Avenir des Républicains (LR) dans le « nouveau monde »

Les sondages concernant LR, ou la droite républicaine en général, sont désastreux: 8% aux prochaines européennes. Cette évolution est riche en questionnement: le mouvement est-il en train de mourir dans un  « nouveau monde » où il n’aurait pas sa place? Son président de  M. Wauquiez est en général tenu pour responsable du désastre. Il est toujours facile de désigner un coupable idéal. Et si le malaise était infiniment plus profond que tenant à la seule question d’une personnalité? Au-delà du sort d’un parti, c’est la question de l’avenir d’un courant politique qui est en question.

Le « nouveau monde » n’est pas qu’un simple slogan, mais une réalité. La France a été profondément transformée sur  une dizaine d’années dans son rapport à la politique. Sans doute a-t-il plus changé  en cette brève période qu’en 70 ans, depuis la Libération. Plusieurs secousses l’ont ébranlé. La succession des affaires depuis DSK et Cahuzac qui ont détruit la confiance en la parole politique. La vague d’attentats islamistes qui a ensanglanté le pays – 250 morts – et l’a plongé dans un climat de terreur et la conscience d’un Etat affaibli et fragilisé face à la tourmente planétaire. La crise migratoire européenne, la défaite des démocraties, en 2015 et 2016, face aux passeurs criminels, l’effondrement de la maîtrise des frontières et les crises européennes qui en sont issues (Brexit, Italie, Hongrie, Pologne, Allemagne, etc.).

Dans ce contexte tragique, la politique française a basculé dans l’extrémisme. A gauche, les Insoumis ont pris les commandes. Dans un discours d’une violence que l’on croyait révolue, ils prônent la révolution et la destruction de la société bourgeoise. A droite, le parti fondé par Jean-Marie le Pen, sur la base de déclarations infamantes, dont la force, aujourd’hui encore, tient au culte du même nom, est devenu de loin la première formation politique dans les sondages. Le pouvoir lui-même a pris une connotation extrême à travers sa personnalisation à outrance dans un chef jupitérien, éthéré, qui existe avant tout par ses poses et ses paroles provocatrices (« venez me chercher ») et la haine farouche suscitée en retour. Cette dernière s’est exprimée dans la crise sociale des Gilets Jaunes, l’une des plus dramatiques depuis 1945, qui a fait 9 morts, soit 3 fois plus que mai 68 ou les émeutes de 2005.

Le voici donc, ce « nouveau monde », de bruit et de fureur, plus proche de l’enfer que du paradis. Une mouvance républicaine, républicaine modérée comme on disait sous le IIIe République, ou « droite républicaine », peut-elle y avoir une place ou est-elle condamnée à mourir étouffée par le triomphe de l’extrémisme sous toutes ses formes?

La chance ou l’espoir de cette mouvance est de préparer l’avenir et de proposer une autre voie que celle de l’extrémisme qui s’incarne dans la personnalisation du pouvoir à outrance et cet effondrement permanent dans la provocation et la recherche de la polémique stérile qui n’ont de cesse que de fuir la réalité. Le défi est immense: faire renaître une formation populaire, ancrée dans le réel et le respect du peuple, foncièrement démocratique, qui renoncera à privilégier le culte du chef mais qui saura renouer avec le débat d’idées, le service de l’intérêt général, la passion de la vérité et de l’action concrète au service du pays, la préparation du destin de la France en abordant sans fard les grands sujets de l’heure, le chômage, la pauvreté, la maîtrise de l’immigration, la résistance à l’islamisme radical, la crise scolaire, la désindustrialisation, la réforme des institutions, la révolution européenne en cours – et en proposant au pays une politique.

Chercher à imiter les Insoumis, le lepénisme ou le macronisme, ces totems du « nouveau monde » en cultivant le culte d’un « quatrième sauveur », le jeu de la surenchère et des provocations qui éloignent de la réalité et du sens du bien commun, ne conduira jamais qu’au désastre et à l’échec. A ce jeu, nous serons toujours perdants. Mais au contraire jouer le pari d’un retour à la culture et l’intelligence démocratique des Français en leur offrant tout autre chose: un débat d’idées respectueux des valeurs de tolérance et d’écoute, bref, ressusciter la démocratie française. Le seul leader qui vaille est celui qui, à l’inverse du narcissisme, de la démagogie et de la mégalomanie triomphant partout en ce moment, saura incarner non pas l’obsession élyséenne, mais le débat d’idées et la volonté de servir la France en donnant une image de désintéressement personnel.  Anticiper sur la sortie du « nouveau monde »: la voie est étroite, mais elle mériterait d’être tentée…

Maxime TANDONNET

 

 

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Author: Redaction