Lecture: le général Delestraint (la Résistance, de l’Armée secrète à Dachau), Jean Bourcart, Perrin 2023

Cette superbe et passionnante biographie du général Delestraint, grand résistant, chef de l’Armée Secrète, met en lumière le parcours d’un héros français méconnu. Cet homme de petite taille, la silhouette mince, le regard clair, est né en 1879 près d’Arras, dans une famille catholique pratiquante.

Ancien élève de Saint Cyr, il y était surnommé « le chien » par ses camarades en raison de sa manière de parler d’une voix forte et autoritaire, recelant une profonde bienveillance. De constitution fragile, il est handicapé pendant sa scolarité par de nombreuses blessures, compensant cette faiblesse par ses performances intellectuelles, en mathématiques comme dans les matières littéraires.

Prisonnier lors de la Grande Guerre, il passera quatre années en captivité. Dans l’Entre-Deux-Guerres, il s’impose comme un spécialiste de l’usage des chars d’assaut et plaide, comme le colonel de Gaulle, pour leur utilisation groupée sous la forme de divisions cuirassées, sans être suffisamment écouté par l’Etat-major.

Personnage plutôt discret, discipliné, toujours très bien noté par ses supérieurs mais pour autant visionnaire et ferme dans ses convictions, indifférent à la politique, il est nommé à la fin des années 1930, général de brigade à Metz à la tête d’un régiment de chars, avec le bouillant colonel de Gaulle sous ses ordres… Les deux hommes sympathisent, échangent et s’entendent, en plein accord sur la nécessité de promouvoir une force blindée indépendante de l’infanterie.

Commandant un bataillon de chars, il est emporté avec toute l’armée française dans la débâcle de juin 1940, sans avoir démérité, contribuant à la réduction de la poche d’Abbeville. Démobilisé, il s’installe à Bourg-en-Bresse, en zone non occupée avec sa famille, où il fréquente des clubs de réflexion sur l’usage des chars d’assaut, réunissant d’anciens militaires français, mais qui servent de prétexte pour parler de l’avenir de la France. C’est à cette occasion qu’il fait la connaissance du capitaine Gastaldo, engagé en Résistance dans le réseau Combat fondé par le capitaine Henri Frenay.

Au début de l’année 1942, il est choisi par Jean Moulin et le général de Gaulle, chef de la France Libre à Londres, pour diriger l’Armée Secrète, destinée à fédérer les moyens de la résistance armée. Delestraint, ou Vidal, son pseudo, a fort à faire: sa mission et de constituer une force militaire clandestine indépendante des grands réseaux Combat, Franc-tireur, Libération dès lors que pour de Gaulle et Moulin, l’Armée Secrète doit être autonome à l’égard de ces mouvements.

Tout en constituant cette Armée Secrète qui comptera environ 50 000 hommes fin 1942, il se heurte donc à des oppositions, notamment celle d’Henri Frenay. Il a pour mission principale de préparer le soulèvement intérieur au jour de la Libération tout en évitant les actes isolés qui entraînent des représailles épouvantables sur les otages et la population. Une partie de la Résistance, notamment communiste est fermement opposée à cette doctrine, prônant au contraire l’action immédiate quel qu’en soit le prix à payer pour les civils. Enfin, il prend part activement aux actions visant à préparer les maquis du Vercors à un soulèvement lors des futurs débarquements alliés.

Cependant en raison des divisions de la Résistance, des imprudences et des négligences, des trahisons, Delestraint est arrêté par la Gestapo au métro la Muette en juin 1943, dix jours avant l’arrestation de Jean Moulin à Caluire. En vérité, le général était recherché depuis longtemps par les Allemands qui connaissaient dans les moindres détails l’organigramme de l’Armée Secrète. Plus que toute autre organisme de la Résistance, l’Armée Secrète inquiétait le commandement allemand du fait de sa connotation militaire.

Interrogé (mais pas torturé, contrairement à Jean Moulin, dès lors que la Gestapo savait à peu près tout sur l’AS), il est enfermé à la prison de Fresne pendant plusieurs mois. C’est dans la foi chrétienne et patriotique qu’il trouve la force de tenir, écrivant à son épouse: Je n’ai agi que par devoir envers Dieu et mon pays, confions nous entièrement à la providence. Déporté à Dachau, au titre du mot d’ordre nazi « Nacht und Gebel » (nuit et brouillard – ou voué à la disparition), il est assassiné par des SS en avril 1945, quelques jours avant la libération du camp par les Alliés.

Voici un beau livre, clair, bien écrit, documenté, vivant, rendant hommage à un héros français, dont je me permets de recommander fortement la lecture.

MT

Lire la suite sur le blog perso de Maxime Tandonnet ...

Author: Redaction

Lecture: le général Delestraint (la Résistance, de l’Armée secrète à Dachau), Jean Bourcart, Perrin 2023

Cette superbe et passionnante biographie du général Delestraint, grand résistant, chef de l’Armée Secrète, met en lumière le parcours d’un héros français méconnu. Cet homme de petite taille, la silhouette mince, le regard clair, est né en 1879 près d’Arras, dans une famille catholique pratiquante.

Ancien élève de Saint Cyr, il y était surnommé « le chien » par ses camarades en raison de sa manière de parler d’une voix forte et autoritaire, recelant une profonde bienveillance. De constitution fragile, il est handicapé pendant sa scolarité par de nombreuses blessures, compensant cette faiblesse par ses performances intellectuelles, en mathématiques comme dans les matières littéraires.

Prisonnier lors de la Grande Guerre, il passera quatre années en captivité. Dans l’Entre-Deux-Guerres, il s’impose comme un spécialiste de l’usage des chars d’assaut et plaide, comme le colonel de Gaulle, pour leur utilisation groupée sous la forme de divisions cuirassées, sans être suffisamment écouté par l’Etat-major.

Personnage plutôt discret, discipliné, toujours très bien noté par ses supérieurs mais pour autant visionnaire et ferme dans ses convictions, indifférent à la politique, il est nommé à la fin des années 1930, général de brigade à Metz à la tête d’un régiment de chars, avec le bouillant colonel de Gaulle sous ses ordres… Les deux hommes sympathisent, échangent et s’entendent, en plein accord sur la nécessité de promouvoir une force blindée indépendante de l’infanterie.

Commandant un bataillon de chars, il est emporté avec toute l’armée française dans la débâcle de juin 1940, sans avoir démérité, contribuant à la réduction de la poche d’Abbeville. Démobilisé, il s’installe à Bourg-en-Bresse, en zone non occupée avec sa famille, où il fréquente des clubs de réflexion sur l’usage des chars d’assaut, réunissant d’anciens militaires français, mais qui servent de prétexte pour parler de l’avenir de la France. C’est à cette occasion qu’il fait la connaissance du capitaine Gastaldo, engagé en Résistance dans le réseau Combat fondé par le capitaine Henri Frenay.

Au début de l’année 1942, il est choisi par Jean Moulin et le général de Gaulle, chef de la France Libre à Londres, pour diriger l’Armée Secrète, destinée à fédérer les moyens de la résistance armée. Delestraint, ou Vidal, son pseudo, a fort à faire: sa mission et de constituer une force militaire clandestine indépendante des grands réseaux Combat, Franc-tireur, Libération dès lors que pour de Gaulle et Moulin, l’Armée Secrète doit être autonome à l’égard de ces mouvements.

Tout en constituant cette Armée Secrète qui comptera environ 50 000 hommes fin 1942, il se heurte donc à des oppositions, notamment celle d’Henri Frenay. Il a pour mission principale de préparer le soulèvement intérieur au jour de la Libération tout en évitant les actes isolés qui entraînent des représailles épouvantables sur les otages et la population. Une partie de la Résistance, notamment communiste est fermement opposée à cette doctrine, prônant au contraire l’action immédiate quel qu’en soit le prix à payer pour les civils. Enfin, il prend part activement aux actions visant à préparer les maquis du Vercors à un soulèvement lors des futurs débarquements alliés.

Cependant en raison des divisions de la Résistance, des imprudences et des négligences, des trahisons, Delestraint est arrêté par la Gestapo au métro la Muette en juin 1943, dix jours avant l’arrestation de Jean Moulin à Caluire. En vérité, le général était recherché depuis longtemps par les Allemands qui connaissaient dans les moindres détails l’organigramme de l’Armée Secrète. Plus que toute autre organisme de la Résistance, l’Armée Secrète inquiétait le commandement allemand du fait de sa connotation militaire.

Interrogé (mais pas torturé, contrairement à Jean Moulin, dès lors que la Gestapo savait à peu près tout sur l’AS), il est enfermé à la prison de Fresne pendant plusieurs mois. C’est dans la foi chrétienne et patriotique qu’il trouve la force de tenir, écrivant à son épouse: Je n’ai agi que par devoir envers Dieu et mon pays, confions nous entièrement à la providence. Déporté à Dachau, au titre du mot d’ordre nazi « Nacht und Gebel » (nuit et brouillard – ou voué à la disparition), il est assassiné par des SS en avril 1945, quelques jours avant la libération du camp par les Alliés.

Voici un beau livre, clair, bien écrit, documenté, vivant, rendant hommage à un héros français, dont je me permets de recommander fortement la lecture.

MT

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