Qu’est-ce qu’un président de la République?

Les éditions Perrin viennent de rééditer en format de poche mon livre sur l’histoire des présidents de la République (2013), actualisé au 31 décembre 2016. C’est l’occasion pour moi de revenir sur la nature de la mission du chef de l’Etat, à travers les âges, et d’essayer d’apporter un éclairage aux électeurs sur les enjeux de fond de l’élection présidentielle d’avril-mai.

Le rôle du chef de l’Etat avant 1958 a été beaucoup caricaturé et minimisé. Non, le président français de jadis ne se limitait pas à inaugurer les chrysanthèmes. Le souvenir méprisant qu’on en garde correspond à certaines périodes de crise de la présidence de la République: Grévy, Deschanel, Lebrun lors de la débâcle de 1940.

En réalité, le chef de l’Etat, élu pour sept ans par le Congrès de Versailles, ou les deux chambres réunies, Chambre des Députés sous la IIIe (Assemblée nationale sous la IVe) et Sénat (Conseil de la République sous la IVe), exerçait une fonction essentielle dans le fonctionnement des institutions. Il se tenait au-dessus de la mêlée, ne prenait jamais part aux joutes politiciennes. Mais il exerçait un rôle de sagesse, de souverain impartial, désignait le Premier ministre, présidait le Conseil des ministres. Dans les temps de crise institutionnelle et morale ou internationale, les grands présidents imposaient leur autorité morale comme un repère. Les dirigeants de la classe politique se rendaient à l’Elysée pour l’écouter. Dans les temps de déchirement,  son prestige personnel  redevenait la référence suprême (Sadi Carnot, Raymond Poincaré dans la Grande Guerre, Alexandre Millerand, Gaston Doumergue, Vincent Auriol, René Coty). Mon livre fourmille d’exemples montrant comment la sagesse présidentielle, au-dessus de la mêlée, a permis de surmonter les déchirements voire de sauvegarder l’unité et l’intégrité de la Nation. Le chef de l’Etat incarnait ce qui manque à la France aujourd’hui: une vision, une boussole, un repère.

En 1958 et 1962, le général de Gaulle a voulu renforcer le rôle du président de la République notamment en prévoyant son élection au suffrage universel. Du fait de son prestige, de son autorité naturelle, de sa légitimité nationale issue de l’appel du 18 juin 1940, le Général pouvait concilier la hauteur de la mission du chef de l’Etat et une présidence active, impliquée dans le gouvernement quotidien de la France. Son implication directe et son dans l’achèvement de la guerre d’Algérie (1958-1962) a forgé une présidence omniprésente.

Mais après son départ en 1969, un bref intermède Pompidou puis VGE, le déclin de l’institution présidentielle n’a cessé de s’amplifier. Les présidents de la République (Mitterrand, Chirac) se sont trouvés écartelés entre leur rôle souverain de représentation de la France à l’international, de sage, garant de l’unité, de la cohésion et de l’avenir à long terme de la Nation, et celui d’élu sur un programme détaillé dont les Français attendent l’accomplissement de promesses. Le passage du septennat au quinquennat en 2000 a achevé de dénaturer la fonction: élu pour un mandat aligné sur celui de l’Assemblée nationale, le président de la République est devenu de facto un chef de la majorité voire d’un parti politique, se substituant au Premier ministre dans le gouvernement quotidien de la France.

Surmédiatisé, devenu l’incarnation à lui tout seul du pouvoir politique, tenu pour responsable de tous les maux de la Nation, emporté et balloté  dans la tourmente du quotidien, il en devenait le bouc émissaire naturel et l’otage. La présidence fondée sur le prestige du général de Gaulle tournait ainsi à une présidence infâmante, impuissante, qui n’incarne plus l’avenir de la Nation, mais au contraire ses angoisses, frustrations, déchirements.  Son prestige et son autorité, fondements de sa missions, ont laissé la place au mépris populaire. L’élection de 2017 qui s’effondre dans la polémique, le chaos, voire le ridicule, marque l’apothéose de cet anéantissement élyséen.

Comment sauver la présidence de la République? en réhabilitant la mission traditionnelle de hauteur, de sagesse, d’impartialité du président de la République en monarque républicain, au-dessus de la mêlée des passions et la folie de l’actualité, autorité garante des grands principes de la France et de son avenir. Il manque à la France cette hauteur d’un homme visionnaire et sage, dans une actualité gagnée par la démence et la perte de tous les repères. Le retour au septennat pourrait être un premier pas vers cette redécouverte de la mission du chef de l’Etat, mais il ne suffirait pas. C’est un changement radical des mentalités et de la culture politique qui est nécessaire et ne se conçoit que sur le long terme. Il passe par la connaissance de l’histoire… D’où l’intérêt de cet ouvrage, me semble-t-il!

Maxime TANDONNET

 

 

 


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Author: Redaction