Liberté maudite

La mairie de Paris de Mme Hidalgo réclame un confinement total de 3 semaines à Paris. Mme Pécresse s’attend à des contraintes supplémentaires dans la région Ile-de-France. Ces dames de pouvoir réclament plus d’interdictions, plus de contrôles et plus d’amendes. Les promenades sur les quais ou les bords de mer sont partout interdites et réprimées par la force comme le ski est prohibé. Les études sont pour une fois unanimes sur un point: le virus se transmet en espace confiné et non pas au grand vent du large. Mais les images de gens heureux et libres face à l’étendue liquide ou aux grands espaces enneigés dérangent, perturbent, indisposent. L’esprit de repentance et de pénitence n’y trouve pas son compte. Or, il doit s’imposer uniformément partout.  Un mot est désormais banni du vocabulaire politique et médiatique: celui de liberté. On ne l’entend plus nulle part, il est comme éradiqué du vocabulaire courant. « Après avoir terminé la création de l’homme – qui était tout neuf et tout beau – Dieu lui dit : homme, tu seras égal à moi, ton Dieu. Et comme gage de ta ressemblance avec moi, je te donne dès maintenant la prérogative par excellence : la liberté » (Saint Grégoire de Nysse, La création de l’homme, 379).  Que le mot liberté ait été banni de la logorrhée politico-médiatique peut se comprendre. Mais ce qui est le plus extraordinaire, c’est que la liberté a aussi disparu du discours ou de la parole des intellectuels. Même les penseurs vaguement rebelles (du genre Alain Finkielkraut) y ont complètement renoncé. La liberté est d’ailleurs le dernier souci d’un peuple avide de sécurité et d’égalité. Il nous reste la liberté de réapprendre l’un des plus connus, des plus simples mais aussi des plus bouleversants poèmes jamais écrits:                                    

Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom

Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom

Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom

Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom

Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom

Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom

Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté.

Paul Eluard

Poésie et vérité 1942 (recueil clandestin)

 

 

 

Lire la suite sur le blog perso de Maxime Tandonnet ...

Author: Redaction

Liberté maudite

La mairie de Paris de Mme Hidalgo réclame un confinement total de 3 semaines à Paris. Mme Pécresse s’attend à des contraintes supplémentaires dans la région Ile-de-France. Ces dames de pouvoir réclament plus d’interdictions, plus de contrôles et plus d’amendes. Les promenades sur les quais ou les bords de mer sont partout interdites et réprimées par la force comme le ski est prohibé. Les études sont pour une fois unanimes sur un point: le virus se transmet en espace confiné et non pas au grand vent du large. Mais les images de gens heureux et libres face à l’étendue liquide ou aux grands espaces enneigés dérangent, perturbent, indisposent. L’esprit de repentance et de pénitence n’y trouve pas son compte. Or, il doit s’imposer uniformément partout.  Un mot est désormais banni du vocabulaire politique et médiatique: celui de liberté. On ne l’entend plus nulle part, il est comme éradiqué du vocabulaire courant. « Après avoir terminé la création de l’homme – qui était tout neuf et tout beau – Dieu lui dit : homme, tu seras égal à moi, ton Dieu. Et comme gage de ta ressemblance avec moi, je te donne dès maintenant la prérogative par excellence : la liberté » (Saint Grégoire de Nysse, La création de l’homme, 379).  Que le mot liberté ait été banni de la logorrhée politico-médiatique peut se comprendre. Mais ce qui est le plus extraordinaire, c’est que la liberté a aussi disparu du discours ou de la parole des intellectuels. Même les penseurs vaguement rebelles (du genre Alain Finkielkraut) y ont complètement renoncé. La liberté est d’ailleurs le dernier souci d’un peuple avide de sécurité et d’égalité. Il nous reste la liberté de réapprendre l’un des plus connus, des plus simples mais aussi des plus bouleversants poèmes jamais écrits:                                    

Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom

Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom

Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom

Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom

Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom

Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom

Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté.

Paul Eluard

Poésie et vérité 1942 (recueil clandestin)

 

 

 

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Liberté maudite

La mairie de Paris de Mme Hidalgo réclame un confinement total de 3 semaines à Paris. Mme Pécresse s’attend à des contraintes supplémentaires dans la région Ile-de-France. Ces dames de pouvoir réclament plus d’interdictions, plus de contrôles et plus d’amendes. Les promenades sur les quais ou les bords de mer sont partout interdites et réprimées par la force comme le ski est prohibé. Les études sont pour une fois unanimes sur un point: le virus se transmet en espace confiné et non pas au grand vent du large. Mais les images de gens heureux et libres face à l’étendue liquide ou aux grands espaces enneigés dérangent, perturbent, indisposent. L’esprit de repentance et de pénitence n’y trouve pas son compte. Or, il doit s’imposer uniformément partout.  Un mot est désormais banni du vocabulaire politique et médiatique: celui de liberté. On ne l’entend plus nulle part, il est comme éradiqué du vocabulaire courant. « Après avoir terminé la création de l’homme – qui était tout neuf et tout beau – Dieu lui dit : homme, tu seras égal à moi, ton Dieu. Et comme gage de ta ressemblance avec moi, je te donne dès maintenant la prérogative par excellence : la liberté » (Saint Grégoire de Nysse, La création de l’homme, 379).  Que le mot liberté ait été banni de la logorrhée politico-médiatique peut se comprendre. Mais ce qui est le plus extraordinaire, c’est que la liberté a aussi disparu du discours ou de la parole des intellectuels. Même les penseurs vaguement rebelles (du genre Alain Finkielkraut) y ont complètement renoncé. La liberté est d’ailleurs le dernier souci d’un peuple avide de sécurité et d’égalité. Il nous reste la liberté de réapprendre l’un des plus connus, des plus simples mais aussi des plus bouleversants poèmes jamais écrits:                                    

Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom

Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom

Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom

Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom

Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom

Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom

Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté.

Paul Eluard

Poésie et vérité 1942 (recueil clandestin)

 

 

 

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Liberté maudite

La mairie de Paris de Mme Hidalgo réclame un confinement total de 3 semaines à Paris. Mme Pécresse s’attend à des contraintes supplémentaires dans la région Ile-de-France. Ces dames de pouvoir réclament plus d’interdictions, plus de contrôles et plus d’amendes. Les promenades sur les quais ou les bords de mer sont partout interdites et réprimées par la force comme le ski est prohibé. Les études sont pour une fois unanimes sur un point: le virus se transmet en espace confiné et non pas au grand vent du large. Mais les images de gens heureux et libres face à l’étendue liquide ou aux grands espaces enneigés dérangent, perturbent, indisposent. L’esprit de repentance et de pénitence n’y trouve pas son compte. Or, il doit s’imposer uniformément partout.  Un mot est désormais banni du vocabulaire politique et médiatique: celui de liberté. On ne l’entend plus nulle part, il est comme éradiqué du vocabulaire courant. « Après avoir terminé la création de l’homme – qui était tout neuf et tout beau – Dieu lui dit : homme, tu seras égal à moi, ton Dieu. Et comme gage de ta ressemblance avec moi, je te donne dès maintenant la prérogative par excellence : la liberté » (Saint Grégoire de Nysse, La création de l’homme, 379).  Que le mot liberté ait été banni de la logorrhée politico-médiatique peut se comprendre. Mais ce qui est le plus extraordinaire, c’est que la liberté a aussi disparu du discours ou de la parole des intellectuels. Même les penseurs vaguement rebelles (du genre Alain Finkielkraut) y ont complètement renoncé. La liberté est d’ailleurs le dernier souci d’un peuple avide de sécurité et d’égalité. Il nous reste la liberté de réapprendre l’un des plus connus, des plus simples mais aussi des plus bouleversants poèmes jamais écrits:                                    

Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom

Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l’écho de mon enfance
J’écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom

Sur tous mes chiffons d’azur
Sur l’étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J’écris ton nom

Sur les champs sur l’horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom

Sur chaque bouffée d’aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J’écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J’écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom

Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J’écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J’écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attentives
Bien au-dessus du silence
J’écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J’écris ton nom

Sur l’absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J’écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom

Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté.

Paul Eluard

Poésie et vérité 1942 (recueil clandestin)

 

 

 

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