Cet étrange retour de l’idéologie totalitaire en Europe

Le mot mademoiselle est depuis plusieurs années banni du langage administratif. Aujourd’hui, ceux de Madame et Monsieur sont en train de subir le même sort. L’administration fiscal les considère comme trop « genrés », exprimant la différence des sexes, masculin et féminin. Ils vont donc disparaître. « La Direction générale des finances publiques (DGFIP) recommande en effet de ne plus mentionner les civilités dans les messages adressés aux contribuables compte tenu de la double motivation des usagers concernés (changement de genre ou refus de toute référence à un genre». Les règles fondamentales de la politesse changent par conséquent. Il ne faut plus dire « bonjour Monsieur ou bonjour Madame » mais un simple « bonjour » enseigne-t-on aux enfants. Bien sûr, tout cela relève de l’anecdote, mais une anecdote révélatrice d’un changement des mentalités qui est à l’œuvre dans le monde occidental.

L’exemple vient de haut, une circulaire du Parlement européen en date de 2018 jetait déjà une suspicion sur ces termes de Monsieur et Madame:

Par exemple, des expressions qui pourront être appropriées dans un discours («Mesdames et Messieurs») ou pour s’adresser directement à une personne («Cher Monsieur, chère
Madame» au début d’une lettre) ne seront pas forcément adaptées aux contraintes formelles
de la législation, qui doit être claire, simple, précise et cohérente et ne se prête pas à certaines
solutions rédactionnelles en matière de neutralité susceptibles de donner lieu à des
ambiguïtés quant aux obligations contenues dans le texte (comme l’alternance des formes
masculines et féminines du pronom ou l’usage exclusif du féminin dans certains textes et du
masculin dans d’autres).

Cette évolution est de nature totalitaire, au sens même du totalitarisme tel que le définissait Claude Lefort. Elle procède de la volonté de créer un nouvel homme ou plutôt un nouvel être humain, dans une logique de la table rase, apuré du fondement même de l’identité: la distinction homme femme. La nouvelle idéologie totalitaire se réclame du principe de neutralité: toute forme de différence entre les individu doit progressivement s’effacer, la première, la plus évidente étant l’identité ou la différence sexuelle.

Claude Lefort: « Le totalitarisme est ce régime où tout se présente comme politique : le juridique, l’économique, le scientifique, le pédagogique. Nous observons que le parti pénètre dans chaque domaine et diffuse ses consignes […] Le totalitarisme apparaît comme ce régime où toutes choses deviennent publique […] Ce qui interdit de le confondre avec une vulgaire tyrannie, c’est qu’on ne saurait le traiter comme un type de gouvernement arbitraire dans la mesure où il se réfère à une loi, à l’idée même d’une loi absolue qui ne doit rien à l’interprétation des hommes, ici et maintenant : la loi de l’Histoire dans le totalitarisme de type communiste ; la loi de la Vie dans le totalitarisme de type nazi. Dans ce régime, il semble encore que l’action soit la valeur dominante, puisque le peuple doit être mobilisé et toujours en mouvement autour de tâches d’intérêt général. C’est aussi un régime qui se présente comme révolutionnaire, un régime qui fait table rase du passé et qui s’adonne à la création de l’homme nouveau ». (Essais politiques)

La grande question est celle du pourquoi: pourquoi le monde occidental, à un moment de son histoire, alors que les totalitarisme sanguinaires de l’histoire, le fascisme, le nazisme et le communisme soviétique ont été vaincus en Europe, s’enfonce lui-même dans une nouvelle forme de l’idéologie totalitaire. Elle correspond à l’image d’un monde uniforme, sans frontières, sans différences.  L’idée d’effacer la culture, l’histoire, pour engendrer un homme neuf, apuré de ses références morales, traditionnelles, intellectuelles, et le rendre parfaitement hors sol et malléable à merci, soumis au pouvoir, est au centre de tout projet révolutionnaire de droite ou de gauche. Les idéologies totalitaires ne sont pas mortes, elles se métamorphosent et rejaillissent sous d’autres formes.

MT

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Author: Redaction