Quel espace pour la droite républicaine?

Voici mon dernier article pour Figaro Vox. Il suggère aux républicains modérés, de proposer une troisième voie fondée sur le bon sens collectif et l’attachement à l’intérêt général, en réaction contre le culte de la personnalité et l’esbroufe qui caractérisent de plus en plus la vie politico-médiatique. Il suggère de sortir du grand spectacle narcissique et d’en revenir à la politique, au sens noble du terme, celui de l’action au service du bien commun. Au vu des réactions, sur les réseaux sociaux, il ne semble pas avoir été bien compris dans l’ensemble. Les derniers sondages montrent d’ailleurs une évolution de l’opinion exactement inverse à la logique de cette troisième voie. Que faire devant l’avalanche de la médiocrité qui déferle? A un certain stade, comment ne pas céder au découragement et à la tentation du renoncement?

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Après la grande euphorie du « nouveau monde » en 2017, la France est de nouveau entrée dans une période de trouble profond. L’affaire Benalla fut la première secousse d’une grave crise politique qui s’est prolongée en décembre dans la bataille des Gilets Jaunes et l’explosion de violence de décembre dernier. Paradoxalement, cet ébranlement s’est accompagné d’un net affaiblissement de l’opposition de droite républicaine – selon la formule convenue – qui n’en finit pas de reculer dans les sondages d’opinion, notamment en vue des élections européennes (10% selon IFOP). Pire, les défections de plusieurs de ses ténors, pour rejoindre LREM d’un côté et le camp lepéniste de l’autre, nourrissent le sentiment d’une désintégration qui s’accélère.

Les bénéficiaires du chaos ambiant pourraient bien être au nombre de deux: d’une part le président Macron dont la cote de confiance, en hausse en ce début d’année, semble tirer parti d’un réflexe légitimiste entraînant LREM à la hausse (23%); d’autre part Mme le Pen et son RN, qui lui dispute la tête des intentions de vote (21%).

Dans ce contexte, pris dans l’étau du macronisme et du lepénisme, la droite républicaine est-elle condamnée au dépérissement et à la disparition? Son échec est souvent mis sur le compte de la personnalité du président des Républicains, Laurent Wauquiez, auquel il est reproché, selon la formule consacrée, de ne pas « imprimer ». Autres explications habituelles: les querelles d’ego entre ses leaders, ou encore l’incapacité à faire émerger un chef charismatique susceptible de concurrencer Mme le Pen ou le président Macron. En vérité, la difficulté du camp des « républicains modérés » » (comme on disait jadis), à ressusciter une espérance tient à des causes plus profondes.

Au fond, la politique moderne est parfaitement incarnée dans les deux phénomènes dont le duel semble voué à rythmer la vie électorale du pays pour au moins une décennie: lepénisme et macronisme. Tous deux se fondent sur une même exaltation du culte de la personnalité, sublimation d’une image médiatique omniprésente. Ils reposent sur une même stratégie de communication à outrance, les provocations visuelles ou verbales, les petites phrases explosives autour desquelles la machine médiatique s’emballe dans de violentes crises d’hystérie. Ils se fondent également sur le grand spectacle permanent et l’appauvrissement du débat d’idées autour de chiffons rouges et d’épouvantails, tels que la « lèpre populiste » de l’un ou les « élites mondialisées » de l’autre. Sur ce terrain, tous deux paraissent imbattables.

Mais la politique fançaise est-elle inéluctablement comdamnée à une dérive dans l’esbroufe, le grand spectacle narcissique? Existe-t-il, dans la France des années 2020, un espace pour refonder la politique sur la vérité, la raison, le bien commun, le débat d’idées et les projets de société? La réponse n’est pas évidente. Elle tient au niveau réel de la culture politique et de l’esprit critique qui subsiste dans les profondeurs de la nation. Après des décennies de déclin de l’enseignement de l’histoire, du français, de la philosophie, la politique française est-elle définitivement entrée dans l’ère des manipulations de masse? Ou bien reste-t-il dans le pays un socle d’intelligence collective susceptible de fonder une reconquête?

La droite républicaine aurait tout avantage à se positionner à contre-courant de l’air du temps et à réinvestir le champ de la raison et de l’intelligence collective. Sans doute, par delà les mauvais sondages, conserve-t-elle un capital de confiance dans le pays que reflète son ancrage local. Comment le réactiver? Son rôle pourrait être d’offrir une alternative au glissement de la politique française dans l’exubérance, la posture, l’idolâtrie et l’hystérie. L’enquête annuelle de CEVIPOF sur la confiance des Français en 2019 souligne que 81% d’entre eux (+5%) ont une image négative de la politique. Inverser la tendance à l’aggravation de la fracture entre la France profonde devrait être la priorité absolue de la droie républicaine. Il lui faudrait se réorganiser autour du seul débat d’idées sur les grands sujets de préoccupation des français – matraquage fiscal, insécurité, déclin scolaire, maîtrise des frontières, chômage de masse – en se démarquant de la dérive narcissique et hystérique de la politique nationale et de toute forme de personnalisation névrotique. Le choix des hommes et des femmes appelés à défendre les couleurs de la droite républicaine aux élections est essentiel mais n’est pas une fin en soi et doit être vécu comme l’ultime aboutissement de choix de société et du service de l’intérêt général. Bien sûr la voie est étroite mais le pari sur le bon sens des Français mériterait d’être tenté.

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Author: Redaction