Harcèlement sexuel: lynchage ou justice?

Voici ma dernière tribune que m’a demandée le Figaro Vox avant hier. Il me semble qu’un  vent de folie est une nouvelle fois à l’oeuvre. La démission du ministre de la défense britannique, pour avoir posé la main sur le genou d’une jeune femme il y a quinze ans, et alors que le terrorisme islamiste continue à répandre le sang dans le monde occidental, est le signe de la fragilité sinon de la décomposition de l’autorité et de l’Etat de droit, mais aussi d’une crétinisation générale d’une société incapable de hiérarchiser les faits.  Nous vivons une période tragique. Ce qui est à l’oeuvre en arrière plan de ce phénomène, issu de l’affaire Weinstein, c’est une volonté de déstabilisation et de destruction. L’humanité, sa reproduction, me semble-t-il, repose toute entière sur la complémentarité et l’osmose entre l’homme et la femme, entre la femme et l’homme. La furieuse campagne en cours, qui tend à généraliser des situations particulières, touchant notamment le milieu du star system – dont chacun se doute bien à quel point il est perverti – , tend à la destruction de l’humanité en opposant, en séparant, en clivant les hommes et les femmes et en essayant d’instiller la haine entre eux. L’idéologie de la table rase est une nouvelle fois à l’oeuvre. Détruire pour espérer bâtir une humanité nouvelle, un « homme neuf ». Tel est le fondement de tous les totalitarismes qui ont ensanglanté le XXe siècle.

Maxime TANDONNET

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La campagne médiatique contre le harcèlement sexuel, issue de l’affaire Weinstein, prend des proportions inattendues dans le monde occidental. Le ministre de la défense britannique M. Mickaël Fallon, vient d’annoncer sa démission. Pour quelle raison? Il est accusé d’avoir posé la main sur le genou d’une journaliste, il y a quinze ans. 40 parlementaires britanniques et 6 ministres seraient menacés de révélation de ce type. Certes, le harcèlement sexuel est un fléau qui mérite les plus sévères sanctions pénales. Toutefois, l’embrasement médiatique autour de ce phénomène soulève de multiples questions.

La première est celle de la présomption d’innocence, un vieux principe galvaudé, mais qui est tout de même au coeur même de la démocratie et des droit de l’homme. Suffit-il qu’un homme soit suspecté ou accusé, pour devenir le coupable idéal et  qu’il doive payer de son honneur ou renoncer à sa carrière sur une simple dénonciation et sans autre forme de jugement?

Ce serait alors revenir aux lettres de cachet – punition sans procès équitable – ou à la loi des suspects de 1793 qui permettait d’envoyer à la guillotine toute personne sur une simple dénonciation. Il existe tout de même, dans nos démocratie, une police chargée d’enquêter et une justice d’établir les faits, de les qualifier, et de les sanctionner. Nul ne doit se faire justice soi-même: tel est l’un des principes fondamentaux de nos démocraties. Ruiner l’honneur d’un homme ou d’une femme, par une simple dénonciation, bafoue ce principe.

La seconde est celle de la proportionnalité. Une main posée sur un genou – un geste certes scandaleux –, quinze ans auparavant, doit-il être mis sur le même plan qu’un acte de corruption, de trahison, d’espionnage ou crime de droit commun, meurtre, viol, justifiant, à l’évidence, une démission? La logique en cours repose sur un dérèglement des esprits et un phénomène d’hystérie médiatique, favorisé par les réseaux sociaux, qui semble brouiller les repères du bon sens.

Et puis enfin, jusqu’où mène cette engrenage? M. Fallon n’est pas le seul. De nombreuses personnalités sont en ce moment mises en cause. La campagne se répend dans le cinéma, avec M. Dustin Hoffman, l’acteur du merveilleux « Marathon man », accusé de « remarques inconvenantes et de requêtes incongrues », il y a 35 ans, en 1985… Le milieu de la presse et des médias est à son tour touché de plein fouet: le rédacteur en chef américain, Mickaël Oreskes, pour avoir « embrassé des femmes sans leur accord », le chef de la rédaction de LCI, Eric Monier. Alors, jusqu’où? Et qui, dans l’avenir, n’a pas d’ennemi susceptible de se venger en lançant une accusation publique de harcèlement sexuel ou moral, vraie ou fausse, supposée commise même des décennies auparavent?  Quelles preuves, quels témoignages, et quels critères pour établir la réalité et la gravité des faits? Faut-il considérer que la notion de prescription – comme celle de procès équitable sur la base de preuves et de témoignages – est abolie?

La logique selon laquelle  toute accusation publique suffit à détruire une personnalité et la pousser à la démission favorise un processus de chaos dans les démocraties occidentales. Aucun dirigeant, aucun homme ou femme d’Etat, aucune personnalité publique, ministre ou chef d’Etat, n’est à l’abri d’une dénonciation, fondée ou non fondée, destinée à le discréditer et le destituer. Le phénomène fait donc partie d’un mouvement général d’affaiblissement et de négation  de l’autorité. Il relève d’une logique de déstabilisation. La démission d’un ministre de la Défense britannique dans un monde en ébullition, alors que la menace du terrorisme islamiste pèse plus que jamais sur la sécurité de la Grande Bretagne et de toutes les démocraties, en est le signe le plus patent.

Encore une fois, la question n’est pas de nier le caractère scandaleux et insupportable du harcèlement, notamment sexuel, mais d’en revenir à des notions fondamentales de la démocratie: respect de présomption d’innocence, pas de condamnation sans preuve, sans respect des droits de la défense et des prescriptions qui s’y attachent, sans jugement légal, et refus des lynchages et vengeances médiatiques – punitions spontanées, hors d’un procès légal. Le principe du lynchage médiatique ne rend pas service à la cause de la lutte contre le harcèlement sexuel, qui est une excellente cause. Il faut châtier le plus sévérement possible tout acte portant atteinte à la dignité des femmes et inciter les victimes à porter plainte, la justice à poursuivre et à sanctionner, mais dans le respect de l’Etat de droit et des principes fondamentaux de la démocratie.


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Author: Redaction