Sur l’En-Marchisme post covid 19 (pour Atlantico, en tandem avec M. Benoît de Valicourt)

#1 : Dans le Journal du Dimanche publié hier, Gérald Darmanin évoque une politique pour le peuple et Elizabeth Borne appelle les patrons à s’engager pour l’écologie. Mais où est la cohérence globale du discours dans la macronie ? 

Le macronisme se définit comme à la fois de droite et de gauche. Il s’identifie à l’air du temps, aux valeurs dominantes dans les élites médiatiques, universitaires, économiques et financières occidentales, aux grands thèmes à la mode. Il est écologiste, comme le montre la réception de Greta Thunberg à l’Elysée. Il pousse le discours européiste à son plus haut niveau, prônant une souveraineté européenne. Il se montre fondamentalement globaliste et post frontière, fustigeant la « peste » nationaliste, refusant de rétablir les frontières nationales face à l’épidémie de covid19. Il se réclame du libéralisme économique à travers des mesures comme la réforme de l’ISF. Il se rattache aussi au libertarisme sociétal à travers son soutien à la PMA et ses ambiguïtés sur la GPA. Mais depuis le début, le macronisme, c’est aussi une méfiance envers le peuple, la « vile multitude » comme disait Thiers. L’imaginaire macroniste oppose les élites éclairées, post-frontières, mobiles, au « mal » populiste incarné par le gilet jaune.

#2 : Les députés LREM s’engagent à gauche comme à droite sans se tenir à une certaine identité politique. Quel est le centre de gravité de cette majorité ? 

Le centre de gravité de cette majorité, c’est l’allégeance à un homme, un personnage, Emmanuel Macron lui-même. Le macronisme est avant tout le service du président de la République qui l’a créé de toute pièce et auquel il doit absolument tout. Il est entré dans une période de turbulence. En effet, dès lors que la vie politique se ramène avant tout, non pas au service d’un idéal ou d’une conviction, ou de l’avenir d’une nation, mais au culte d’un homme, la réélection de celui-ci devient la fin ultime en soi. Or, nous voyons bien à deux ans des élections présidentielles, que cette réélection n’est pas assurée. Dès lors le président Macron s’efforce de fracturer le carcan idéologique défini ci-dessus par des gestes emblématiques. Il tend la main à gauche, en laissant faire la création d’un nouveau groupe parlementaire. Mais suivant le dogme fondamental du « en même temps », depuis quelques semaines, il ne cesse de brouiller les pistes en lançant des signaux à des personnalités représentatives de tout ce que l’idéologie macroniste vilipende : appel à Eric Zemmour après son agression, réouverture du Puy-du-fou, visite au professeur Didier Raoult, appel de Jean-Marie Bigard… Ces transgressions spectaculaires, toujours très médiatisées, manifestent le désir de s’arracher aux fondamentaux du macronisme, de brouiller les repères et provoquer une nouvelle vague de chaos politique ou idéologique autour de lui dont son propre culte de la personnalité sortirait renforcé en vue de 2022.

#3 : Gerald Darmanin, toujours dans le JDD, condamne sans appel les discours de Marine Le Pen mais il est incapable de dire en quoi elle est « indigne » ou « inepte ». Les mots employés par les ministres ou députés de la majorité ont-ils une consistance autre que marketing ?

Darmanin, comme le macronisme en général, ont un besoin vital de lepénisme. Il est par excellence la figure « maudite » qu’ils désignent comme le mal politique. En parlant de lui, ils le relégitiment en permanence comme leur adversaire privilégié. Argumenter point par point en expliquant pourquoi ils condamnent le lepénisme n’a aucun intérêt à leurs yeux. Ce dont ils ont besoin, c’est de la figure de l’épouvantail à combattre, sur laquelle bâtir l’image du héros. Le macronisme est avant tout un anti-lepénisme. Tous deux sont les faces opposées d’une même pièce de monnaie. Le macronisme parie sur une victoire au second tour des présidentielles grâce au renouvellement du duel contre son adversaire de 2017. Oui bien sûr, tout cela relève du marketing politique ou du grand spectacle narcissique. C’est 2022 que l’on prépare et rien d’autre. On est à mille lieues des grands sujets de préoccupation des Français, chômage, violence, maîtrise des frontières, pauvreté, école, hôpital … Or, les Français sont bien plus lucides que ne le pensent les dirigeants politiques et ressentent avec beaucoup de désarroi et de malaise cette fuite dans les limbes.

 

 

 

 

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Author: Redaction