Leçons sur le retrait de M. Baroin (pour Figaro Vox)

Le renoncement de M. François Baroin à se présenter aux élections présidentielles de 2022 est vécu par les sympathisants de la « droite » comme la perte d’une chance de reconquête du pouvoir.  Les arguments qui ont été mis en avant par l’intéressé en disent long sur l’image de la politique qui prévaut dans le pays. « Je n’en ai pas envie», aurait-il déclaré sur France info. Ce propos fait écho à de nombreuses déclarations qui tendent à présenter la candidature à l’Elysée comme avant tout une affaire de désir personnel : « Il faut en avoir envie » ou bien « être celui qui en veut le plus ».

Depuis l’adoption du quinquennat en 2000, l’élection présidentielle est l’unique pivot de la politique nationale. Elle absorbe les législatives qui ont systématiquement lieu juste après, et ne font que confirmer son résultat. L’émotion collective – aisément manipulable – autour d’un personnage, s’impose comme la clé de l’avenir collectif au détriment du débat d’idées ou choix de société.  Ainsi, dans une logique de narcissisme exacerbé, le destin de la France se confondrait désormais intégralement avec les soubresauts de caprices individuels.  La fonction présidentielle serait avant tout tournée vers les satisfactions personnelles de l’occupant de l’Elysée – la réalisation de ses « envies » – au détriment de bien commun ou de l’intérêt général. Cette obsession de « l’envie » et du « désir » comme moteur de l’ambition élyséenne signe le naufrage de la politique française dans le nihilisme.

Le retrait de M. Baroin n’a d’ailleurs rien d’anecdotique. Au-delà de « l’absence d’envie », il marque la violente dégradation de la fonction présidentielle. La conscience politique française est restée sur la croyance mensongère en un chef de l’Etat tout puissant, celui de la Ve République à ses débuts. Mais par un formidable paradoxe, celui qui est présenté comme l’incarnation de l’autorité est confronté à la réduction de ses marges de manœuvre par les transferts de compétence à Bruxelles, l’emprise des contrôles juridictionnels, l’état explosif de la société française, sa déliquescence dans la violence et le chaos, l’ampleur de la dette et des déficits publics. Pour donner le sentiment de réaliser leurs promesses de « nouveau monde » ou de « transformation », il ne reste aux présidents que l’emphase, la logorrhée et la gesticulation quotidienne, sous une forme ou sous une autre. Mais dès lors que le peuple est infiniment plus lucide que ne l’imaginent les dirigeants politiques, leur sort est de sombrer dans l’impopularité sinon le mépris. Que M. Baroin ne se sente pas la vocation d’un illusionniste, ni celle d’un bouc émissaire national, est tout à son honneur.

Quel peut être le sens d’une candidature à l’Elysée aujourd’hui ? Est-il possible de conjurer la malédiction de l’Elysée ? Les chefs de la droite, n’ont-ils pas intérêt à laisser l’actuel occupant du « Palais », dans un contexte aussi chaotique et calamiteux, assumer son bilan et poursuivre une descente aux enfers de cinq années supplémentaires ? Depuis trois ans et demi, les sondages prédisent en 2022, un renouvellement du duel du second tour de 2017 le Pen/Macron débouchant sur la réélection du second. Huit Français sur dix affirment qu’ils ne veulent pas de ce duel (Marianne 10 février 2020). Pourquoi, face à un pays devenu ingouvernable, ne pas accepter la fatalité sondagière ?

De fait, la perspective d’un retour de la droite au pouvoir n’a rien d’hypothétique : les prédictions des sondages, 18 mois à l’avance, ne se réalisent jamais ; la désintégration de LREM, l’impopularité présidentielle (29% de confiance selon le baromètre Figaro magazine), la suprématie de LR et ses alliés aux élections partielles, laissent une marge d’espérance à ce sujet. Mais pour quoi faire ?

La politique française a besoin d’accomplir sa révolution culturelle. Si la droite a un rôle à jouer lors des prochaines échéances électorales, il est de rendre un sens au mot politique. Sa mission pourrait être de tenter d’arracher la politique française à son naufrage dans le nihilisme narcissique. Les leaders de droite sont les premiers à le dire : il faut « incarner ». Peut-être, mais incarner quoi ? le spectacle vaniteux, la mise en scène quotidienne, le néant narcissique ?

La priorité est de réconcilier les Français avec la politique et la démocratie. Cette mission consiste à leur faire passer un message selon lequel les dirigeants politiques ne se prennent pas pour des demi-dieux mais ne sont rien d’autre que les serviteurs de la Nation. Elle consiste à essayer de les convaincre que le gouvernement d’un pays peut être autre chose que l’obsession de la réélection ou de « la trace dans l’histoire ».  Plutôt que des promesses mirifiques, elle passe par un discours de vérité sur ce qui est possible et ne l’est pas et d’engagement collectif sur les grands enjeux de l’époque : dette publique, chômage des jeunes, maîtrise des migrations, lutte contre la violence et le communautarisme. La priorité est de prouver que la droite est capable de définir collectivement une ligne d’action au service de la France pour tenter restaurer la confiance, sachant que la question du « candidat » ne pourra qu’en découler.

Lire la suite sur le blog perso de Maxime Tandonnet ...

Author: Redaction