gaulle « imposant à des parlementaires rétifs le droit de vote des femmes en 1944 ».

Le charme particulier de ce livre tient à la galerie de portraits qu’il expose, d’une diversité qui en fait toute la richesse. Il se présente ainsi comme un enchaînement de récits extrêmement vivants et non comme un essai théorique. Telle est la force d’entraînement de l’historien: convaincre par l’exposition des faits et non par des jugements de valeur. Il est impossible de rendre compte de l’ensemble de ces portraits de Françaises oubliées, qui renaissent sous la plume de l’auteur, tous plus passionnants les uns que les autres mais certains sont nous ont plus particulièrement marqué.

L’ouvrage commence par les portraits des « femmes dans l’ombre de l’Etat français », notamment des épouses de Philippe Pétain et de Pierre Laval. Bizarrement, cet aspect de la vie privée sous le régime de Vichy ne semble pas avoir jusqu’à présent (à notre connaissance), suscité beaucoup d’intérêt des historiens. Les développements du livre de Mme Cointet sont à cet égard franchement passionnants. Mme Eugénie Pétain est en butte à l’entourage du maréchal qui veut à tout prix l’en éloigner et elle se bat au quotidien pour avoir accès à son mari plutôt froid et indifférent. La famille Laval est beaucoup plus unie. Jeanne et leur fille Josée auraient tenté en vain de le dissuader de revenir au pouvoir en avril 1942, un retour qui signa le basculement définitif de Laval dans la trahison et sa perte. On n’écoute jamais assez ses proches…

De multiple portraits nous entraînent au cœur d’une histoire où se rencontrent le pire et le meilleur. Aviez-vous entendu parler de Violette Morris? Une grande sportive et mondaine des années 1920 et 1930, très connue à cette époque, qui assiste aux jeux Olympiques de Berlin en 1936, sympathise avec l’Allemagne nazie, et qui sera exécutée par la Résistance en 1944 pour des faits de collaboration. Le livre se penche longuement sur la vie et le sort des femmes écrivains. Il nous raconte le triste destin d’Irène Némirovsky, juive d’origine russe, auteur de nouvelles et de romans à succès dans l’entre-deux guerre, qui se pensait à l’abri dans la campagne de Saône-et-Loire, avec sa famille dans une grande maison avec « jardin potager, verger et poulailler » mais qui n’a pas échappé à l’arrestation et la déportation à Auschwitz où elle meurt du typhus le 19 août 1942.

Mme Cointet ne montre guère d’indulgence envers une icône de l’après-guerre qui est aussi un maître penseur de notre époque: « Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre se sont abstenus d’agir dans la tragédie nationale. Ils ont feinté, montré de l’indifférence à l’antisémitisme meurtrier, à ses atteintes aux droits élémentaires de l’homme […] Le rejet des contraintes de la vie bourgeoise apparaît comme révolutionnaire. [Tous deux] sacrifient volontiers quelques valeurs éthiques quand elles entravent une vie privée qui se doit d’être joyeuse […] La vérité est que Simone de Beauvoir s’intéresse à elle, à Sartre, à leur oeuvre, mais pas du tout à ce qui l’entoure. Elle l’avoue dans la « fleur de l’âge et à dessein […] Elle confesse ne pas avoir été émue par la manifestation patriotique des lycéens et étudiants de Paris le 11 novembre 1940, pas plus qu’elle n’a été troublée par le renvoi de l’enseignement de professeurs juifs, ou tentée d’agir après la rafle du Vél d’Hiv. » 

L’ouvrage de Mme Cointet décrit « Ravensbrück, le camp des femmes ». On ne peut sortir indemne de ce récit du paroxysme de la souffrance. Il s’achève sur un exposé de la place des femmes, cruciale, dans l’histoire de la Libération, et sur celui de l’épuration qui les a  touchées. Un passage de la fin du livre souligne l’horreur de la tragédie vécue par les femmes (et les hommes) de cette période: « Anise Postel-Vinay (déportée) apprend que son père est mort à Dora, son frère à Buchenwald et que sa soeur a été fusillée: « non, dit-elle, il n’y avait pas de quoi se réjouir d’être libre ».

Les politiciens et les supposés intellectuels qui  instrumentalisent sans vergogne cette période de l’histoire pour se faire valoir ou salir leurs adversaires, ou fuir leur responsabilité, devraient retourner à l’école ou bien ouvrir de temps en temps un livre d’histoire pour réaliser à quel point leur attitude est indigne. En tout cas, merci à Mme Michèle Cointet pour ce livre magnifique.

Maxime TANDONNET

 

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« Les Françaises dans la guerre et l’occupation »: le nouveau livre de Mme Michèle Cointet aborde l’histoire des années 1940-1945 sous l’angle de la vie et de l’engagement des Françaises. Cet ouvrage passionnant couvre les points de vue les plus divers: celui des épouses des dirigeants du régime de Vichy, celui des femmes engagées dans la collaboration, celui des résistantes, celui de la vie quotidienne des femmes françaises en cette période et le martyre des déportées.

La Seconde Guerre mondiale est une période particulière dans l’histoire des Françaises. Jusqu’alors, elles ne disposaient pas du droit de vote et n’étaient donc pas considérées comme des citoyens à part entière. La gauche radicale de la IIIe République en était largement responsable, convaincue que les femmes étaient « sous l’influence des curés ». Leur engagement dans la résistance, les souffrances endurées en déportation, dont la plupart ne sont pas revenues,  ont scellé leur place de citoyenne à part entière. la reconnaissance est venue du général de Gaulle « imposant à des parlementaires rétifs le droit de vote des femmes en 1944 ».

Le charme particulier de ce livre tient à la galerie de portraits qu’il expose, d’une diversité qui en fait toute la richesse. Il se présente ainsi comme un enchaînement de récits extrêmement vivants et non comme un essai théorique. Telle est la force d’entraînement de l’historien: convaincre par l’exposition des faits et non par des jugements de valeur. Il est impossible de rendre compte de l’ensemble de ces portraits de Françaises oubliées, qui renaissent sous la plume de l’auteur, tous plus passionnants les uns que les autres mais certains sont nous ont plus particulièrement marqué.

L’ouvrage commence par les portraits des « femmes dans l’ombre de l’Etat français », notamment des épouses de Philippe Pétain et de Pierre Laval. Bizarrement, cet aspect de la vie privée sous le régime de Vichy ne semble pas avoir jusqu’à présent (à notre connaissance), suscité beaucoup d’intérêt des historiens. Les développements du livre de Mme Cointet sont à cet égard franchement passionnants. Mme Eugénie Pétain est en butte à l’entourage du maréchal qui veut à tout prix l’en éloigner et elle se bat au quotidien pour avoir accès à son mari plutôt froid et indifférent. La famille Laval est beaucoup plus unie. Jeanne et leur fille Josée auraient tenté en vain de le dissuader de revenir au pouvoir en avril 1942, un retour qui signa le basculement définitif de Laval dans la trahison et sa perte. On n’écoute jamais assez ses proches…

De multiple portraits nous entraînent au cœur d’une histoire où se rencontrent le pire et le meilleur. Aviez-vous entendu parler de Violette Morris? Une grande sportive et mondaine des années 1920 et 1930, très connue à cette époque, qui assiste aux jeux Olympiques de Berlin en 1936, sympathise avec l’Allemagne nazie, et qui sera exécutée par la Résistance en 1944 pour des faits de collaboration. Le livre se penche longuement sur la vie et le sort des femmes écrivains. Il nous raconte le triste destin d’Irène Némirovsky, juive d’origine russe, auteur de nouvelles et de romans à succès dans l’entre-deux guerre, qui se pensait à l’abri dans la campagne de Saône-et-Loire, avec sa famille dans une grande maison avec « jardin potager, verger et poulailler » mais qui n’a pas échappé à l’arrestation et la déportation à Auschwitz où elle meurt du typhus le 19 août 1942.

Mme Cointet ne montre guère d’indulgence envers une icône de l’après-guerre qui est aussi un maître penseur de notre époque: « Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre se sont abstenus d’agir dans la tragédie nationale. Ils ont feinté, montré de l’indifférence à l’antisémitisme meurtrier, à ses atteintes aux droits élémentaires de l’homme […] Le rejet des contraintes de la vie bourgeoise apparaît comme révolutionnaire. [Tous deux] sacrifient volontiers quelques valeurs éthiques quand elles entravent une vie privée qui se doit d’être joyeuse […] La vérité est que Simone de Beauvoir s’intéresse à elle, à Sartre, à leur oeuvre, mais pas du tout à ce qui l’entoure. Elle l’avoue dans la « fleur de l’âge et à dessein […] Elle confesse ne pas avoir été émue par la manifestation patriotique des lycéens et étudiants de Paris le 11 novembre 1940, pas plus qu’elle n’a été troublée par le renvoi de l’enseignement de professeurs juifs, ou tentée d’agir après la rafle du Vél d’Hiv. » 

L’ouvrage de Mme Cointet décrit « Ravensbrück, le camp des femmes ». On ne peut sortir indemne de ce récit du paroxysme de la souffrance. Il s’achève sur un exposé de la place des femmes, cruciale, dans l’histoire de la Libération, et sur celui de l’épuration qui les a  touchées. Un passage de la fin du livre souligne l’horreur de la tragédie vécue par les femmes (et les hommes) de cette période: « Anise Postel-Vinay (déportée) apprend que son père est mort à Dora, son frère à Buchenwald et que sa soeur a été fusillée: « non, dit-elle, il n’y avait pas de quoi se réjouir d’être libre ».

Les politiciens et les supposés intellectuels qui  instrumentalisent sans vergogne cette période de l’histoire pour se faire valoir ou salir leurs adversaires, ou fuir leur responsabilité, devraient retourner à l’école ou bien ouvrir de temps en temps un livre d’histoire pour réaliser à quel point leur attitude est indigne. En tout cas, merci à Mme Michèle Cointet pour ce livre magnifique.

Maxime TANDONNET

 

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Lecture: les Françaises sous l’occupation, Michèle Cointet, Fayard Histoire, 2018.

« Les Françaises dans la guerre et l’occupation »: le nouveau livre de Mme Michèle Cointet aborde l’histoire des années 1940-1945 sous l’angle de la vie et de l’engagement des Françaises. Cet ouvrage passionnant couvre les points de vue les plus divers: celui des épouses des dirigeants du régime de Vichy, celui des femmes engagées dans la collaboration, celui des résistantes, celui de la vie quotidienne des femmes françaises en cette période et le martyre des déportées.

La Seconde Guerre mondiale est une période particulière dans l’histoire des Françaises. Jusqu’alors, elles ne disposaient pas du droit de vote et n’étaient donc pas considérées comme des citoyens à part entière. La gauche radicale de la IIIe République en était largement responsable, convaincue que les femmes étaient « sous l’influence des curés ». Leur engagement dans la résistance, les souffrances endurées en déportation, dont la plupart ne sont pas revenues,  ont scellé leur place de citoyenne à part entière. la reconnaissance est venue du général de Gaulle « imposant à des parlementaires rétifs le droit de vote des femmes en 1944 ».

Le charme particulier de ce livre tient à la galerie de portraits qu’il expose, d’une diversité qui en fait toute la richesse. Il se présente ainsi comme un enchaînement de récits extrêmement vivants et non comme un essai théorique. Telle est la force d’entraînement de l’historien: convaincre par l’exposition des faits et non par des jugements de valeur. Il est impossible de rendre compte de l’ensemble de ces portraits de Françaises oubliées, qui renaissent sous la plume de l’auteur, tous plus passionnants les uns que les autres mais certains sont nous ont plus particulièrement marqué.

L’ouvrage commence par les portraits des « femmes dans l’ombre de l’Etat français », notamment des épouses de Philippe Pétain et de Pierre Laval. Bizarrement, cet aspect de la vie privée sous le régime de Vichy ne semble pas avoir jusqu’à présent (à notre connaissance), suscité beaucoup d’intérêt des historiens. Les développements du livre de Mme Cointet sont à cet égard franchement passionnants. Mme Eugénie Pétain est en butte à l’entourage du maréchal qui veut à tout prix l’en éloigner et elle se bat au quotidien pour avoir accès à son mari plutôt froid et indifférent. La famille Laval est beaucoup plus unie. Jeanne et leur fille Josée auraient tenté en vain de le dissuader de revenir au pouvoir en avril 1942, un retour qui signa le basculement définitif de Laval dans la trahison et sa perte. On n’écoute jamais assez ses proches…

De multiple portraits nous entraînent au cœur d’une histoire où se rencontrent le pire et le meilleur. Aviez-vous entendu parler de Violette Morris? Une grande sportive et mondaine des années 1920 et 1930, très connue à cette époque, qui assiste aux jeux Olympiques de Berlin en 1936, sympathise avec l’Allemagne nazie, et qui sera exécutée par la Résistance en 1944 pour des faits de collaboration. Le livre se penche longuement sur la vie et le sort des femmes écrivains. Il nous raconte le triste destin d’Irène Némirovsky, juive d’origine russe, auteur de nouvelles et de romans à succès dans l’entre-deux guerre, qui se pensait à l’abri dans la campagne de Saône-et-Loire, avec sa famille dans une grande maison avec « jardin potager, verger et poulailler » mais qui n’a pas échappé à l’arrestation et la déportation à Auschwitz où elle meurt du typhus le 19 août 1942.

Mme Cointet ne montre guère d’indulgence envers une icône de l’après-guerre qui est aussi un maître penseur de notre époque: « Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre se sont abstenus d’agir dans la tragédie nationale. Ils ont feinté, montré de l’indifférence à l’antisémitisme meurtrier, à ses atteintes aux droits élémentaires de l’homme […] Le rejet des contraintes de la vie bourgeoise apparaît comme révolutionnaire. [Tous deux] sacrifient volontiers quelques valeurs éthiques quand elles entravent une vie privée qui se doit d’être joyeuse […] La vérité est que Simone de Beauvoir s’intéresse à elle, à Sartre, à leur oeuvre, mais pas du tout à ce qui l’entoure. Elle l’avoue dans la « fleur de l’âge et à dessein […] Elle confesse ne pas avoir été émue par la manifestation patriotique des lycéens et étudiants de Paris le 11 novembre 1940, pas plus qu’elle n’a été troublée par le renvoi de l’enseignement de professeurs juifs, ou tentée d’agir après la rafle du Vél d’Hiv. » 

L’ouvrage de Mme Cointet décrit « Ravensbrück, le camp des femmes ». On ne peut sortir indemne de ce récit du paroxysme de la souffrance. Il s’achève sur un exposé de la place des femmes, cruciale, dans l’histoire de la Libération, et sur celui de l’épuration qui les a  touchées. Un passage de la fin du livre souligne l’horreur de la tragédie vécue par les femmes (et les hommes) de cette période: « Anise Postel-Vinay (déportée) apprend que son père est mort à Dora, son frère à Buchenwald et que sa soeur a été fusillée: « non, dit-elle, il n’y avait pas de quoi se réjouir d’être libre ».

Les politiciens et les supposés intellectuels qui  instrumentalisent sans vergogne cette période de l’histoire pour se faire valoir ou salir leurs adversaires, ou fuir leur responsabilité, devraient retourner à l’école ou bien ouvrir de temps en temps un livre d’histoire pour réaliser à quel point leur attitude est indigne. En tout cas, merci à Mme Michèle Cointet pour ce livre magnifique.

Maxime TANDONNET

 

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