Lecture: Saint Louis, Jean Richard Fayard 1983

Bien entendu, pour une lecture de vacance, dans une petite crique perdue de la Bretagne, le Saint Louis de Jean Richard, paru il y a plus de trois décennies, n’est pas le dernier best seller. Et pourtant, il se trouve d’authentiques trésors dans les bibliothèques familiales que l’on découvre avec ravissement… Impossible de présenter un résumé chronologique de cet ouvrage, mais à sa lecture, quelques observations me sont venues à l’esprit. Saint Louis (1214-1270) est le souverain d’une nation dont la suprématie sur l’Europe et probablement sur le monde est incontestable. Il est « le roi du plus puissant royaume d’Occident ». L’Angleterre de Henri III est alors affaiblie, ayant perdu la plupart  de ses possession en France sous Philippe Auguste et prend garde de ne pas s’attaquer au royaume de France. L’Empire allemand de Frédéric II est déchiré et en guerre larvée avec la papauté. Plusieurs points m’ont fasciné dans le règne de Louis IX étrangement moderne dans ses méthodes de gouvernement:

  • La puissance du plus grand souverain de l’Occident, ou de la Chrétienté, n’a d’égale que son humilité et sa modestie. Il trace une frontière absolue entre sa mission de roi de France, dont il sublime la grandeur, le prestige, et sa propre personne, toute en humilité et en modestie, soumission à Dieu (après sa première croisade en Egypte, il renonce à tout vêtement luxueux). Belle leçon envers nos roitelets contemporains, ivres de leur ego, comme si la vanité était inversement proportionnelle au prestige et à l’intelligence politique réelle.
  • L’obsession de la morale publique et de la vertu des détenteurs de la puissance publique: Louis IX généralise les Enquêtes dans son Royaume et livre une chasse impitoyable à toute forme d’injustice, toute exaction des fonctionnaires royaux, toute forme de corruption ou de détournement de pouvoir. Les coupables sont systématiquement sanctionnés et les victimes dédommagés. La justice est le principe fondamental de son gouvernement. Il n’hésite pas à partir en guerre, avec l’armée royale, contre un « grand » auteur d’un crime contre la loi du royaume ou d’un abus contre les populations. Lui-même est capable de se remettre en cause. Il admet la critique sur son comportement et ses propres fautes notamment de ses proches amis, dont Joinville, le témoin de son règne.
  • Le mode de gouvernement de Saint Louis n’est en rien celui d’un autocrate mégalomane. La modestie et l’humilité, du plus grand souverain de l’Occident, ne sont pas que de façade. Etrange contraste entre la puissance et la simplicité et l’humilité. Il ne décide jamais rien tout seul. Tous ses choix sont effectués dans le cadre de son conseil. Suivant les principes de la chevalerie, Louis IX est entouré de barons, dont le nombre et la personnalité diffèrent selon les périodes. Il leur expose les enjeux d’un problèmes, par exemple le lancement d’une « croisade ». Il écoute leurs conseils, renonce dès lors qu’une majorité est en désaccord et fonde ses choix sur l’avis de ses barons, le consensus qui se dégage de leur débat. Le sommet de l’intelligence politique: savoir s’entourer et savoir écouter.
  • Bien sûr, il y a l’image d’Epinal du règne de Louis IX qui en fait un souverain contesté aujourd’hui: les croisades, l’obsession de convertir au christianisme les Musulmans et les Juifs, la chasse aux Lombards, accusés d’usure, les supplices (atroces) infligés aux auteurs de blasphèmes ou de jurons… Mais cette image relève largement de l’anachronisme: comment juger du point de vue contemporain un souverain du XIIIe siècle, dans une société dont la vie quotidienne, politique, spirituelle, est entièrement confondue avec la foi chrétienne comme impératif absolu? Les persécutions que nous ressentons, à l’aune de nos valeurs contemporaines, comme insupportables, s’expliquent (et non pas s’excusent) par des considérations religieuses, en un temps où la religion est tout, et en aucun cas par des motifs raciaux ou ethniques. J’essaye à cette lecture de faire abstraction de cette différence fondamentale d’époque et de valeurs dominantes pour réfléchir à ce qu’il y a de moderne, d’éternel dans le règne de Louis IX,  les leçons à en retenir sur le plan du gouvernement des hommes.

Maxime TANDONNET

NB: Je confirme aux habitués de ce blog et à ses visiteurs mes difficultés présentes avec Internet et leurs demande de bien vouloir m’excuser pour les retards ou les échecs dans le maniement des commentaires.


Lire la suite sur le blog perso de Maxime Tandonnet ...

Author: Redaction