Le fléau de la courtisanerie (pour la revue politique et parlementaire – brefs extraits)

[Ci-dessous les brefs extraits d’un article de fond rédigé pour l’excellent numéro paru ce mois-ci de la revue politique et parlementaire ]

Qu’est-ce qu’un bon conseiller du prince ? L’espèce est rarissime… Il est celui qui ose dire toutes les vérités à la face du prince quitte à s’exposer aux rebuffades sinon au mépris – et à la disgrâce. Les dirigeants politiques détestent généralement être contredits ou pire, être placés face à leurs torts ou leurs erreurs […] Le fait est que la courtisanerie ou l’obséquiosité sont mieux récompensées que le franc-parler. Le prince, sauf exception, s’entoure de personnalités qu’il identifie par leur loyauté, souvent confondue avec la servilité. Dans ce contexte, le conseiller du prince déterminé à jouer Cassandre – le visionnaire qui annonce les catastrophes sans fard – a peu de chance de conserver longtemps son poste […]

Pis : le phénomène de la servitude volontaire tel que l’a défini la Boétie domine la vie de cabinets présidentiel ou ministériels. « Le plaisir de la meute est antérieur à celui de l’individu » a écrit Nietzsche dans par-delà le bien et le mal. Il arrive un stade où la politique et le service de l’Etat disparaissent du champ de préoccupation d’un conseiller du prince. Ce dernier s’adonne inévitablement au plaisir de plaire, d’être reconnu et apprécié par le prince, dans une logique de substitution au père ou d’allégeance au chef de la horde. L’affectif finit par noyer toute conscience du bien public. Et la disgrâce peut alors tourner rapidement au désespoir à l’image de François de Grossouvre, l’ex-ami intime de Mitterrand et conseiller, se tirant une balle dans la tête à l’Elysée en 1994. Un exemple certes extrême, mais représentatif des états d’âme qui règnent dans l’entourage d’un prince […]

Le danger qui guette le conseiller du prince est avant tout celui de la déconnexion. Il est pris dans une logique de soumission à son maître et désir de lui plaire qui, inévitablement, l’éloignent de la réalité quotidienne vécue par ses compatriotes. Entre les palais de la République, l’entre-soi d’une caste dirigeante, les chauffeurs et véhicules de fonction (les conseillers ne prennent, pas plus que le prince, les transports en commun), l’effet d’éloignement des préoccupations du pays sévit inéluctablement. On se souvient de cette ancienne conseillère élyséenne, le 12 septembre 2019 (certes devenue porte-parole du gouvernement), pendant une grève des transports qui semblait narguer le pays en clamant : « Demain matin, j’utiliserai ma voiture de fonction, comme tous les jours, donc je serai de cœur avec tous les Franciliens qui galéreront dans les couloirs du métro ». Cette position déconnectée peut rapidement déboucher sur le mépris, le sentiment d’appartenir à une élite éclairée et détentrice de la vérité face à la foule obtuse. Le syndrome de la déconnexion et du mépris a frappé pendant la crise des retraites. Pendant plus de trois mois, une caste prétendument éclairée a prétendu faire le bien de la Nation contre elle-même. Combien s’est-il trouvé de conseillers pour souffler à l’oreille du prince : et si nous écoutions ce que le pays veut nous dire ?

MT

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Author: Redaction

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