Les rencontres avec les jeunes
L’affect : c’est la thématique que Mohamed Bourouissa a décidé d’aborder avec les jeunes. Un challenge, surtout dans le milieu carcéral, explique-t-il, où « les sentiments sont d’autant plus exacerbés que l’espace est restreint ».
« Il n’y a pas de formule magique pour obtenir la confiance d’un jeune détenu ».Il s’agit d’un travail sur le long terme, dont l’objectif est de trouver, avec chaque jeune, « la juste distance» .
Faute de formule magique, l’artiste a décelé des attitudes facilitant le lien avec les jeunes :« se présenter clairement […] être patient […] accepter les silences […] ne pas avoir peur de monologuer. Les choses particulières et sensibles, je ne vais pas les aborder à 16h, je vais les aborder plus tôt […] parce que le soir, après, ils sont seuls dans leur cellule […] j’évite de venir tous les jours au risque d’instaurer une routine déjà très présente au sein d’un milieu carcéral ».
L’important, dit-il, c’est de leur faire comprendre que l’on n’attend rien d’eux, qu’on ne souhaite pas les forcer à parler. « On attend déjà beaucoup d’eux », appuie Ahmed El-Borj, éducateur au sein du service éducatif de l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Porcheville.
« La Fureur du dragon »… œuvre sonore et expression sportive
Brouhaha, cliquetis de clefs et de barreaux, chants d’oiseaux… Ce sont ces bruits-là, ceux qui traversent les murs de l’EPM, que Mohamed Bourouissa a enregistrés. Ces bruits, agrémentés de « nappes musicales planantes » et de sons plus violents comme des éclats de voix, forment une œuvre pleine de contrastes qui « raconte, sublime et interroge des moments de vie des jeunes, des proches et des professionnels qui se croisent à l’EPM de Porcheville ».
Quand il a fallu aménager l’espace que lui offrait le Studio 13-16, Mohamed Bourouissa a repensé à la salle de sport de l’EPM :« Quand je les ai vus au sport, leur corps était complètement libéré de contraintes spatiales… j’ai revu des adolescents ». « Ils oublient qu’ils sont incarcérés, ce qu’on peut retrouver aussi dans des activités comme la sculpture » ajoute Ahmed El-Borj. « Lorsqu’ils monopolisent leur attention sur une activité, ils oublient tout le reste […] ils se livrent sans même s’en rendre compte ». Parfois même, « il y a des jeunes qui produisent un objet et qui le détruisent juste après. Ils le détruisent car ils montrent d’eux-mêmes, et peut-être qu’à la fin, ils s’en rendent compte ».
Enfants, adolescents et parents ont fait part de leurs interrogations à Ahmed El-Borj lors de la manifestation. Des interrogations qui laissent entendre que la réalité du monde carcéral est peu connue du grand public. Ahmed El-Borj est heureux d’avoir pu leur apporter des éléments de réponse.
Et ce n’est pas fini ! Mohamed Bourouissa et Ahmed El-Borj ont décidé de continuer le projet, pour aller « plus en profondeur dans la thématique de l’affect ».