Sur l’élection du futur président de LR (pour le Figaro Vox)

La droite classique (les Républicains), écartelée entre Marine le Pen et Emmanuel Macron, peut-elle rebondir après trois défaites aux élections présidentielles et législatives et des sondages préoccupants (72% des Français pensent « qu’elle n’a pas d’avenir ») ? Dans un contexte défavorable, où se mêlent les trahisons, les débauchages, un air du temps à la fois hostile et ironique, le pari d’un renouveau d’une droite indépendante est-il illusoire ou audacieux ? Le système politico-médiatique rêve d’une vie politique réduite au modèle d’une troisième force progressiste (macroniste), inamovible bouclier du « bien » confronté à deux « extrêmes » (Nupes et RN).  L’élection du président de LR se présente comme une étape dans la résistance à cette fatalité.

Eric Ciotti, en tête du premier tour, et Bruno Retailleau vont donc se retrouver face à face au second. Leur duel n’est pas idéologique. Tous les deux font campagne sur une même ligne marquée à droite :  maîtrise de l’immigration, restauration de l’autorité, lutte contre les déficits et le dette publique, priorité donnée à la liberté d’entreprise. Ils écartent la perspective d’un « accord de gouvernement » avec la majorité ; ils partagent la vision d’un bilan accablant de l’équipe au pouvoir (explosion de la dette publique, désindustrialisation et déficit commercial record, effondrement scolaire, hospitalier, énergétique, sécuritaire, migratoire) ; ils anticipent sur son impopularité croissante et entendent offrir aux Français une possibilité d’alternance réelle et crédible.

La véritable différence entre M. Ciotti et M. Retailleau porte sur la stratégie d’une reconquête du pouvoir. Les adhérents sont appelés à choisir entre deux priorités : celle de l’incarnation et celle du projet.

Eric Ciotti préconise la nomination, dès 2023, du candidat de droite pour 2027 et se prononce en faveur de Laurent Wauquiez. Il voit dans l’absence d’un leader incontesté la cause des échecs de la droite face à des courants politiques dont le chef est bien identifié : M. Macron pour LREM devenu Renaissance, Mme le Pen pour le RN. Il invoque la tradition gaulliste qui revendique sans complexe le culte du chef, et se réfère à la célèbre formule de Jacques Chirac pour un « chef sachant cheffer ».  Il rompt ainsi avec la logique de la désignation du candidat juste avant l’échéance présidentielle dans le cadre de primaires (ouvertes ou fermées) et renoue avec un principe selon lequel la droite doit, pour l’emporter, s’identifier par avance à une personnalité (à l’image de Nicolas Sarkozy en 2007).

Au contraire, Bruno Retailleau veut mettre l’élaboration du projet en tête des priorités de LR : avant de savoir qui sera notre candidat, sachons ce que nous voulons. Désigner un candidat quatre ans à l’avance serait, selon lui, l’exposer aux mauvais coups et à d’éventuels échecs. Le choix d’une ligne claire doit primer dans le temps sur celui d’un homme et il est temps de rompre avec « l’ère Chirac et Sarkozy ». Il entend laisser le jeu ouvert à diverses candidatures : Laurent Wauquiez, bien entendu, mais aussi Xavier Bertrand (plus populaire dans l’opinion qu’auprès des adhérents) ou David Lisnard, charismatique président de l’association des maires. Les adhérents seront, bien plus tard, appelés à désigner le candidat unique de la droite dans une logique de démocratie interne.

Alors, lequel des deux a-t-il raison ? L’avance prise par Eric Ciotti au premier tour souligne la popularité de sa vision chez les adhérents. En faveur de sa thèse, il est certain que le cimetière des excellents projets de droite, jamais appliqués pour cause de défaite, est plein à craquer. Les bons programmes ne suffisent pas pour gagner une élection. Il faut surtout une dynamique et une crédibilité auprès de l’opinion. Or, la confiance s’attache plus au caractère des personnes qu’à la qualité d’un programme.

Cependant, cette approche comporte le risque de lasser l’opinion par un excès de personnalisation de la politique au détriment du débat d’idées. D’ailleurs, l’histoire montre que le choix d’un champion ne se décrète jamais. Les derniers vainqueurs à droite se sont imposés par eux même et n’ont pas procédé d’un choix d’état-major. Enfin, il faut compter sur « la force de l’histoire » de Charles Péguy, c’est-à-dire l’imprévisible. Une période extrêmement trouble voire chaotique risque de s’ouvrir pour la France. Qui peut anticiper sur l’état d’esprit du pays, dans plus de quatre ans, après mille bouleversements – et donc le profil du candidat idéal ? Le renouveau de la droite, dans un contexte tourmenté, dépend de la capacité de ses différents leaders à répondre aux inquiétudes et aux souffrances du pays, bien au-delà de la structure partisane et des frontières idéologiques. 

En quoi le futur président de LR peut-il prendre toute sa part à ce redressement ?  Avant tout en œuvrant à réconcilier les Français avec la politique et la démocratie. Il lui faudra tendre la main à une nation submergée par une vague d’écœurement qui se traduit par un abstentionnisme record (60% aux législatives). Sa véritable mission sera de l’ordre de la morale politique. Elle visera à offrir une image d’exemplarité sans faille et de respect inconditionnel du peuple – le seul chef en démocratie – dans un pays traumatisé depuis trop longtemps par le mépris de ses élites dirigeantes, les faveurs et l’entre-soi. Et de lui proposer une vision de la politique tournée vers l’action au seul service de l’intérêt national, dans une perspective de long terme, plutôt qu’une course éperdue à la communication narcissique, à la démagogie et aux illusions

MT.  

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Author: Redaction