Phobie du vote, phobie de la démocratie

Les gesticulations du pouvoir macroniste et de ses alliés pour empêcher le vote d’une proposition de loi de l’Assemblée nationale sur les retraites sont fascinantes et ne me paraissent avoir aucun précédent historique (en tout cas sous les régimes dits républicains). Les dirigeants du pays, après avoir longuement hésité sur la conduite à suivre, se succèdent sur les médias pour assener que la proposition de loi « Liot » de retour au 62 ans (mais préservant les 43 annuités) est inconstitutionnelle au regard de l’article 40 qui interdit les initiatives parlementaires ayant pour effet de diminuer les recettes ou d’augmenter la charge publique.

L’argument est des plus douteux. Les pertes futures attribuées par le pouvoir macronien et ses alliés à cette proposition de loi dite Liot concernent des prévisions de recettes fondées sur des estimations et des projection de long terme et non des ressources acquises pour les finances de l’Etat. En outre, ces anticipations sont controversées selon les économistes (au total entre 10 et 20 milliards voire néant selon certains), elles ne paraissent pas tenir compte du coût du chômage des seniors supplémentaire, ni des dégâts politiques et sociaux engendrés par la réforme macronienne des 64 ans: grèves, mouvements sociaux, arrêts maladie, sentiment de dépossession et de mépris ressenti par le corps social. En tout cas, elles ne sont pas plus fermement assurées que les mesures de compensation que prévoit la proposition de loi Liot (fiscalité sur le tabac).

Cet argument fondé sur l’interdiction faite aux parlementaires d’augmenter la charge publique ruisselle de mauvaise fois au regard des 560 milliards de dette publique supplémentaires (pour atteindre 3000 milliards d€) causés par la seule politique macronienne du quoi qu’il en coûte sur deux années et la poursuite, au quotidien, de la distribution des chèques sans provision milliard après milliards d’€.

En accumulant et banalisant le recours à des procédures d’exception prévues par la Constitution (article 47, 49-3, 40), le pouvoir exécutif a obtenu l’adoption des 64 ans sans véritable débat parlementaire et sans vote de l’Assemblée nationale. Puis avec l’aide du Conseil constitutionnel, il a obtenu le rejet de deux propositions de référendum d’initiative populaire sur ce thème. Et maintenant, la macronie et ses alliées se contorsionnent, de nouveau, pour éviter un débat et un vote de l’Assemblée nationale. Cette accumulation dans le temps des manoeuvres pour empêcher un vote du peuple ou de ses représentants produit un effet déplorable et semble confirmer la phobie du débat, la phobie du vote et la phobie du peuple qui caractérise les dirigeants actuels et leurs alliés.

Ce qui sidère, ce n’est pas le cynisme politicien: nous y sommes tellement habitués. Non, ce qui est stupéfiant, c’est le niveau de bêtise sous-jacent à ces manœuvres. Il suffirait de faire semblant de laisser le jeu démocratique se dérouler normalement. La réforme insipide et injuste des 64 ans finirait sans doute par être définitivement adoptée à l’issue d’un vote. Ou bien dans l’hypothèse improbable d’un rejet par le parlement, le pouvoir macronien et ses alliés seraient débarrassés d’un boulet et de casseroles qui vont les poursuivre jusqu’à 2027. En tout cas, ils pourraient se targuer d’avoir respecté la volonté populaire. Bien au contraire, ils paraissent s’enfermer dans la déconnexion, les calculs biaisés, la phobie du peuple, du vote et de la démocratie. Suicidaire.

MT

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Author: Redaction