Présentation du Plan Étudiants

Seul le prononcé fait foi
 
Monsieur le ministre de l’Éducation nationale,
Madame la ministre de l’enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation
Mesdames et messieurs,
 
Bienvenue et merci d’avoir répondu à notre invitation pour la présentation de ce « plan étudiants » qui engage une réforme profonde du 1er cycle universitaire et propose un nouveau contrat pédagogique.
Vous reconnaîtrez la méthode de notre Gouvernement : ce « plan étudiant » a été précédé d’une concertation large et rigoureuse, qui a débuté il y a plus de trois mois.
Tous les acteurs de l’enseignement – ceux du supérieur bien sûr mais aussi ceux du secondaire – ont pu, je crois, s’exprimer lors de l’une des 55 réunions de travail ou de l’un des 50 rendez-vous bilatéraux que madame la ministre a présidés ou organisés en lien étroit avec le ministre de l’éducation nationale et ses équipes.
 
J’en profite pour saluer l’engagement et l’énergie avec lesquels, madame la ministre Frédérique Vidal s’est emparée de ce chantier.
 
Sa connaissance de l’enseignement supérieur français, de ses professionnels, de ses exceptionnels atouts, mais aussi de ses dysfonctionnements, est le gage d’une réflexion très opérationnelle, très précise, apaisée, au plus près des besoins des étudiants.
 
Durant cette phase de concertation, j’ai eu l’occasion moi-même de m’entretenir avec les représentants des organisations étudiantes.
 
J’ai entendu leurs inquiétudes sur le droit d’accès à l’enseignement supérieur, sur l’orientation, sur la possibilité de choisir sa filière, sur le manque de places disponibles. J’ai également entendu leurs messages sur la paupérisation d’une partie des étudiants et la dégradation de leur état de santé. Derrière ces inquiétudes, s’expriment celles de millions de familles qui, notamment après la faillite d’A.P.B, ont des doutes sur la capacité de l’enseignement supérieur français à préparer leurs enfants à l’avenir.
 
C’est pourquoi, le plan que nous vous présentons aujourd’hui est un plan global qui traite tous ces aspects de manière cohérente.
 
Parce que pour réussir, il faut se préparer, très tôt, c’est-à-dire dès le lycée, pour s’orienter dans la « bonne » filière, celle qui correspond à ses goûts et à ses qualifications.
 
Il faut aussi se sentir bien, se loger de manière convenable, faire face aux dépenses courantes, sans que les soucis matériels ne perturbent ses études.
 
Avant de détailler les grands axes de ce plan, je voudrais revenir quelques minutes sur le constat.
 
En 50 ans, les inscriptions dans l’enseignement supérieur ont été multipliées par huit. C’est une bonne nouvelle. Parce que cela veut dire que l’accès à l’enseignement supérieur en France s’est considérablement massifié. Cela signifie aussi que le niveau général de qualification a augmenté.
 
Mais si l’on regarde les chiffres de manière  plus fine, que constate-t-on ?
 
Que seuls 30% des élèves obtiennent leur licence en 3 ans. Ils sont 10% de plus à l’obtenir en quatre ans. Certes, ces chiffres varient selon la voie, la filière et les résultats au baccalauréat. Mais une chose est sûre : les bacheliers sont très inégalement armés pour affronter le premier cycle universitaire. Ce taux d’échec, parmi les plus élevés au monde, est le signe d’un système qui ne fonctionne pas correctement. 
On constate aussi que les bacheliers technologiques et professionnels sont largement exclus des IUT et des Sections de Techniciens Supérieurs qui sont des filières sélectives. Résultat : ces bacheliers, qui ont pour la plupart formulé le vœu de poursuivre leur formation professionnelle, sont contraints de s’inscrire à l’université. Une université qui ne correspond souvent ni aux enseignements qu’ils ont reçus au lycée, ni à leurs goûts. Une université dont l’ambition est d’apporter connaissance, culture et compétences, et qui mérite beaucoup mieux que de rester un choix par défaut. 
Enfin, on sait que l’enseignement supérieur fait face à un choc démographique et qu’il doit accueillir en moyenne chaque année, 40 000 étudiants supplémentaires. 
La massification a eu lieu, mais elle n’est plus synonyme de démocratisation.
 
Et puis, il y a eu le scandale A.P.B, le tirage au sort, son cortège d’angoisses, d’absurdités, d’injustices. L’actualité de cet été en a donné de tristes exemples :
 
Un jeune de Caen, (Titouan) qui obtient son bac mention très bien, 18,34 de moyenne, qui essuie 3 refus pour s’inscrire en STAPS avant qu’un réexamen de son dossier le lui permette in extremis (le 14 juillet !).
Un bachelier de Versailles, (Tancrede) mention assez bien, qui veut s’inscrire en sciences humaines et qui, essuyant plusieurs refus, décide de poursuivre ses études au Canada.
Une bachelière de Montpellier,(Maelle) mention TB au bac, qui ne parvient pas intégrer la fac de psychologie ou de langues étrangères à Lyon.
Un autre bachelier de Versailles,(Antoine) série ES, mention TB, qui formule un vœu groupé auprès de 14 universités, et qui ne peut s’inscrire en droit !
Quatre exemples choisis parmi tant d’autres… 
Ce naufrage n’est pas uniquement celui d’une plateforme. C’est celui d’une politique qui faute d’avoir dit la vérité, d’avoir accompagné les bacheliers, d’avoir traité les situations de manière individuelle, a conçu un système sélectif, brutal et inégalitaire.
 
Le problème, c’est que l’augmentation du nombre de bacheliers ne s’est pas accompagnée d’une démocratisation de l’enseignement supérieur. On a considéré que l’université pouvait accueillir tout le monde, sans lui donner les moyens de repenser ses formations. Or, être inscrit, c’est bien, mais si c’est pour réussir, c’est quand même mieux.
 
L’enjeu, quel est-il ? Il est certes de garantir à ceux qui le souhaitent le droit de suivre des études dans l’enseignement supérieur. Personne ne le conteste. Mais il consiste aussi à aider les futurs bacheliers à construire leur projet,  à leur indiquer les efforts supplémentaires qu’ils devront éventuellement fournir pour accéder à une filière pour laquelle ils ne sont pas assez armés.
Il consiste aussi à augmenter les capacités des filières en tension. À investir et massivement dans nos universités.
 
Car il est temps que notre société reprenne confiance dans ses universités.
 
Parce que l’université est le modèle international de l’enseignement supérieur, ce que les très grandes écoles reconnaissent d’ailleurs.
 
Parce que l’université a réalisé ces dernières années une mutation sans précédent, en prenant en charge l’insertion professionnelle de centaines de milliers de jeunes et qu’elle n’a aujourd’hui plus rien à voir avec l’image un peu vieillotte qu’on cherche parfois à lui accoler.
 
Telle est la volonté du gouvernement aujourd’hui et telle est l’ambition du « plan étudiants »
 
Je vais simplement avant de laisser la parole aux ministres évoquer certains points fondamentaux de ce plan.
 
I/ Le premier axe consiste à aider les lycéens à réussir leur orientation.
 
Ce n’est pas facile de faire un choix, surtout quand on est jeune et que ce choix engage, du moins en partie, son avenir. Ce choix, chacun doit pouvoir le mûrir. Encore faut-il en avoir les moyens.
 
Certains, et c’est tant mieux, peuvent compter sur l’aide de leurs proches pour les orienter. D’autres, en revanche, sont seuls face à ce choix.
 
Pour réussir son orientation, il faut deux choses : des interlocuteurs et des informations.
 
Il faut une alliance de l’humain et du numérique pour donner à la fois une vue panoramique des offres des universités et de leur performance, et des conseils individualisés.
 
Le ministre de l’Education Nationale vous indiquera comment les lycéens seront mieux accompagnés dès cette année scolaire.

II/ Le deuxième axe consiste à garantir à tous les bacheliers un droit à l’accès à l’enseignement supérieur.
 
Énonçons les choses simplement.
Je n’ai pas peur du mot « sélection », mais ce n’est pas ce que nous voulons pour les étudiants français.
L’université ne dira pas « non ». Elle dira, dans la plupart des cas, « oui ». Et dans certains cas « oui, si ».
Si quoi ? Si le candidat accepte un parcours adapté. Pour préparer la voie qu’il a choisie.
 
Vous savez, sur ce sujet difficile, j’ai deux convictions :
 
D’abord, je ne pense pas que laisser un jeune s’engager dans une voie dont on sait par avance qu’elle est semée d’embuches, sans l’alerter, sans lui proposer une aide, c’est lui rendre service. 
Lui rendre service, c’est lui dire : tu n’as pas reçu les apprentissages nécessaires pour suivre en première année. Donc, si tu es vraiment motivé, on te propose un parcours adapté pour augmenter tes chances. Ça, pour moi, c’est la différence entre « abandonner quelqu’un à son sort » et « lui donner les moyens de son ambition».
 
Ensuite, entre la sélection inéquitable et le tirage au sort, il existe une palette de solutions, plus souples, plus humaines, beaucoup plus intelligentes, qui reposent sur l’engagement des enseignants et des enseignants chercheurs pour accompagner chaque jeune vers sa réussite. 
Nous allons donc comme je m’y étais engagé dès mon discours de politique générale supprimer le tirage au sort, mettre en place une nouvelle plateforme, plus simple, plus rapide, plus accueillante, et un processus d’accès à l’enseignement supérieur véritablement organisé pour accompagner les lycéens dans leur choix.
Madame la ministre vous en dira plus tout à l’heure.
 
III/ Troisième axe : renforcer l’autonomie des étudiants.
 
Nous le savons : les conditions matérielles sont une des clefs de la réussite et une source majeure d’inégalités entre les étudiants. Bien sûr, nous ne pourrons jamais combler totalement le fossé qui existe entre un jeune issu d’un milieu favorisé et un étudiant de milieu modeste. En revanche, nous pouvons faire en sorte que ces difficultés matérielles ne constituent pas un obstacle à la réussite ou ne perturbent pas le déroulement des études.
 
Santé, logement, pouvoir d’achat, nous avons voulu répondre à ces défis simples, concrets. Je l’avais dit dès ma DPG. Nous mettons des moyens en face de nos ambitions et nous voulons simplifier la vie des étudiants.
 
 
Prenons un seul exemple : la gestion de la sécurité sociale par les mutuelles étudiantes. Je ne critique pas ici les équipes qui y travaillent. Je note juste que ce système ne marche pas bien, alors que les étudiants payent une cotisation de 217 euros par an. Eh bien, nous supprimerons cette cotisation et nous transférerons leur couverture au régime général, dans un calendrier ordonné. Cette opération conduira à plus de pouvoir d’achat pour les étudiants, moins de coûts de gestion et un meilleur service.
 
Voilà mesdames et messieurs quelles sont la philosophie et les grandes lignes de ce plan :
 
Un plan global, qui traite de la vie étudiante dans tous ses aspects. 
Un plan ambitieux car, malgré une situation budgétaire compliquée, nous investissons : 
Pour construire de nouveaux locaux, pour ouvrir des places supplémentaires dans les filières en tension, pour redonner du pouvoir d’achat aux étudiants ; 
C’est pourquoi, j’ai souhaité que le déploiement de ce plan s’accompagne  d’une enveloppe de 450 millions d’euros (dans le cadre du grand plan d’investissement) pour investir dans la rénovation du premier cycle de licence ainsi que d’un effort financier supplémentaire de  500M, pour créer des places dans les filières en tension de l’université, et dans les filières courtes professionnelles et technologiques. 
Nous présenterons en conseil des ministres le 22 novembre prochain, un projet de loi sur l’orientation et la réussite étudiante (ORE). 
 
 
Conformément à l’engagement du président de la République, cette réforme engage une transformation radicale de la situation qui prévalait jusqu’à présent. Une transformation qui prolonge, qui complète, qui renforce les deux autres chantiers que nous avons ouverts sur l’apprentissage et sur la formation professionnelle.
 
Comme toutes les autres transformations, elle lève des verrous, elle responsabilise, elle offre de nouveaux droits et de nouvelles garanties pour renforcer l’égalité des chances.
Discours de M. Edouard PHILIPPE, Premier ministre – Présentation du Plan Etudiants – Ministère de l'Enseignement supérieur, de l

Author: Redaction