Bilan 2021, entretien avec Figaro Vox

Je pense à un événement qui a bouleversé le pays mais qui étrangement, est depuis passé sous silence, quasiment oublié. Le 23 avril une jeune femme fonctionnaire dans la police nationale a été égorgée par un terroriste islamiste à l’intérieur du commissariat de Rambouillet. Elle avait 45 ans et elle était mère de deux enfants. Cet acte de barbarie au cœur même d’un commissariat de police, immeuble emblématique de l’ordre et de la sécurité, a sidéré le pays. Puis plus personne n’en a reparlé et la tragédie est comme enfouie dans l’inconscient collectif. Pourtant, elle souligne l’extrême fragilité d’un pays défié jusqu’au cœur de son institution policière. Alors que plus de 250 personnes ont été fauchées par la terreur islamiste depuis 2015, ce crime barbare montre à quel point le pays demeure exposé à la menace terroriste. La crise sanitaire a fait office de dérivatif mais la menace n’a jamais cessé. Le pire est sans doute qu’on s’y habitue, et l’habitude qui pousse à baisser la garde est le pire des dangers.

  • En 2021, la culture fut de nouveau le théâtre d’un champ de bataille politique, entre la crise du Covid-19, la grotesque cérémonie des Césars ou encore les attaques du mouvement « woke » à notre héritage historique et culturel. Quel regard portez-vous sur 2021 d’un point de vue culturel ?

Sans doute ne faut-il pas confondre l’écume des choses et les grands courants de fond de l’opinion. La sphère visible et médiatisée cultive la haine de soi et le goût de la table rase. Nous en avons eu un bel aperçu cette année avec la poursuite de la polémique sur la statue de Colbert ou la décision de supprimer les chiffres romains dans certains musées. Le président de la République lui-même reprenant cette mode à son compte à soutenu en anglais que la France « avait à déconstruire son histoire ». Mais l’opinion, dans son immense majorité, n’est pas du tout sur cette ligne comme l’a prouvé le succès des manifestations et des expositions commémorant Napoléon à l’occasion du deux-centième anniversaire de sa mort.

  • La pandémie a continué de dicter nos vies et les choix de de nos gouvernants. En 2021, nos libertés fondamentales ont-elles été mises en danger ?

Il faudrait une dose d’aveuglement ou d’hypocrisie monumentale pour ne pas admettre que la liberté est saccagée depuis deux ans. Le confinement n’est rien d’autre qu’une assignation forcée à résidence, c’est-à-dire un enfermement à domicile – en principe réservé à certains criminels. Le couvre-feu est également une suspension de la liberté d’aller et venir qui est la mère de toutes les libertés. Ces mesures successives n’ont rien réglé puisque les vagues épidémiques continuent à déferler. Cependant, il faut bien reconnaître que ces décisions ont été plébiscitées par une majorité de la population sous la pression des marchands de peur – médecins de plateau et  dirigeants politiques. Nous vivons une belle leçon de servitude volontaire. Quant au passe sanitaire ou vaccinal son utilité est des plus douteuses dès lors que les personnes vaccinées peuvent être contagieuses. Il donne l’illusion de la fermeté en stigmatisant une minorité de la population non vaccinée (par phobie du vaccin) et dès lors châtiée, exclue de la vie sociale et traitée (avec le vaste assentiment de la foule) en bouc émissaire de l’épidémie. « Ces pelés, ces galeux » : depuis La Fontaine et ses animaux malades de la peste, l’humanité n’a guère changé…

  • Sur un plan politique, comment analysez-vous la primaire des LR en fin d’année et la victoire de Valérie Pécresse ? De quoi le score d’Éric Ciotti est-il le nom ?

Cette primaire est de fait une authentique réussite. Depuis quarante ans, la droite qui est largement majoritaire dans ce pays ne cesse de se briser sur les conflits de personnes qui sont à l’origine de toutes ses défaites. VGE/Chirac, Chirac/Balladur, Fillon/Copé… A l’issue de la tragédie de 2017 puis de la débâcle des Européennes, l’immense majorité des commentateurs de la vie politique annonçait la mort de la droite vouée à l’écartèlement entre le macronisme et lepénisme. A l’occasion de ces primaires, la droite LR s’est montrée exemplaire, se donnant une règle du jeu pour désigner son candidat et la respectant dans un climat parfaitement digne et courtois. Nous avons assisté à une petite révolution qui préserve ses chances de succès aux présidentielles. Un tel scénario était jugé inconcevable il y a deux ans. La sélection et la poussée dans les sondages de Valérie Pécresse en est le fruit. Quant à Eric Ciotti, il a confirmé le poids de la ligne souverainiste et sécuritaire dont la droite devra évidemment tenir compte pour préserver ses chances de l’emporter.

  • La droite de gouvernement, coincée entre Eric Zemmour Et Marine Le Pen d’un côté et Emmanuel Macron de l’autre, a-t-elle un espace politique ?

Oui, elle le prouve en ce moment. La politique n’est pas une affaire de créature tombée du ciel médiatique pour sauver le pays. Le gouvernement d’une nation passe par un ancrage profond et ancien sur le terrain, une organisation et un travail d’équipe. Le pilotage de l’Etat ne se conçoit pas sans une expérience, un programme, un parti solidement ancré, des relais dans le pays, la mobilisation de nombreuses compétences, des réseaux dans l’administration, le monde des entreprises et des médias, une capacité d’adhésion et de vaste rassemblement. La droite bénéficie de cet ancrage territorial et de sa capacité à incarner une alternance crédible. De fait, l’atout majeur de Mme Pécresse tient au fait qu’elle paraît être, compte tenu de sa capacité à rassembler la droite et le centre voire une partie du centre-gauche, la seule candidate en capacité de l’emporter face au président Macron. 

  • La déclaration de candidature d’Éric Zemmour a bouleversé les prévisions de l’élection. Assistons-nous à une recomposition du spectre politique comme ce fut le cas en 2017 ? 

Certes, l’impact de l’émergence d’Eric Zemmour a été considérable : c’est elle qui a déstabilisé le tandem sondagier Le Pen-macron qui écrasait toute concurrence depuis 4 ans et demi et rendait quasi inéluctable la réélection de M. Macron. Cependant, il semble que la poussée de M. Zemmour est ponctuelle, liée à l’élection de 2022. Elle est entièrement liée au rayonnement médiatique personnel du journaliste-écrivain. C’est en cela d’ailleurs que ce phénomène est d’une nature assez comparable à l’avènement de M. Macron en 2017, sauf que ce dernier émanait de la gauche socialiste tout en mordant au centre et à droite, et bénéficiait dès lors d’un potentiel électoral étendu. Par la suite, rien n’indique que cette poussée se consolidera dans une expérience partisane durable.

  • Comment pressentez-vous l’année 2022 ? Sera-t-elle l’année de l’apaisement ?

L’apaisement est peu probable. L’archipel français est traversé de profondes fractures sociales, géographiques, générationnelles, idéologiques et culturelles. Le mouvement des Gilets Jaunes a donné un aperçu de ce climat explosif. Notre pays souffre de maux profonds que sont le chômage massif (3,5 à 6 millions de personnes selon pôle emploi), la pauvreté, la crise du logement, la tragédie des cités sensibles, la violence endémique, l’exclusion sous toutes ses formes, la dette publique gigantesque, l’échec scolaire…  Le spectacle politique, les polémiques et la mise en scène quotidienne autour de l’occupant de l’Elysée servent à recouvrir cette réalité explosive. L’épidémie de covid 19 a étouffé pendant deux ans les profondes tensions qui déchirent le pays L’élection présidentielle et ses suites immédiates pourraient bien être l’étincelle qui mettra le feu aux poudres, y compris si le président Macron, qui cristallise déjà sur sa personne beaucoup de rancœurs, venait à être réélu.

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Author: Redaction