Déficit social contenu, baisse limitée des allègements de cotisations patronales, mesures en faveur des agriculteurs, meilleure prise en charge de la santé mentale… Que contient le projet de budget de la sécurité sociale pour 2025 ?
Le 3 février 2025, le Premier ministre a fait usage de l’article 49.3 de la Constitution sur l’article liminaire et la 1ère partie (recettes) du PLFSS 2025, pour faire adopter sans vote le texte en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.
Un déficit social de 18,3 milliards en 2025
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) a évolué au cours de son examen au Parlement et lors de la commission mixte paritaire.
Le texte définitif sur lequel le gouvernement a engagé sa responsabilité le 2 décembre 2024, tient compte de cette évolution, en actualisant les prévisions budgétaires.
En 2024, le déficit de la sécurité sociale devrait atteindre 18,5 milliards d’euros (Md€), au lieu des 10,5 Md€ prévus initialement par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 et après 10,8 Md€ en 2023. Ce creusement est en grande partie dû au déficit de la branche maladie, en raison d’une hausse importante des dépenses de soins de ville et de moindres recettes.
En 2025, les dépenses de la sécurité sociale sont fixées à près de 661 Md€. Le déficit social serait de 18,3 Md€ (contre les 16 Md€ initialement prévus dans le projet du gouvernement).
Pour augmenter les recettes, les parlementaires ont renforcé les taxes « comportementales » sur les jeux d’argent et de hasard et sur les sodas.
Ondam et maîtrise des dépenses médicales
L’objectif national de dépenses d’Assurance maladie (Ondam) évolue pour atteindre 263,6 Md€ en 2025 (+2,4% par rapport à l’Ondam rectifié de 2024).
L’Assurance maladie devra réaliser des économies de 6,2 Md€, notamment via :
- une baisse de 5% de la part de la « Sécu » dans le remboursement des consultations médicales et une hausse proportionnelle de la part des complémentaires santé (mesure réglementaire) ;
- des accords de maîtrise des dépenses dans le domaine de l’imagerie médicale, des transports sanitaires et de la biologie ;
- le plafonnement des rémunérations des intérimaires paramédicaux à l’hôpital ;
- des engagements et objectifs en matière de répartition territoriale de l’offre de soins et des pharmacies avec les syndicats des professionnels de santé ;
- la poursuite de la lutte contre la fraude sociale, en particulier grâce à une plus grande sécurisation de la carte vitale.
À noter : le 2 décembre 2024, Michel Barnier a annoncé s’engager à ne pas dérembourser de médicaments en 2025 par voie règlementaire.
Prévention, santé et accès aux soins
Le rôle du médecin traitant est renforcé grâce à l’augmentation de la consultation à 30 euros (dès décembre 2024).
Une « taxe lapin » a été instituée par les sénateurs (pénalité mise à la charge des patients ne s’étant pas présentés à un rendez-vous médical, sauf exceptions) et conservée dans la version finale du texte.
Les maisons de santé pluri-professionnelles seront à nouveau développées en 2025. Le suivi médical de l’enfant sera amélioré (évolution du calendrier des examens obligatoires et refonte du carnet de santé). De plus, les examens de prévention bucco-dentaire, aujourd’hui prévus tous les trois ans de 3 à 24 ans, seront désormais annuels.
S’agissant des soins non-programmés, les moyens du service d’accès aux soins (SAS) seront accrus. La stratégie de l’ »aller-vers » sera poursuivie en direction des populations des déserts médicaux via la télémédecine et les médicobus.
Sur initiative des députés, le dispositif « Handigynéco », destiné à faciliter l’accès aux soins gynécologiques des femmes handicapées, est consacré. Ce dispositif a été progressivement expérimenté depuis 2018.
Des crédits supplémentaires seront consacrés aux soins palliatifs, une première étape pour concrétiser la stratégie décennale en faveur de ces soins. Plusieurs mesures sont prévues en 2025 comme l’accès à une unité de soins palliatifs assuré sur tout le territoire.
La prise en charge de la santé mentale, déclarée grande cause nationale pour 2025 par le Premier ministre, sera améliorée. Le recours à une prise en charge par des psychologues conventionnés sera facilité. Les mineurs bénéficieront du dispositif de prévention du suicide (VIGILANS).
La généralisation de « Mon Bilan Prévention » et la vaccination gratuite contre les infections au papillomavirus pour les élèves de 5e seront poursuivies. Cette campagne de vaccination inclura également la vaccination contre les infections invasives à méningocoques pour l’année scolaire 2025-2026. La lutte contre la pénurie de médicaments (recours possible à la dispensation à l’unité…) sera poursuivie.
Le remboursement par la sécurité sociale des tests et analyses permettant de détecter la soumission chimique est également prévu pour trois ans dans trois régions, « y compris en l’absence de plainte préalable, pour améliorer la prise en charge des potentielles victimes« .
Les plateformes fournissant des arrêts de travail en ligne seront interdites.
Retraites et branche vieillesse
L’objectif de dépenses de la branche vieillesse est fixé à plus de 300 Md€ en 2025. Pour réduire le déficit de la branche (-5%), le projet de loi envisage plusieurs mesures.
Sur la question des pensions de retraite, le texte prévoyait un revalorisation de toutes les pensions de retraite au 1er janvier 2025 de 0,8% puis une seconde revalorisation de 0,8% au 1er juillet 2025 pour toutes les retraites de moins de 1 500 euros brut/mois. Elle devait inclure un rattrapage au titre des six premiers mois de 2025 pour que les retraités modestes ne subissent pas de perte de pouvoir d’achat. Cette mesure avait été annoncée par le Premier ministre le 12 novembre 2024 lors des questions au gouvernement. Toutefois, le texte n’ayant pas été adopté dans les temps, toutes les pensions de retraite de base ont été revalorisées de 2,2 % au 1er janvier 2025, à hauteur de l’inflation.
Le cumul emploi-retraite sera facilité pour les médecins exerçant en zone sous-dense.
Face au déficit de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), le taux de cotisation des employeurs territoriaux et hospitaliers est relevé de trois points par an jusqu’en 2028.
Le texte intègre, par ailleurs, les mesures votées lors de la réforme des retraites de 2023 (mesures d’accompagnement en matière de départs anticipés et de revalorisations des petites pensions…).
Les modalités de calcul des retraites agricoles sont modifiées, afin que celles‑ci soient calculées à terme sur la base des 25 meilleures années de revenus, conformément à la loi du 13 février 2023 dite « Dive ».
Mesures sur les cotisations sociales
Le projet de loi prévoit une baisse des allégements de cotisations patronales sur les salaires de 1,6 Md€ (contre 4 Md€ initialement prévus par le gouvernement afin de lutter contre le « Smic à vie »). Un comité de suivi placé auprès du Premier ministre sera chargé de l’évaluation de ces allégements et du suivi de la mise en œuvre et de l’évaluation de la réforme.
Sur amendement parlementaire et comme le recommandait la Cour des comptes, la contribution patronale sur les actions gratuites a été ramenée au taux de 30% (contre 20% décidé en 2019).
Des dispositions intéressent en outre le régime des cotisations des contrats d’apprentissage.
Le texte confirme les mesures de soutien au secteur agricole annoncées en février 2024, afin d’alléger les charges sociales qui pèsent sur les jeunes chefs d’exploitation et pour le recrutement de travailleurs saisonniers.
Famille, perte d’autonomie, handicap
L’objectif de dépenses de la branche famille est fixé à près de 60 Md€ en 2025. Ces crédits accompagneront la mise en place du service public de la petite enfance, prévu par la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi. Les communes se voient confier le rôle d’autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant.
À partir de 2025, la branche famille financera également l’entrée en vigueur de la réforme du complément de libre-choix du mode de garde (CMG), instituée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Cette réforme doit permettre aux familles monoparentales de bénéficier de cette aide jusqu’aux 12 ans de l’enfant, contre 6 ans actuellement.
Les règles concernant les prestations familiales applicables à Mayotte ont été adaptées par les sénateurs.
Les dépenses de la branche autonomie (près de 43 Md€) permettront d’accélérer la trajectoire de déploiement des 50 000 solutions pour les personnes en situation de handicap, de renforcer l’offre de répit des proches aidants conformément à la stratégie nationale 2023-2027, de poursuivre le rythme de recrutement de professionnels en Ehpad et de financer les surcoûts de l’expérimentation de la réforme du financement de ces établissements. En accord avec la loi dite « Bien Vieillir » du 8 avril 2024, une aide de 100 millions d’euros permettra aux départements de soutenir la mobilité et le travail partenarial des aides à domicile.
En outre, les départements bénéficieront de 200 millions de concours supplémentaires de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie pour financer l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH).
Enfin, une aide exceptionnelle de 100 millions d’euros viendra soutenir les établissements sociaux et médico-sociaux pour personnes âgées.