Immigration, Conseil constitutionnel, qu’en penser vraiment?

Venus de la droite classique comme de la droite lepéniste, les superlatifs s’enchaînent sur la décision du conseil constitutionnel qui a censuré un tiers de la loi immigration, CAD l’ensemble des dispositions ajoutées par le Sénat censées « durcir » le texte: coup d’Etat, gouvernement des juges, etc

En vérité, cette décision était conforme à la jurisprudence du CC. Elle était parfaitement prévisible et attendue [en voici la preuve]. Ceux qui font semblant de s’en étonner sont des hypocrites. Le CC, juge des lois, est extrêmement formaliste. Il s’accommode parfois de violentes atteintes aux libertés publiques et individuelles (pendant la crise sanitaire). Mais il censure la loi immigration pour des questions de procédure, non pas sur le fond qu’il s’est gardé d’aborder.

L’ensemble des dispositions censurées ont été balayées par le CC au titre de cavaliers législatifs, en se fondant sur l’article 45 de la Constitution selon lequel un amendement parlementaire doit avoir un rapport au moins indirect avec le projet de loi qui lui est soumis.

Or, le CC avait beau jeu de considérer que la déchéance de nationalité pour le meurtrier d’un policier, par exemple, était sans rapport avec la maîtrise de l’immigration (droit pénal), ou encore que les restrictions apportées au droits sociaux des étrangers relevaient du droit social et non d’une loi sur l’immigration. Au vu de sa jurisprudence habituelle, cela n’a rien d’étonnant – et rien d’inattendu.

Evidemment, cette jurisprudence, s’ajoutant au poids de la réglementation européenne, à l’usage banalisé du 49-3, finit par réduire comme peau de chagrin la marge de manœuvre du parlement et à le neutraliser. Mais elle était parfaitement prévisible. La France n’est plus une démocratie parlementaire (ni référendaire d’ailleurs). Qui peut en douter? Elle est devenue une autocratie soumise à la volonté et à l’habileté manœuvrière du prince.

Cependant, cette censure n’est absolument pas dramatique en soi, pour le pays, sur le plan de la maîtrise de l’immigration. Cette loi immigration, avec ou sans les ajouts de la droite, est parfaitement creuse et inutile. Elle joue sur les symboles. Sabrer dans les droits sociaux des étrangers (en reportant leur bénéfice de quelques années) est sans doute populaire pour une partie du pays mais n’aura jamais le moindre effet sur des populations qui fuient la misère, l’oppression ou l’insécurité, souvent au péril de leur vie.

La droite LR est une fois de plus la dupe de cette séquence. Pour la deuxième fois après la catastrophe des « 64 ans » (tout aussi inutiles et emblématiques), elle a sauvé le pouvoir macroniste d’une humiliation et d’un désastre politique en lui permettant de tenir sa loi immigration et de parader aujourd’hui. Rongée par les trahisons, la droite LR vient de recevoir une nouvelle gifle – magistrale.

Décidément, l’artiste est au sommet de son art. Alors que le pouvoir macroniste se trouvait en grande difficulté au Parlement sur sa loi immigration, au bord du précipice, il est parvenu exactement à ses fins en s’appuyant sur la phénoménale naïveté de la droite LR avec cette fois-ci, la complicité active du parti lepéniste (ayant lui aussi voté la loi immigration à l’unanimité).

Mais cela ne changera strictement rien à la réalité. En 2023, tous les records d’immigration, en incluant les étudiants étrangers, ont été une nouvelle fois battus en France avec 323 260 premiers titres de séjour délivrés et 142 500 demandeurs d’asile – deux records absolus dans le contexte d’un pays qui compte 5 millions de chômeurs (selon pôle emploi).

Les droites nationalistes (RN et Reconquête) gesticulent, aboient, surfent sur l’impuissance, mais ne proposent strictement rien d’utile ou de crédible, bien au contraire. La gauche, radicalisée, s’enfonce dans l’angélisme et l’utopie sans frontière. La droite LR continue de sombrer, victime de la félonie de certains des siens, mais aussi de sa naïveté. Le pouvoir macronien jubile, parade mais ses succès magouilleurs ne font que couvrir l’incroyable faillite de sa politique. Un jour, il sera le premier à payer.

Où allons-nous? Désolé, je n’ai aucune réponse, aujourd’hui je ne vois aucune solution politique – peut-être demain ou après demain – mais aujourd’hui, rien du tout.

MT

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Author: Redaction

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