Présidentielles: vous avez aimé 2017? Vous allez adorer 2022! (pour Figaro Vox)

Une longue séquence électorale s’ouvre en ce moment. Les élections présidentielles et législatives du printemps 2022 seront-elles l’occasion de restaurer la confiance des Français en la politique ? Bien au contraire, ce début de campagne informe et chaotique, sombrant dans la plus grande confusion idéologique, semble annonciateur d’une étape supplémentaire dans la décomposition de la démocratie française.

 Madame Anne Hidalgo, maire de Paris, avait promis qu’elle ne se présenterait pas. « Je ne cherche rien d’autre (…) Paris me comble. Je ne serai pas candidate à la présidentielle » (le 23 juin 2020, dans une interview à L’Express). Or, en définitive, elle vient d’annoncer sa candidature. Voilà qui n’est pas pour améliorer le crédit de la parole publique. D’ailleurs, Mme Hidalgo ouvre sa campagne par une proposition choc : doubler le salaire des enseignants. Or, l’Education nationale est le premier poste de la dépense budgétaire (76 milliards d’euros, pour l’essentiel en charge salariale). Dans un contexte ou le déficit budgétaire atteint près de 10% du PIB et la dette publique 120% et la France bat tous les records européens des prélèvements obligatoires, où trouvera-t-elle les financements ? Où est passé le parti socialiste en tant que « parti de gouvernement » se revendiquant comme responsable ? Et jusqu’où enfin ira  la fuite en avant dans la démagogie ?

Au-delà de la question toujours pendante des primaires, la confusion sur la ligne idéologique des candidats de droite continue de s’épaissir. Certes, à l’heure où s’achèvent deux quinquennats qui laisseront un arrière-goût amer de mépris et d’arrogance – des « sans dents » aux « Gaulois réfractaires » – M. Michel Barnier peut se prévaloir d’un excellent slogan de campagne : « Respecter les Français ». Toutefois, la tonalité de sa pré-campagne jette le trouble. Celui qui a forgé son identité politique sur un engagement pro-bruxellois inconditionnel, commissaire européen à plusieurs reprises et négociateur du Brexit, préconise un retour à la souveraineté juridique de la France face à la cour de justice européenne et la cour européenne des droits de l’homme (c’est-à-dire, de fait, un quasi Frexit). M. Barnier, riche de son expérience européenne, a parfaitement le droit de se rallier à un souverainisme gaullien… Encore devrait-il assumer clairement ce changement de cap et s’en expliquer pour être fidèle à son mot d’ordre si opportunément choisi : respecter les Français.  

Autre changement de cap, encore plus spectaculaire : celui de Mme le Pen qui place sa campagne sous le signe de la « liberté » inspiré des manifestants hostiles au passe-sanitaire. Pourtant son parti, le RN, est l’héritier en ligne directe du FN dont l’image s’attache bien davantage à la « préférence nationale », à « l’immigration zéro » et au « culte du chef » qu’à la défense des libertés. Le parti lepéniste est fidèle à sa méthode habituelle, récupérateur des thèmes abandonnés par les autres, en particulier la droite libérale qui s’est (globalement) accommodée de l’état d’urgence sanitaire et de mesures contraignantes supposées nécessaires à la lutte contre l’épidémie de covid19. Récupérer à contre-emploi le mot de « liberté », délaissé par ceux qui ont vocation devant l’histoire à le défendre, consacre la stratégie de « dédiabolisation » et contribue à la déstabilisation des repères classiques de la politique française.

Par ailleurs, une recommandation du CSA vient d’interdire au journaliste Eric Zemmour la poursuite de son émission sur CNews au prétexte de sa (possible) candidature au scrutin présidentiel. Dans une logique démocratique, cette jurisprudence devrait s’appliquer à tous les candidats y compris à Mme le Pen qui bénéficie d’une intense couverture médiatique[1] et au président de la République surexposé en permanence dans un douteux mélange des genres entre rayonnement présidentiel et campagne anticipée. Or, nous savons déjà qu’il n’en sera pas ainsi. M. Zemmour gène, non par ses propositions sur l’immigration (désormais banalisées à droite) mais par les 7 ou 8 points que lui prêtent les sondages. Arrachés pour l’essentiel au socle électoral de Mme le Pen ce mince capital d’intentions de vote suffit à fragiliser dangereusement le verrou sondagier de second tour le Pen-Macron, sur lequel reposent les chances (ou la certitude) d’une réélection de ce dernier. D’où l’embarras que suscite ce perturbateur d’un ordre établi même en l’absence de toute chance de l’emporter. 

Quant aux intentions de l’actuel occupant de l’Elysée, donné grand favori des sondages, elles ne sont qu’un secret de Polichinelle. Mais dans quel but? Après la promesse d’un « nouveau monde » son quinquennat fut dominé par le chaos des affaires, des Gilets Jaunes, de la crise sanitaire et finalement, par l’impuissance et l’aggravation vertigineuse de tous les fléaux de la société française (dette publique, violence, déclin scolaire, pauvreté, désintégration, chômage, etc.). Quel sens aurait un second mandat, en dehors de la jubilation courtisane et de la satisfaction narcissique ? Sa candidature ne sera évidemment pas de nature à dissiper l’atmosphère nihiliste ambiante. D’ailleurs, 59% des Français n’en veulent pas (Viavoice).

Voltes-faces invraisemblables se substituant au débat d’idées, traitements inéquitables, naufrage dans la démagogie, narcissisme et courtisanerie, censure et coups tordus : bref, une campagne électorale terrifiante est probablement en train de commencer, dans un contexte explosif où des manifestations se poursuivent de samedi en samedi.  Sera-t-elle encore plus chaotique et encore plus imprévisible que celle de 2017 ? Tout le laisse penser. « Vous avez aimé 2017 ? Vous allez adorer 2022 ! » L’abstentionnisme en sera-t-il le grand vainqueur ?  Il reste à espérer que la campagne et les élections de 2022 ne s’achèveront pas en guerre civile.


[1] Selon le « projet Arcadie » une enquête réalisée de 2018 à 2020 sur l’exposition médiatique des parlementaires, son temps de parole médiatique (197 heures) pulvérise celui de tous ses adversaires.

Author: Redaction