Les dangers d’une compromission

Voici ma dernière contribution au Figaro Vox. Les appels à une alliance entre Les Républicains et la République en marche en vue des municipales me révulsent, presque autant que les appels à une compromission avec le lepénisme. Laissons de côté l’aspect détestable des magouilles politiciennes, dans une ambiance où tout n’est que trahison, retournements de veste, mensonge, gavage des cerveaux et mépris des gens. Ce qui me choque encore plus, c’est la bêtise, le refus d’ouvrir les yeux. Nous allons sans doute vers des temps difficiles. Le monde marche vers le chaos: retour du protectionnisme américain préparant une grave crise économique et financière; mouvements migratoires hors de contrôle; fanatisme et terrorisme jihadiste répandus dans la nature et risque d’un bain de sang à venir. Le pouvoir actuel est englué dans une logique de fuite du monde réel par ses gesticulations  stériles et nocives, un culte de la personnalité qui n’est rien d’autre que le signe de l’impuissance et du renoncement.  Dans peu de temps, un an, deux ans, le rejet du pouvoir actuel sera pire que tout ce que l’on peut imaginer. Donc la France aura besoin une opposition crédible et puissante pour ramasser les cendres de l’autorité et reconstruire le pays. Si les Républicains ne sont pas capables d’offrir, collectivement, une solution d’alternance ambitieuse et réaliste, fondée sur le bien commun, l’intérêt général, dans un rejet ferme et absolu de la tentation narcissique et vaniteuse qui empoisonne la vie politique de ce pays, comme aux heures les plus sombres de l’histoire, nous verrons débarquer le mal absolu sous le visage de l’extrémisme.

Maxime TANDONNET

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Sur fond de retour des périodes électorales, notamment des municipales de 2020, des rumeurs de rapprochement entre les Républicains (LR) et la République en marche (LREM) commencent à se répandre. M. Christophe Castaner, délégué général de LREM, a lui-même ouvert la perspective d’ alliances de ce type.

Cette démarche n’a rien de suprenant dans la politique moderne. Elle reflète la disparition du débat d’idées et de projets, au profit d’une vision de la politique dominée par l’obsession narcissique: brouiller les pistes en 2020 pour préparer au mieux les présidentielles deux ans plus tard. Une partie des troupes de LR devrait être tentée de répondre à cette main tendue qui aurait l’avantage de garantir la préservation ou la prise de nombreuses mairies dans le cadre d’une sorte de Yalta électoral: à nous l’Elysée et le Palais Bourbon, à vous les mairies et le Sénat.

Pourtant, au-delà des avantages apparents et immédiats qu’elle offre, cette formule serait suicidaire pour LR et dramatique pour la France.

Tout d’abord, les Français ont horreur des arrangements politiciens. Une telle manoeuvre serait ressentie comme attentatoire à la démocratie. Elle priverait les électeurs, une fois de plus, d’un choix de société, donnerait le sentiment que les deux partis, organisés en force centrale, n’ont d’autre préoccupation que de se répartir les fromages. 87% des Français ont une image négative de la politique actuelle (CEVIPOF) et plus de 50% se sont abstenus aux législatives de 2017, un record absolu. Comment creuser encore davantage la fracture entre les élites dirigeantes et le peuple? Comment détourner encore plus les Français du suffrage universel?

La succession des sondages défavorables pour LR depuis le début de l’année ne préjuge en rien du futur. La solution d’une entente avec LREM serait un choix de courte vue. Les perspectives d’avenir pour le pays, dans son environnement européen et international, devraient au contraire inciter les dirigeants de LR à s’opposer clairement à toute forme de compromis.

La position de LREM est en effet d’une extrême fragilité et LR n’a aucun intérêt à prendre le risque de se laisser entraîner dans la chute d’une force centrale à laquelle elle serait associée. LREM repose tout entier sur l’image présidentielle. Or, tout laisse penser que celle-ci est en voie d’effritement. Perçue comme froide, auto-centrée, éloignée des Français, indifférente au sort des plus faibles (retraités, handicapés, victimes de la pauvreté), elle se maintient à flot par un soutien paradoxal d’une partie de la droite, impressionnée par la dureté des mouvements sociaux qu’elle attribue à la « fermeté » sur certaines réformes. Une déception sur les fond des réformes et sur les résultats obtenus, dans les mois ou années à venir, peut entraîner une effondrement dramatique et généralisé de la confiance dans le pouvoir en place.

Le mouvement de l’histoire ne joue pas en faveur de LREM. Son idéologie est axée sur une identification intégrale au système bruxellois. Or, après le Brexit, le désastre de la libre circulation Schengen, les crises grecque, polonaise et hongroise, espagnole aujourd’hui italienne, les réserves allemandes face aux perspectives françaises d’un renforcement bureaucratique, un climat de révolte populaire généralisé, cette vision technocratique de l’Europe est à contre-temps de la marche du monde et de toute évidence vouée à l’échec. L’avenir appartient bien au contraire à la créativité et à l’audace de ceux qui accepteront l’idée d’une refonte de l’Europe sur le respect des démocraties nationales.

La France est aujourd’hui exposée à de graves tensions, voire au risque d’une déstabilisation, liées à la poussée des flux migratoires illégaux, au communautarisme, à la menace du terrorisme djihadiste, dans un climat d’aveuglement et de conformisme qui a peu de précédent historique. A cela s’ajoute la perspective d’un ralentissement économique voire d’une nouvelle crise, probable dans les années qui viennent alors que le pays n’est jamais sorti du chômage massif et de la morosité. C’est pourquoi, au-delà des intérêts de personnes et de la course aux satisfactions de vanité, fléau de la politique française, ce pays a besoin d’une opposition crédible au pouvoir actuel et susceptible d’assurer la relève. Il serait désastreux d’abandonner le monopole de l’opposition aux Insoumis ou à l’inverse, au lepénisme. La possibilité d’une alternance à la fois ambitieuse et raisonnable est la condition absolue de survie la démocratie et, dans un pays qui étouffe, du retour de l’espérance.

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Author: Redaction