A droite, le retour au débat d’idées? (pour le Figaro du 10 novembre 2021)

« Savez-vous pourquoi les Français ont choisi le coq comme emblème ? C’est parce que c’est le seul oiseau qui arrive à chanter les pieds dans la merde ! » (Coluche). L’arrogance, l’autosatisfaction, la gesticulation vaniteuse des dirigeants politiques français est toujours exactement proportionnelle à l’état d’effondrement du pays (économique, financier, sécuritaire, intellectuel, migratoire). L’esbroufe, quelle qu’en soit la forme, doit s’interpréter forcément comme un paravent de l’échec et de la faillite. Dès lors, il me semble que la quête d’un sauveur providentiel, de mandat en mandat, est devenu la quintessence de l’abrutissement collectif. Ce qu’il faut attendre de la politique et rien de plus: le sens de l’Etat et de l’intérêt général (avant le goût de la satisfaction vaniteuse), de la vérité sans fard et de l’action réaliste – le possible en fonction des réalités, avec le bien commun comme unique horizon. C’est pourquoi, évidemment sans en attendre des miracles, le débat des candidats de droite m’a paru aller plutôt dans le bon sens. Certains commentateurs l’ont trouvé ennuyeux. De fait, en l’absence d’envolées lyriques, de provocations rageuses et de coups de mentons narcissiques, il contrastait avec toutes les règles de la politique spectacle à laquelle on est habitué: un échange courtois, sans crise d’hystérie et focalisé sur les idées et les projets. Ci-dessous, pour le Figaro du 10/11 dernier:

Texte: On croyait la pré-campagne électorale de 2022 définitivement enlisée dans les polémiques stériles et les coups de menton haineux, déconnectés des préoccupations des Français. A cet égard, le débat entre les candidats de la droite LR est apparu plutôt comme une bonne surprise. Les cinq protagonistes ont soigneusement évité les attaques personnelles. On était bien loin du célèbre « qui imagine le général de Gaulle mis en examen ? » qui marqua les primaires de droite en 2016 et se retourna en définitive contre François Fillon. Au contraire, hier soir, les candidats faisaient assaut d’amabilité, se tutoyaient et faisaient référence les uns aux autres dans une atmosphère d’apparence détendue. Sur le plan de la communication, le message compte : nous ne referons pas la guerre des chefs et nous travaillons pour une seule cause.

La tonalité générale des échanges, sur l’économie comme sur le régalien, était clairement à une nette droitisation. Eric Ciotti donnait le ton en se revendiquant « de droite ». Mais sur tous les sujets, les candidats prenaient des positions marquées à droite et sans concession. Pressé par les deux animateurs du débat, Eric Ciotti refusait de désavouer l’expression « grand remplacement » et parlait même « d’invasion migratoire », se référant à une interview de Valéry Giscard d’Estaing en 1991. Xavier Bertrand dénonçait avec vigueur « les satanées éoliennes » prônant une relance du nucléaire. Valérie Pécresse s’alarmait d’une dette publique atteignant 115% du PIB. M. Barnier, reprenant une formule de Georges Pompidou demandait qu’on « arrête de nous emmerder » et qu’on « laisse les entreprises travailler ».

Beaucoup de propositions se ressemblaient, par exemple sur la réforme des retraites ou la tenue d’un référendum sur l’immigration, une révision constitutionnelle pour l’instauration de quotas, le retour aux peines planchers, voire leur extension, le développement des places de prison. Les nuances semblaient plus marquées sur l’économie et le pouvoir d’achat. Xavier Bertrand comme Philippe Juvin, se montraient plutôt interventionnistes tandis que leurs concurrents, notamment Valérie Pécresse, défendaient une ligne libérale axée sur une forte baisse des charges et la réduction du nombre de fonctionnaires. Tous plaçaient au cœur de leur projet la valorisation du travail (fin des 35 heures pour Xavier Bertrand) au détriment de l’assistanat.

De fait, une impression de sérieux et de rigueur se dégageait des échanges. Les candidats ont soigneusement évité les slogans de campagne tapageurs ou les promesses mégalomanes. Les formules de type « transformation de la France » étaient absentes. La reconquête de la crédibilité de la parole publique était en toile de fond de ce débat axé sur le réalisme plutôt que le rêve qui entraîne la déception et favorise l’abstentionnisme. Le débat d’idées semblait être de retour contre la politique spectacle.

Alors qui a gagné ? M. Barnier jouait sur la stature présidentielle, la hauteur et le consensus. Il a paru cependant déstabilisé par sa proposition de moratoire sur l’immigration, poussé – courtoisement – par ses concurrents à reconnaître que son moratoire (signifiant arrêt temporaire de tout flux migratoire) n’en était pas un. M. Ciotti était à l’aise dans son rôle d’incarnation de l’aile droite du mouvement. M. Juvin – le moins connu – a élevé le débat en insistant sur le déclin intellectuel comme cause du déclin économique et les sujets démographiques de long terme, préoccupé par le devenir de l’Afrique. Mme Pécresse s’est montrée particulièrement professionnelle et compétente, maîtrisant ses dossiers à la perfection.

M. Bertrand, à l’occasion de ce premier débat, a cependant paru prendre un avantage sur ses concurrents par l’intensité de sa présence et la fermeté de ses prises de parole.  Il n’a pas hésité à porter des coups très durs sur la présidence Macron, fustigeant notamment les volte-face de ce dernier sur le nucléaire, la perte de contrôle sur l’immigration, l’explosion de la dette publique ou la valse des milliards électoraux. Qualifiant de « scandaleuse » l’assimilation de la colonisation à « un crime contre l’humanité » et condamnant la politique de repentance surtout envers l’Algérie, il prenait date en tant que premier opposant du président Macron et son éventuel adversaire de second tour.

MT

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Author: Redaction