Sur la démission de M. Muselier des Républicains (pour Figaro vox)

Le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Renaud Muselier, a annoncé sa démission des Républicains le mercredi 24 novembre. L’ancien secrétaire d’Etat aux affaires européennes sous Jacques Chirac a expliqué son geste par son refus d’une droitisation de la ligne du mouvement qui se serait exprimée lors des débats préalables au congrès chargé de désigner un candidat LR aux présidentielles. A cet égard, il a plus particulièrement ciblé son adversaire de la région PACA: « les idées d’Eric Ciotti avancent » alors que ce dernier « véhicule les idées de Zemmour ». Il a ainsi condamné une « dérive politique » de son ancienne formation politique et l’élu a assuré vouloir s’en tenir à sa « ligne rouge » : « pas d’accord avec l’extrême droite ». De fait, la démission de Renaud Muselier n’a rien d’un événement en soi mais elle prend tout son sens à travers ce qu’elle révèle ou confirme de la vie politique française aujourd’hui. 

Un débat d’idées est en cours dans le cadre de la préparation du congrès LR. Cinq candidats sont en lice et présentent des lignes diverses et parfois divergentes notamment sur la question de l’immigration qui est en toile de fond de la prétendue dérive du mouvement. Lors du premier débat télévisé, Eric Ciotti n’avait pas désavoué la formule « grand remplacement » prêtée à Eric Zemmour mais il était le seul des cinq sur cette ligne. Une démission fondée sur le prétexte d’une dérive idéologique, alors que justement le débat se déroule sur le choix d’une personnalité et d’un projet, peut paraître largement prématurée, voire paradoxale. M. Muselier s’était prononcé quelques jours plus tôt en faveur de l’un des protagonistes de ce débat, Xavier Bertrand, dont les propositions y compris sur l’immigration, devaient dès lors lui convenir.

D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que le parti issu du gaullisme se penche sur le sujet de l’immigration. Le programme de la droite en 1990 (RPR et UDF) était particulièrement musclé – prévoyant la suppression de certaines prestations sociales aux étrangers – sans que cela ne suscite, à l’époque, de protestation de la part des nouveaux indignés d’aujourd’hui. De même aucune des personnalités de droite venues de LR, qui se déclarent aujourd’hui offensées dans leur vertu idéologique, n’avaient manifesté son trouble face au projet du candidat Nicolas Sarkozy de créer un ministère de l’immigration et de l’identité nationale en 2007 – une association jugée transgressive à l’époque par les éditorialistes et les leaders de gauche. Alors pourquoi aujourd’hui une indignation qui hier n’était pas de mise ?

En vérité, cette démission ne montre pas la politique française sous son meilleur jour et n’est pas de nature à restaurer le lien entre les Français et leurs représentants. Renaud Muselier a été élu en 2021 président de la région PACA avec le soutien de la droite LR – même si l’ouverture de sa liste à des élu LaREM lui avait valu des critiques de la part de sa formation.  Cette démission ex post d’un formation politique à laquelle il doit (au moins en partie) son élection soulève l’éternelle question de la fidélité au mandat confié par les électeurs et aussi celle de la démocratie représentative. Elle intervient au pire moment pour son ancien camp (ou « famille politique ») mettant l’accent sur ses déchirements internes et ses faiblesses alors que LR, selon tous les sondages, est menacée d’une nouvelle l’élimination du second tour des présidentielles qui pourrait, cette fois-ci, lui être fatale.

Au-delà des considérations de fond (sur la droitisation) qui sont invoquées, l’explication de cette démission trouve au moins partiellement sa source dans la tambouille de PACA et l’exacerbation de rivalités personnelles entre le président de la région et Eric Ciotti ou David Lisnard, maire de Cannes, récemment élu président de l’association des maires contre le candidat LREM-compatible qui avait les faveurs M. Muselier. Dans l’ombre de ces turpitudes politiciennes, que reste-t-il de l’intérêt général ?

La démission de LR à ce stade de la vie politique française, sous des prétextes d’incompatibilité de fond, pourrait bien nourrir le sentiment selon lequel le président de PACA fait un pas supplémentaire dans la voie d’un ralliement à la candidature du président Macron à sa réélection – considérée comme probable sinon acquise par la plupart des observateurs –, à l’image d’autres personnalités de droite de sa région. Encore faudrait-il, pour que ce choix n’apparaisse pas comme purement opportuniste, qu’il prenne appui sur de véritables raisons de fond. Qu’est-ce qui le justifie du point de vue de l’intérêt public ? Les résultats du quinquennat en matière de réformes accomplies ? Et lesquelles ? Son bilan effectif sur la moralisation de la vie publique, sur la maîtrise des migrations, la sécurité, la dette publique, les déficits, le commerce extérieur, l’état de l’industrie française, le chômage, la pauvreté, la cohésion sociale, la politique sanitaire, les libertés et la confiance en la démocratie ? Des prises de position spectaculaires sur la déconstruction de l’histoire de France, « le mâle blanc » ou la colonisation comme « crime contre l’humanité » ?  Est-ce bien ce bilan qu’une partie de la droite « laremisée » entend revendiquer aux prochaines échéances électorales ?

Cette nouvelle secousse soulève une fois de plus la question du sens de la politique aujourd’hui. N’est-elle plus rien d’autre qu’une forme de courtisanerie, une course opportuniste aux mandats, aux prébendes et aux honneurs, ou conserve-t-elle une part d’engagement et de conviction au service de l’intérêt général ? En vérité, c’est toute la question de la défiance croissante des Français en la politique et de la vertigineuse montée de l’abstentionnisme ou du vote dit « antisystème » qui est de nouveau posée.

MT

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Author: Redaction