Discours du Premier ministre à la Caisse nationale d’Allocations familiales de Mantes-la-Jolie

 Mesdames les ministres,
Monsieur le président du Conseil départemental,
Madame la députée,
Monsieur le maire,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le président et directeur de la Caisse nationale d’Allocations familiales,
Monsieur le président de la Caisse d’Allocations familiales des Yvelines,
Madame la directrice,
Mesdames, messieurs,
 
Hier à Vaulx-en-Velin, dans le Rhône, dans la métropole lyonnaise, était organisé le 3ème comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté. Et à cette occasion, nous avons dit à nouveau la nécessité de retisser des liens, de renforcer notre cohésion, d’accompagner et d’offrir des opportunités à chacun.
 
Notre société – vous tous le savez aussi bien que moi – est traversée par de nombreuses fractures ; et le fossé est souvent immense entre ceux qui s’en sortent bien et les autres, qui ont les plus grandes difficultés à joindre les deux bouts. Il y a les difficultés quotidiennes, la précarité et l’angoisse du lendemain.
 
Face à cela, il faut une mobilisation de tous : le gouvernement dans son ensemble, l’État, donc, les collectivités, mais aussi – et j’ai vu leur rôle aujourd’hui à Mantes-la-Jolie – équipes éducatives, organismes de Sécurité sociale, travailleurs sociaux, associations, qui s’engagent chaque jour dans nos territoires.
 
Faire vivre cette valeur profondément républicaine de solidarité, c’est l’objectif du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, lancé en 2013 et placé sous la responsabilité de Marisol TOURAINE et Ségolène NEUVILLE. Chaque année, ce plan fait l’objet d’une évaluation à laquelle le secteur associatif est largement associé. Le président du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, Étienne PINTE – qu’on connaît bien, dans ce département des Yvelines –, m’a ainsi remis la semaine dernière son bilan annuel. J’ai également reçu une délégation d’associations de lutte contre la pauvreté, conduite par François SOULAGE, qui est avec nous aujourd’hui.
 
Tous font ce même constat : depuis trois ans, le Plan Pauvreté, ce sont des avancées concrètes sur le terrain. Bien évidemment, il ne s’agit pas de nier la réalité, il faut être lucide sur l’état de la société ; mais les avancées sont concrètes.
 
La scolarisation des enfants de moins de 3 ans progresse, nous l’avons constaté ce matin dans une école de Mantes, avec un formidable engagement de tous – enseignants, équipe pédagogique, parents, municipalité ;
 
50 000 jeunes bénéficient de la Garantie Jeunes – une allocation de 460 euros et un accompagnement renforcé vers la formation et l’emploi ;
 
Plus de 2 millions de ménages, dont près de 20 % de jeunes, touchent déjà la prime d’activité, créée le 1er janvier dernier. Un dispositif qui, en complétant les revenus inférieurs à 1 500 euros par mois, incite à la reprise d’emploi. Le montant moyen de cette prime est de plus de 160 euros par mois. Et pour que les choses soient précises, dans ce département des Yvelines – et je salue le dynamisme de la directrice de la CAF, comme celui de tous les agents que nous avons rencontrés et qui travaillent, qui sont au service des familles –, pour ce qui concerne la prime d’activité : 23 000 dossiers enregistrés, 5 000 jeunes de moins de 25 ans concernés, 1 500 apprentis. La prime d’activité est une véritable révolution, qui est en train non seulement de changer, nous le disions, au fond, le rapport au numérique – ce que François SOULAGE appelait ce mur du numérique –, car les allocataires s’approprient pleinement l’outil numérique, mais aussi de connaître de nouveaux dossiers, pour de nouvelles personnes qui ignoraient leurs droits, n’avaient pas fait appel au RSA activité, par exemple. C’est un élément très important de solidarité pour sortir des difficultés les salariés avec des revenus faibles. Et s’il y a un élément de solidarité qui concerne des millions de salariés, et notamment les jeunes – aujourd’hui, la jeunesse exprime son angoisse par rapport à la précarité –, c’est ce dispositif, qui est profondément ancré dans les valeurs de la République et dans cette notion de solidarité.
 
Mais je continue : 30 000 places d’hébergement d’urgence ont été créées depuis 2012 pour les sans-abri ;
 
600 000 personnes supplémentaires, parmi les plus modestes, bénéficient enfin d’une couverture complémentaire santé.
 
L’ensemble des mesures engagées donne des premiers résultats tangibles. Depuis 2012 – et j’ai compris que c’était dans l’actualité ce matin –, le taux de pauvreté, qui avait fortement augmenté entre 2008 et 2011, passant de 13 à 14,3 %, s’est stabilisé autour de 14 %. Les chiffres qui étaient donnés ce matin dans les médias concernaient la période précédente. Aujourd’hui, les choses s’inversent, et ce chiffre est très en dessous de celui d’autres grands pays européens, comme l’Allemagne ou encore le Royaume-Uni. Pour ceux qui vont chercher souvent des références – il faut toujours être attentif à ce qui se passe à l’étranger –, il y a là, me semble-t-il, une comparaison qui mérite d’être faite.
 
C’est vrai pour l’école, puisqu’il y avait également, madame la ministre, des chiffres qui étaient donnés ce matin sur les inégalités à l’école. Et là, on peut regretter l’absence de rigueur d’un classement qui était évoqué ce matin, et qui reposait sur les données PISA – vous savez, ce grand classement qui concerne les écoles du monde entier – de 2012. En l’occurrence, ce sont des inégalités d’avant 2012 qui sont ici mesurées, et qui légitiment totalement notre mobilisation contre le déterminisme social – nous en avons parlé il y a un instant.
 
Bien sûr, tout cela ne doit pas masquer la réalité : plus de 8 millions de personnes vivent encore, en France, dans la pauvreté. 8 millions. Le Plan Pauvreté doit donc continuer à monter en puissance, en prenant en compte tous les domaines de la vie quotidienne. Hier, nous avons marqué notre volonté, notre détermination absolue de lutter contre les discriminations qui touchent beaucoup de concitoyens dans notre pays, toutes les discriminations ; aujourd’hui, nous faisons la démonstration, là aussi, d’une très grande volonté de lutter contre la pauvreté et de mettre en place ces politiques publiques.
 
Et d’abord – car il faut agir très tôt et très en amont –, l’école. La pauvreté frappe de nombreux enfants, et partout en France – nous venons de le voir –, les équipes éducatives se mobilisent. L’exemple de l’école Claude MONET l’a illustré. Nous poursuivons nos efforts pour développer la scolarisation dès 2 ans, notamment dans les territoires prioritaires, et pour lutter contre le décrochage scolaire. Notre action a déjà permis à 30 000 décrocheurs de reprendre le chemin de l’école ou de la formation. Et nous avons été, je crois, satisfaits de voir que pour ce qui concerne la scolarisation dès 2 ans, il y avait, contrairement à ce qu’on dit parfois, une forte demande dans les quartiers populaires.
 
Deuxième domaine d’action : l’emploi. Nous misons pour cela sur l’accompagnement, aussi individualisé que possible, et la formation. C’est un enjeu essentiel, alors que 300 000 emplois disponibles restent non pourvus faute de candidats qualifiés. Nous avons ainsi lancé le programme « 500 000 formations », débloqué des heures de formation supplémentaires pour les demandeurs d’emploi peu qualifiés grâce au compte personnel d’activité, et généralisé la Garantie Jeunes en 2017.
 
Le troisième domaine d’action, c’est le logement. Le projet de loi Égalité et Citoyenneté, présenté hier en Conseil des ministres, notamment par Emmanuelle COSSE, luttera contre ces logiques qui font que les familles les plus pauvres sont regroupées dans les mêmes parcs de logements sociaux. Dans les quartiers les plus aisés, 25 % des logements sociaux devront ainsi, désormais, être attribués aux demandeurs les plus modestes. Et nous agissons en parallèle pour que les personnes pauvres aient un cadre de vie stable et ne soient pas constamment ballottées d’un hôtel à l’autre. C’est un problème qu’on connaît, bien sûr, un peu partout dans le pays, mais qui est très prégnant en Île-de-France. Il faut pour cela développer les places d’hébergement d’urgence, prévenir les expulsions locatives, lutter contre la précarité énergétique – nous en parlerons en fin de matinée –, avec la mise en place progressive d’un chèque énergie. Les critères de domiciliation des personnes sans abri seront également simplifiés pour éviter les refus abusifs.
 
Dernier domaine d’action sur lequel je souhaite mettre l’accent devant vous, chères Marisol TOURAINE et Ségolène NEUVILLE : nous ne pouvons pas accepter que certains renoncent à des soins de santé faute de pouvoir avancer les frais. C’est pour cela que nous généralisons aussi le tiers payant chez le médecin. Et dès cette année, nous mettons en place une protection universelle maladie pour éviter toute rupture de droits en cas de changement de situation.
 
Nous agissons également, bien sûr, pour que les personnes modestes aient de quoi vivre dignement.
 
Le RSA sera ainsi à nouveau revalorisé de 2 % en septembre prochain, comme chaque année depuis 2013, pour une augmentation globale de 10 % en cinq ans. Nous tenons nos engagements et nous répondons là à une attente très forte dans la société.
 
L’allocation de soutien familial, bénéficiant aux parents isolés, vient elle aussi d’être revalorisée de 5 %, pour la troisième année consécutive. Elle aura donc augmenté de 25 % en cinq ans à l’issue du plan.
 
Le complément familial majoré, destiné aux familles nombreuses les plus modestes – et c’est une de vos préoccupations, bien sûr, chère Laurence ROSSIGNOL – sera quant à lui revalorisé de 50 % en cinq ans : il vient d’augmenter de 10 %, pour la troisième fois, au 1er avril.
 
A terme, cela représente 2,6 milliards d’euros supplémentaires redistribués chaque année à 2,7 millions de ménages, parmi les plus en difficulté.
 
Nous voulons enfin nous assurer que les personnes pauvres, qui, trop souvent, ne recourent pas à leurs droits, puissent bénéficier – je l’évoquais – de ces nouveaux droits que nous créons. Nous agissons donc pour développer « les rendez-vous des droits », l’accès à des conseillers ou à des travailleurs sociaux. Et je sais combien les agents des Caisse d’Allocations familiales sont, monsieur le président, madame la directrice, mobilisés sur ce sujet ; celle que je viens de visiter en est l’exemple.
 
Nous agissons, également, pour simplifier les procédures. Et nous l’avons fait, nous l’avons bien vu il y a un instant, par exemple avec la prime d’activité, pour laquelle tout se fait en ligne. Nous devons partir de cet exemple pour simplifier l’ensemble des dispositifs – nous l’évoquions hier –, notamment pour ce qui concerne la Garantie Jeunes ; et vous avez pris, madame la ministre, des mesures qui vont dans ce sens. Je veux saluer, à ce titre, le travail intelligent mené par des associations comme Emmaüs Connect, dont le réseau des CAF a pu bénéficier, pour l’accompagnement au numérique des bénéficiaires. Parce que l’accès Internet est devenu vital pour accéder à ses droits et rechercher un emploi, nous avons instauré, dans la loi numérique en cours de discussion au Parlement, un droit au maintien de la connexion.
 
Mesdames, messieurs,
 
Je suis venu aujourd’hui, avec Laurence ROSSIGNOL, Ségolène NEUVILLE, Marisol TOURAINE, Emmanuelle COSSE et Najat VALLAUD-BELKACEM, pour dire que nos efforts portent leurs fruits et que nous sommes déterminés à poursuivre cet engagement.
 
Car le Plan Pauvreté n’est pas un plan « pour les pauvres » ! Encore moins un plan d’assistanat, comme je l’ai encore entendu cette semaine. Et moi je suis prêt à de beaux débats, dans notre pays, entre ceux qui considèrent qu’aider les plus modestes, les plus pauvres dans notre société, c’est de l’assistanat, et ceux qui, parce qu’ils croient en la France et dans la République, considèrent que les mots solidarité et égalité doivent se traduire dans les faits et dans les actes. C’est un plan qui agit pour notre cohésion à tous. Quand des millions de personnes sont en dehors de la société, quand des quartiers connaissent l’apartheid ou la ségrégation, nous l’avons évoqué hier, c’est l’ensemble du pays qui ne va pas bien. C’est l’ensemble du pays qui est en difficulté, et c’est notre cohésion à tous qui est remise en cause.
 
Donc ce plan que nous poursuivons, que nous approfondissons, avec l’engagement exigeant mais ô combien utile des associations, de ceux qui sont sur le terrain et qui œuvrent pour la solidarité de tous les instants, doit rendre notre pays plus fort, parce qu’il fait vivre de manière concrète la solidarité et la fraternité, des valeurs qui sont au cœur de ce qui fait notre pays.
 
Je vous remercie.
Discours du Premier ministre du 14 avril 2016 – Caisse nationale d’Allocations familiales de Mantes-la-Jolie

Author: Redaction