Interview de Marisol TOURAINE au Parisien : « 6 Mds€ du budget de la Sécurité sociale dédiés à l’innovation médicale »

Marisol TOURAINE a répondu aux questions de Sandrine BAJOS et Hélène HAUS, journaliste au Parisien Economie, pour une interview publiée dans le Parisien Economie du 21 mars, consacrée à l’innovation médicale.

Vous pouvez lire l’interview ci-dessous ou sur le site du Parisien en cliquant ici.

***********

Ministre de François Hollande depuis 2012, Marisol Touraine a porté la loi de modernisation du système de santé. Elle détaille les actions mises en place par son équipe pour accompagner les acteurs de l’innovation médicale. La ministre des Affaires sociales et de la Santé est l’invitée de la semaine du Parisien Économie.

En matière d’innovation dans la santé, quelle place la France occupe-t-elle sur la scène internationale ?

Notre pays est à la pointe de l’innovation technologique et de la santé connectée.

Il est reconnu mondialement pour cela. Aujourd’hui, quand on parle de « santé », on pense « Sécurité sociale », « hôpital », « remboursement », etc. Alors que la santé, c’est aussi la recherche et l’innovation. Nous avons passé le cap des 100 premières mondiales dans nos CHU : certaines ont été très médiatisées, comme celle de Carmat, l’inventeur du cœur artificiel.

Et nos start-up ?

Elles sont parmi les plus innovantes et les plus performantes au monde. La santé est d’ailleurs le quatrième secteur dans lequel elles investissent le plus. Et les fonds levés ont doublé entre 2014 et 2015. C’est cette dynamique que je veux porter encore plus loin en aidant ces jeunes pousses réglementairement, administrativement, mais aussi financièrement.

Concrètement, qu’avez-vous mis en place ?

Avant, il n’y avait pas de « Monsieur ou Madame Innovation » au ministère de la Santé, c’est assez incroyable ! J’ai donc nommé le professeur de médecine Jean-Yves Fagon Délégué ministériel à l’innovation. Son rôle est d’assurer l’interface entre mes équipes et les acteurs qui veulent innover dans ce secteur.

J’ai aussi voulu mettre notre savoir-faire à l’honneur, en organisant en janvier dernier les premières Journées nationales de l’innovation en santé, à la Cité des sciences et de l’industrie. Ce fut un incroyable succès, pour le grand public d’abord, qui s’est déplacé massivement afin de découvrir nos nouveautés, mais aussi pour les entreprises, qui ont pu gagner en visibilité. C’est un vrai signal à l’international que nous avons lancé !

La réglementation est lourde. Comment faire pour accélérer la commercialisation des innovations ?

Nous avons créé un « forfait innovation », qui permet de réduire la durée des procédures pour rendre une innovation accessible aux patients et garantir son remboursement par la Sécurité sociale, sans transiger, bien sûr, sur leur sécurité qui reste notre priorité. Ce forfait a déjà été accordé à deux entreprises (pour une prothèse de la rétine et un traitement du cancer de la prostate) et nous attendons prochainement une dizaine de nouveaux dossiers. Mais il ne faut pas oublier non plus que la réglementation, comme le fameux marquage CE, s’élabore aussi au niveau européen. Toutes les décisions ne dépendent pas du gouvernement français…

Comment aider financièrement ces entreprises pour qu’elles ne soient pas rachetées par des groupes étrangers et restent françaises ?

C’est le nerf de la guerre ! Cette année, 6 Mds€ du budget de la Sécurité sociale sont déjà dédiés à l’innovation. J’ai voulu aller plus loin pour les start-up en créant avec Louis Schweitzer, le Commissaire général à l’investissement, un fonds d’accélération doté de 340 M€. L’idée est que l’État prenne des parts dans le capital de ces entreprises pour leur permettre d’accélérer leur développement et de rester par la suite en France.

Quelles conséquences faut-il attendre de la révolution numérique sur le secteur de la santé ?

Après la révolution robotique, la santé est entrée dans l’ère numérique. Avec ses montres, ses applications, la santé connectée va changer la vie des gens. Et pas seulement dans le secteur du bien-être ! De plus en plus d’innovations améliorent aussi la prévention, voire même le suivi médical. Autre révolution, l’imagerie médicale qui, elle aussi, ne cesse d’innover. Elle permet de diagnostiquer plus tôt des maladies, d’opérer la face cachée d’une tumeur, car on peut désormais voir ce qu’on ne voyait pas il y a quelques années. Le champ des possibles est incroyable.

Et humainement ?

Le rapport à la santé, les relations entre professionnels, celles entre les malades et leurs médecins… Tout est en train de changer. Pour la première fois, la chaîne entière est touchée. Car, derrière une innovation — je pense, par exemple, au pilulier connecté, qui aide les personnes âgées à prendre correctement leurs médicaments —, il y a souvent tout un réseau, des gens au bout de la connexion : le médecin, la famille, le pharmacien… L’innovation en santé nécessite aussi de l’innovation en termes d’organisation. Des professions habituées à travailler seules vont désormais devoir travailler ensemble. Cette révolution de l’organisation est essentielle et fait aussi l’objet de financement.

Innovation : ses trois coups de cœur

Pixium vision redonne la vue. « Lorsqu’on pense aux innovations médicales, on songe souvent aux gadgets. Mais il y a des inventions qui changent réellement la vie des gens. Celle de Pixium Vision est sans doute ce qui se fait de plus beau en la matière », sourit Marisol Touraine. Cette entreprise, créée en 2011 à Paris, développe des systèmes de restauration de la vision (SRV) pour les patients aveugles dont le nerf optique est resté fonctionnel. La société a notamment mis au point un œil bionique : un mplant rétinien baptisé Iris. Il permet aux malades de retrouver la perception des formes et de la lumière de manière à pouvoir s’orienter dans un environnement inconnu.

Poietis, de la peau sur-mesure. Cette start-up de la région bordelaise, créée en 2014, travaille sur la bioimpression 4D de tissus biologiques. En clair : Poietis est spécialisé dans la fabrication sur-mesure de peaux humaines. « Pour l’instant, cette innovation n’en est qu’à ses prémices, mais elle arrivera peut-être un jour à soigner les grands brûlés », espère Marisol Touraine. Cette technique pourrait également servir en cosmétique et en dermatologie pour tester sans danger les crèmes et les pommades.

Iset détecte le cancer. Iset n’est pas une entreprise, mais une technologie mise au point en 2000 par la professeur Patrizia Paterlini-Bréchot et ses équipes de l’université Paris-Descartes et de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Il s’agit en fait d’une méthode de filtration qui permet d’isoler les cellules tumorales circulantes. « Iset permet de détecter les cellules cancéreuses très tôt, explique Marisol Touraine. Pour schématiser, il agit un peu comme une passoire qui retiendrait les cellules malades, jusqu’ici très difficiles à détecter, pour soigner les cancers en amont. »

Author: Redaction