Questions sur une décomposition

sans-titreEn France, la désintégration de la vie politique française, à droite comme à gauche, s’accélère dans un climat de fin du monde à la veille de l’année électorale. Jamais dans l’histoire de la République, même dans les pires scandales, les pires moments de crise, un tel ouragan de décomposition nihiliste n’avait frappé le pays. Mais la France n’est pas seule! Le spectacle de la démocratie américaine n’est pas reluisant non plus. Il fallait voir le débat Clinton-Trump, la nuit dernière, à la télévision: Nous avions en face de nous le spectacle de deux clowns luisants, hilares, grimaçants. Les débats se limitaient à un échange d’insultes et d’attaques personnelles proférées avec de grands sourires hypocrites : « – combien d’emplois as-tu créé dans ta vie? – Et toi qui ne payes pas tes impôts… etc. » Il paraît que 80% des Ricains les détestent autant l’un que l’autre. Alors, que font-ils là? La politique allemande a sombré elle aussi. La volte-face de Mme Merkel dans la crise des migrants est une aberration historique. Sans rien demander à personne, sans consulter son parti, le Parlement, ses partenaires européens, elle a déclaré l’Allemagne ouverte « ouvrons leur les bras » avant de se raviser devant la catastrophe politique déclenchée par la venue d’un million de migrants, et de leur claquer la porte au nez. Elle aussi, a voulu laisser son nom dans l’histoire, et fait le lit d’un retour de l’extrême droite nationaliste allemande. Bravo! Quant au Royaume-Uni, M. Cameron et son Brexit l’ont plongé dans une extraordinaire impasse. Les Britanniques ne sont ni dans Schengen, ni dans l’euro. Ils n’avaient aucun intérêt à sortir de l’Union européenne qui leur donnait de multiples avantages et un droit de regard sur les affaires du continent grâce à leur entrisme dans les institutions de Bruxelles et un accès privilégié au marché unique. Les Espagnols, quant à eux, n’ont plus de gouvernement stable depuis trois mois. Mais cela ne vaut-il pas mieux, au vu de la vague de folie qui s’est emparée un peu partout des dirigeants occidentaux?

Alors bien sûr, la tentation est de se dire que tout ceci ne concerne que la surface des choses, la vie politique et médiatique. Cette désintégration de la politique dans le monde occidental n’aurait pas forcément de conséquence  sur le dynamisme des sociétés, la créativité, l’énergie, les réseaux, la démocratie locale. Mais, le pourrissement ne commence-t-il par la tête avant de se diffuser peu à peu? L’absence d’autorité, de référence suprême, d’exemplarité, de boussole indiquant une direction, ne favorise-t-elle pas le délitement de la société, la propagation du désordre et de la violence, à terme incompatibles avec la vie sociale? Le déclin et la désintégration de l’Empire romain sont passés par une décomposition politique. Au début du IVe siècle, « Encore un siècle et la conséquence de ces changements ne va pas manquer d’apparaître: une double désintégration politique et culturelle. Les hauts et les bas par lesquels est passé l’autorité impériale ont beaucoup compté dans ce processus […] C’est pourquoi les faiblesses affectant la structure du pouvoir jouèrent un rôle essentiel dans les dysfonctionnements. La direction de l’Empire n’était plus assurée depuis longtemps » (J.M Roberts, O.A Westad, Histoire du monde, Perrin 2016). La couv_histoire_monde_3d-1République et l’Empire romains ont imposé une civilisation pendant environ 600 ans avant de se disloquer. Le monde occidental, européen, a été maître de l’univers par sa force militaire, économique, intellectuelle, au moins depuis la Renaissance, la Révolution industrielle, la colonisation, puis à travers l’empire américain, soit un demi millénaire d’histoire. Est-il en train de se décomposer en ce moment à vitesse accélérée? Le visage effarant qu’il donne à travers sa vie politique pourrait bien en être un symptôme ou les prémices de cet effondrement.

Maxime TANDONNET


Lire la suite sur le blog perso de Maxime Tandonnet ...

Author: Redaction