Le grand paradoxe (pour Atlantico)

Alors qu’Emmanuel Macron subit une vraie crise de popularité dans les sondages et que les déboires politiques s’accumulent, le peu de succès de la manifestation du 9 octobre traduit un constat : les Français peinent à se mobiliser alors que des mouvements sociaux d’ampleur avaient pu avoir lieu lors du quinquennat précédent dans des circonstances analogues. Comment expliquer ce paradoxe d’une France qui rejette la politique menée sans que cela ne se traduise par une progression des mobilisations, et, ce dans un contexte latent d’accumulation de faits divers reportant des actes de violence gratuite ? 

Le climat général ne semble pas se prêter à une mobilisation dans la rue et des mouvements de masse pour faire plier le pouvoir politique. La crise de défiance ne touche pas uniquement le Gouvernement comme le montre le sondage CEVIPOF sur la confiance des Français réactualisé chaque année. Le discrédit touche aussi lourdement les syndicats: ils sont la troisième institution en laquelle les Français ont le moins confiance: 27%, à égalité avec les banques, devant les médias (24%) et les partis politiques, « lanterne rouge » avec 9% des personnes interrogées qui leur font confiance. A l’inverse, les Français font confiance à l’armée (76%) et aux petites et moyennes entreprises (76%). Tout ceci n’est pas le signe d’une envie de révolution… Les Français ne sont pas prêts à s’en remettre à des formes de mobilisation qui seraient susceptibles de les pousser à manifester. Tout se passe comme si la société française était gagnée par la tentation du repli individualiste. Ce que vous appelez « l’impopularité » du président Macron est une forme de déception et d’indifférence, pas forcément un désir de chamboulement politique, de chaos et d’aventure! Le pays compte 8,8 millions de personnes vivent avec moins de 1024 euros par mois, ce qui est considéré comme le seuil de pauvreté et 6 millions de personnes privées d’emploi, selon un décompte large. Les mécontentements se multiplient à l’exemple des retraités. Pourtant, la colère reste individuelle, atomisée. Chacun tente de s’en sortir par ses moyens individuels. Une sorte de fatalisme pèse sur la France.

Les Français font-ils preuve d’inertie, de résignation, ou peut-on se préparer à une contestation de nature plus radicale ? Quels sont les risques de voir la résignation dériver en un mouvement de nature violente ? 

Rien n’est plus calme qu’un baril de poudre une demi seconde avant l’étincelle… Il est impossible de présumer du prolongement indéfini de ce climat de résignation. Les grands mouvements sociaux surgissent souvent aux moment où nul ne les attend. Quelques mois avant mai 1968, un journaliste du monde, Pierre Viansson-Ponté proclamait dans un éditorial célèbre: « la France s’ennuie ». Une révolution est partie de cette lassitude et de cette apathie apparente. De même, quelques mois avant le mouvement social de fin 1995 qui a paralysé le pays pendant trois semaines, un climat apaisé prévalait sur la politique de réformes conduite par Alain Juppé Premier ministre. Pour déclencher un mouvement social, il faut un élément catalyseur, un projet de réforme emblématique qui cristallise le mécontentement et les inquiétudes en vertu d’une alchimie complexe… Ensuite, tout peut aller très vite, au moment où nul ne l’attend, partie de presque rien, la colère fait boule de neige et le pays, en quelques jours, peut sombrer dans le chaos et la violence.

De la contestation syndicale à une révolte des banlieues, quels seraient les « foyers » de tels mouvements à surveiller ?

La perte d’influence des syndicats n’est en aucune façon un gage de paix sociale. Les mouvements les plus durs et les plus déterminés proviennent souvent de la base. Dès lors, l’absence d’interlocuteurs institutionnels avec lesquels négocier une sortie de crise ne fait qu’amplifier les difficultés. Une révolte des banlieues à l’image des événements d’octobre et novembre 2005 est toujours possible mais par nature imprévisible. Un blocage du pays par des groupes de salariés tenant des positions stratégiques (routiers, sncf, ratp) se produira inévitablement si ces derniers se sentent lésés dans leurs intérêts personnels, ce que tous les gouvernements depuis 2012 sont parvenus à éviter. La crainte de tous les dirigeants politiques est la révolte des jeunes. Les familles ou les retraités dans la rue, cela ne comporte pas de risque majeur. Mais il y a, pour tous les pouvoirs politiques, une véritable appréhension à voir les lycéens ou les étudiants dans la rue, avec le risque d’un drame qui serait fatal à n’importe quel gouvernement. Toute politique, toute réforme touchant aux jeunes peut être source d’un embrasement rapide. Qu’en sera-t-il des réformes de l’Education nationale, ou de la création du service national universel obligatoire? Pour l’instant, ces projets semblent plutôt acceptés mais les choses peuvent dégénérer rapidement.

Cette situation est-elle plus le fait d’une mauvaise structuration de ces oppositions, incapables de canaliser cette colère ou ce rejet, ces ou faut-il y voir une forme de lassitude de la population ?

La configuration politique du pays semble ne pas se prêter à un mouvement social massif. Le paysage politique est totalement éclaté: un pouvoir de connotation centriste, aux contours idéologiques indéfinis, une gauche morcelée en cinq ou six tendances, une droite tout aussi atomisée. Dans ce contexte fragmenté, une mobilisation sociale ne saurait venir des états-majors politique. Mais cette situation atomisée est aussi porteuse de graves périls. Un pouvoir ultra-personnalisé autour de l’image du chef de l’Etat, est par là-même particulièrement fragile. Une situation où l’autorité politique est contestée, privée de légitimité, ou le pouvoir est ressenti comme éloigné du peuple et donnant des signes de faiblesse ou d’indécision, favorise la tentation de la désobéissance et du chaos, peut se prêter à tous les débordements venus des profondeurs de la société. Et encore une fois, les choses se produisent toujours au moment où nul ne les attend.

Lire la suite sur le blog perso de Maxime Tandonnet ...

Author: Redaction

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Alors qu’Emmanuel Macron subit une vraie crise de popularité dans les sondages et que les déboires politiques s’accumulent, le peu de succès de la manifestation du 9 octobre traduit un constat : les Français peinent à se mobiliser alors que des mouvements sociaux d’ampleur avaient pu avoir lieu lors du quinquennat précédent dans des circonstances analogues. Comment expliquer ce paradoxe d’une France qui rejette la politique menée sans que cela ne se traduise par une progression des mobilisations, et, ce dans un contexte latent d’accumulation de faits divers reportant des actes de violence gratuite ? 

Le climat général ne semble pas se prêter à une mobilisation dans la rue et des mouvements de masse pour faire plier le pouvoir politique. La crise de défiance ne touche pas uniquement le Gouvernement comme le montre le sondage CEVIPOF sur la confiance des Français réactualisé chaque année. Le discrédit touche aussi lourdement les syndicats: ils sont la troisième institution en laquelle les Français ont le moins confiance: 27%, à égalité avec les banques, devant les médias (24%) et les partis politiques, « lanterne rouge » avec 9% des personnes interrogées qui leur font confiance. A l’inverse, les Français font confiance à l’armée (76%) et aux petites et moyennes entreprises (76%). Tout ceci n’est pas le signe d’une envie de révolution… Les Français ne sont pas prêts à s’en remettre à des formes de mobilisation qui seraient susceptibles de les pousser à manifester. Tout se passe comme si la société française était gagnée par la tentation du repli individualiste. Ce que vous appelez « l’impopularité » du président Macron est une forme de déception et d’indifférence, pas forcément un désir de chamboulement politique, de chaos et d’aventure! Le pays compte 8,8 millions de personnes vivent avec moins de 1024 euros par mois, ce qui est considéré comme le seuil de pauvreté et 6 millions de personnes privées d’emploi, selon un décompte large. Les mécontentements se multiplient à l’exemple des retraités. Pourtant, la colère reste individuelle, atomisée. Chacun tente de s’en sortir par ses moyens individuels. Une sorte de fatalisme pèse sur la France.

Les Français font-ils preuve d’inertie, de résignation, ou peut-on se préparer à une contestation de nature plus radicale ? Quels sont les risques de voir la résignation dériver en un mouvement de nature violente ? 

Rien n’est plus calme qu’un baril de poudre une demi seconde avant l’étincelle… Il est impossible de présumer du prolongement indéfini de ce climat de résignation. Les grands mouvements sociaux surgissent souvent aux moment où nul ne les attend. Quelques mois avant mai 1968, un journaliste du monde, Pierre Viansson-Ponté proclamait dans un éditorial célèbre: « la France s’ennuie ». Une révolution est partie de cette lassitude et de cette apathie apparente. De même, quelques mois avant le mouvement social de fin 1995 qui a paralysé le pays pendant trois semaines, un climat apaisé prévalait sur la politique de réformes conduite par Alain Juppé Premier ministre. Pour déclencher un mouvement social, il faut un élément catalyseur, un projet de réforme emblématique qui cristallise le mécontentement et les inquiétudes en vertu d’une alchimie complexe… Ensuite, tout peut aller très vite, au moment où nul ne l’attend, partie de presque rien, la colère fait boule de neige et le pays, en quelques jours, peut sombrer dans le chaos et la violence.

De la contestation syndicale à une révolte des banlieues, quels seraient les « foyers » de tels mouvements à surveiller ?

La perte d’influence des syndicats n’est en aucune façon un gage de paix sociale. Les mouvements les plus durs et les plus déterminés proviennent souvent de la base. Dès lors, l’absence d’interlocuteurs institutionnels avec lesquels négocier une sortie de crise ne fait qu’amplifier les difficultés. Une révolte des banlieues à l’image des événements d’octobre et novembre 2005 est toujours possible mais par nature imprévisible. Un blocage du pays par des groupes de salariés tenant des positions stratégiques (routiers, sncf, ratp) se produira inévitablement si ces derniers se sentent lésés dans leurs intérêts personnels, ce que tous les gouvernements depuis 2012 sont parvenus à éviter. La crainte de tous les dirigeants politiques est la révolte des jeunes. Les familles ou les retraités dans la rue, cela ne comporte pas de risque majeur. Mais il y a, pour tous les pouvoirs politiques, une véritable appréhension à voir les lycéens ou les étudiants dans la rue, avec le risque d’un drame qui serait fatal à n’importe quel gouvernement. Toute politique, toute réforme touchant aux jeunes peut être source d’un embrasement rapide. Qu’en sera-t-il des réformes de l’Education nationale, ou de la création du service national universel obligatoire? Pour l’instant, ces projets semblent plutôt acceptés mais les choses peuvent dégénérer rapidement.

Cette situation est-elle plus le fait d’une mauvaise structuration de ces oppositions, incapables de canaliser cette colère ou ce rejet, ces ou faut-il y voir une forme de lassitude de la population ?

La configuration politique du pays semble ne pas se prêter à un mouvement social massif. Le paysage politique est totalement éclaté: un pouvoir de connotation centriste, aux contours idéologiques indéfinis, une gauche morcelée en cinq ou six tendances, une droite tout aussi atomisée. Dans ce contexte fragmenté, une mobilisation sociale ne saurait venir des états-majors politique. Mais cette situation atomisée est aussi porteuse de graves périls. Un pouvoir ultra-personnalisé autour de l’image du chef de l’Etat, est par là-même particulièrement fragile. Une situation où l’autorité politique est contestée, privée de légitimité, ou le pouvoir est ressenti comme éloigné du peuple et donnant des signes de faiblesse ou d’indécision, favorise la tentation de la désobéissance et du chaos, peut se prêter à tous les débordements venus des profondeurs de la société. Et encore une fois, les choses se produisent toujours au moment où nul ne les attend.

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Alors qu’Emmanuel Macron subit une vraie crise de popularité dans les sondages et que les déboires politiques s’accumulent, le peu de succès de la manifestation du 9 octobre traduit un constat : les Français peinent à se mobiliser alors que des mouvements sociaux d’ampleur avaient pu avoir lieu lors du quinquennat précédent dans des circonstances analogues. Comment expliquer ce paradoxe d’une France qui rejette la politique menée sans que cela ne se traduise par une progression des mobilisations, et, ce dans un contexte latent d’accumulation de faits divers reportant des actes de violence gratuite ? 

Le climat général ne semble pas se prêter à une mobilisation dans la rue et des mouvements de masse pour faire plier le pouvoir politique. La crise de défiance ne touche pas uniquement le Gouvernement comme le montre le sondage CEVIPOF sur la confiance des Français réactualisé chaque année. Le discrédit touche aussi lourdement les syndicats: ils sont la troisième institution en laquelle les Français ont le moins confiance: 27%, à égalité avec les banques, devant les médias (24%) et les partis politiques, « lanterne rouge » avec 9% des personnes interrogées qui leur font confiance. A l’inverse, les Français font confiance à l’armée (76%) et aux petites et moyennes entreprises (76%). Tout ceci n’est pas le signe d’une envie de révolution… Les Français ne sont pas prêts à s’en remettre à des formes de mobilisation qui seraient susceptibles de les pousser à manifester. Tout se passe comme si la société française était gagnée par la tentation du repli individualiste. Ce que vous appelez « l’impopularité » du président Macron est une forme de déception et d’indifférence, pas forcément un désir de chamboulement politique, de chaos et d’aventure! Le pays compte 8,8 millions de personnes vivent avec moins de 1024 euros par mois, ce qui est considéré comme le seuil de pauvreté et 6 millions de personnes privées d’emploi, selon un décompte large. Les mécontentements se multiplient à l’exemple des retraités. Pourtant, la colère reste individuelle, atomisée. Chacun tente de s’en sortir par ses moyens individuels. Une sorte de fatalisme pèse sur la France.

Les Français font-ils preuve d’inertie, de résignation, ou peut-on se préparer à une contestation de nature plus radicale ? Quels sont les risques de voir la résignation dériver en un mouvement de nature violente ? 

Rien n’est plus calme qu’un baril de poudre une demi seconde avant l’étincelle… Il est impossible de présumer du prolongement indéfini de ce climat de résignation. Les grands mouvements sociaux surgissent souvent aux moment où nul ne les attend. Quelques mois avant mai 1968, un journaliste du monde, Pierre Viansson-Ponté proclamait dans un éditorial célèbre: « la France s’ennuie ». Une révolution est partie de cette lassitude et de cette apathie apparente. De même, quelques mois avant le mouvement social de fin 1995 qui a paralysé le pays pendant trois semaines, un climat apaisé prévalait sur la politique de réformes conduite par Alain Juppé Premier ministre. Pour déclencher un mouvement social, il faut un élément catalyseur, un projet de réforme emblématique qui cristallise le mécontentement et les inquiétudes en vertu d’une alchimie complexe… Ensuite, tout peut aller très vite, au moment où nul ne l’attend, partie de presque rien, la colère fait boule de neige et le pays, en quelques jours, peut sombrer dans le chaos et la violence.

De la contestation syndicale à une révolte des banlieues, quels seraient les « foyers » de tels mouvements à surveiller ?

La perte d’influence des syndicats n’est en aucune façon un gage de paix sociale. Les mouvements les plus durs et les plus déterminés proviennent souvent de la base. Dès lors, l’absence d’interlocuteurs institutionnels avec lesquels négocier une sortie de crise ne fait qu’amplifier les difficultés. Une révolte des banlieues à l’image des événements d’octobre et novembre 2005 est toujours possible mais par nature imprévisible. Un blocage du pays par des groupes de salariés tenant des positions stratégiques (routiers, sncf, ratp) se produira inévitablement si ces derniers se sentent lésés dans leurs intérêts personnels, ce que tous les gouvernements depuis 2012 sont parvenus à éviter. La crainte de tous les dirigeants politiques est la révolte des jeunes. Les familles ou les retraités dans la rue, cela ne comporte pas de risque majeur. Mais il y a, pour tous les pouvoirs politiques, une véritable appréhension à voir les lycéens ou les étudiants dans la rue, avec le risque d’un drame qui serait fatal à n’importe quel gouvernement. Toute politique, toute réforme touchant aux jeunes peut être source d’un embrasement rapide. Qu’en sera-t-il des réformes de l’Education nationale, ou de la création du service national universel obligatoire? Pour l’instant, ces projets semblent plutôt acceptés mais les choses peuvent dégénérer rapidement.

Cette situation est-elle plus le fait d’une mauvaise structuration de ces oppositions, incapables de canaliser cette colère ou ce rejet, ces ou faut-il y voir une forme de lassitude de la population ?

La configuration politique du pays semble ne pas se prêter à un mouvement social massif. Le paysage politique est totalement éclaté: un pouvoir de connotation centriste, aux contours idéologiques indéfinis, une gauche morcelée en cinq ou six tendances, une droite tout aussi atomisée. Dans ce contexte fragmenté, une mobilisation sociale ne saurait venir des états-majors politique. Mais cette situation atomisée est aussi porteuse de graves périls. Un pouvoir ultra-personnalisé autour de l’image du chef de l’Etat, est par là-même particulièrement fragile. Une situation où l’autorité politique est contestée, privée de légitimité, ou le pouvoir est ressenti comme éloigné du peuple et donnant des signes de faiblesse ou d’indécision, favorise la tentation de la désobéissance et du chaos, peut se prêter à tous les débordements venus des profondeurs de la société. Et encore une fois, les choses se produisent toujours au moment où nul ne les attend.

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Alors qu’Emmanuel Macron subit une vraie crise de popularité dans les sondages et que les déboires politiques s’accumulent, le peu de succès de la manifestation du 9 octobre traduit un constat : les Français peinent à se mobiliser alors que des mouvements sociaux d’ampleur avaient pu avoir lieu lors du quinquennat précédent dans des circonstances analogues. Comment expliquer ce paradoxe d’une France qui rejette la politique menée sans que cela ne se traduise par une progression des mobilisations, et, ce dans un contexte latent d’accumulation de faits divers reportant des actes de violence gratuite ? 

Le climat général ne semble pas se prêter à une mobilisation dans la rue et des mouvements de masse pour faire plier le pouvoir politique. La crise de défiance ne touche pas uniquement le Gouvernement comme le montre le sondage CEVIPOF sur la confiance des Français réactualisé chaque année. Le discrédit touche aussi lourdement les syndicats: ils sont la troisième institution en laquelle les Français ont le moins confiance: 27%, à égalité avec les banques, devant les médias (24%) et les partis politiques, « lanterne rouge » avec 9% des personnes interrogées qui leur font confiance. A l’inverse, les Français font confiance à l’armée (76%) et aux petites et moyennes entreprises (76%). Tout ceci n’est pas le signe d’une envie de révolution… Les Français ne sont pas prêts à s’en remettre à des formes de mobilisation qui seraient susceptibles de les pousser à manifester. Tout se passe comme si la société française était gagnée par la tentation du repli individualiste. Ce que vous appelez « l’impopularité » du président Macron est une forme de déception et d’indifférence, pas forcément un désir de chamboulement politique, de chaos et d’aventure! Le pays compte 8,8 millions de personnes vivent avec moins de 1024 euros par mois, ce qui est considéré comme le seuil de pauvreté et 6 millions de personnes privées d’emploi, selon un décompte large. Les mécontentements se multiplient à l’exemple des retraités. Pourtant, la colère reste individuelle, atomisée. Chacun tente de s’en sortir par ses moyens individuels. Une sorte de fatalisme pèse sur la France.

Les Français font-ils preuve d’inertie, de résignation, ou peut-on se préparer à une contestation de nature plus radicale ? Quels sont les risques de voir la résignation dériver en un mouvement de nature violente ? 

Rien n’est plus calme qu’un baril de poudre une demi seconde avant l’étincelle… Il est impossible de présumer du prolongement indéfini de ce climat de résignation. Les grands mouvements sociaux surgissent souvent aux moment où nul ne les attend. Quelques mois avant mai 1968, un journaliste du monde, Pierre Viansson-Ponté proclamait dans un éditorial célèbre: « la France s’ennuie ». Une révolution est partie de cette lassitude et de cette apathie apparente. De même, quelques mois avant le mouvement social de fin 1995 qui a paralysé le pays pendant trois semaines, un climat apaisé prévalait sur la politique de réformes conduite par Alain Juppé Premier ministre. Pour déclencher un mouvement social, il faut un élément catalyseur, un projet de réforme emblématique qui cristallise le mécontentement et les inquiétudes en vertu d’une alchimie complexe… Ensuite, tout peut aller très vite, au moment où nul ne l’attend, partie de presque rien, la colère fait boule de neige et le pays, en quelques jours, peut sombrer dans le chaos et la violence.

De la contestation syndicale à une révolte des banlieues, quels seraient les « foyers » de tels mouvements à surveiller ?

La perte d’influence des syndicats n’est en aucune façon un gage de paix sociale. Les mouvements les plus durs et les plus déterminés proviennent souvent de la base. Dès lors, l’absence d’interlocuteurs institutionnels avec lesquels négocier une sortie de crise ne fait qu’amplifier les difficultés. Une révolte des banlieues à l’image des événements d’octobre et novembre 2005 est toujours possible mais par nature imprévisible. Un blocage du pays par des groupes de salariés tenant des positions stratégiques (routiers, sncf, ratp) se produira inévitablement si ces derniers se sentent lésés dans leurs intérêts personnels, ce que tous les gouvernements depuis 2012 sont parvenus à éviter. La crainte de tous les dirigeants politiques est la révolte des jeunes. Les familles ou les retraités dans la rue, cela ne comporte pas de risque majeur. Mais il y a, pour tous les pouvoirs politiques, une véritable appréhension à voir les lycéens ou les étudiants dans la rue, avec le risque d’un drame qui serait fatal à n’importe quel gouvernement. Toute politique, toute réforme touchant aux jeunes peut être source d’un embrasement rapide. Qu’en sera-t-il des réformes de l’Education nationale, ou de la création du service national universel obligatoire? Pour l’instant, ces projets semblent plutôt acceptés mais les choses peuvent dégénérer rapidement.

Cette situation est-elle plus le fait d’une mauvaise structuration de ces oppositions, incapables de canaliser cette colère ou ce rejet, ces ou faut-il y voir une forme de lassitude de la population ?

La configuration politique du pays semble ne pas se prêter à un mouvement social massif. Le paysage politique est totalement éclaté: un pouvoir de connotation centriste, aux contours idéologiques indéfinis, une gauche morcelée en cinq ou six tendances, une droite tout aussi atomisée. Dans ce contexte fragmenté, une mobilisation sociale ne saurait venir des états-majors politique. Mais cette situation atomisée est aussi porteuse de graves périls. Un pouvoir ultra-personnalisé autour de l’image du chef de l’Etat, est par là-même particulièrement fragile. Une situation où l’autorité politique est contestée, privée de légitimité, ou le pouvoir est ressenti comme éloigné du peuple et donnant des signes de faiblesse ou d’indécision, favorise la tentation de la désobéissance et du chaos, peut se prêter à tous les débordements venus des profondeurs de la société. Et encore une fois, les choses se produisent toujours au moment où nul ne les attend.

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