L’excellent site Atlantico m’a demandé hier si selon moi, M. Laurent Wauquiez avait intérêt à reprendre le discours de Nicolas Sarkozy en 2007. Le « non » que j’ai répondu, clair et net, n’est en rien une prise de distance vis-à-vis du président Sarkozy mais le fruit d’un simple constat: en 10 ans, la perception de la politique qu’ont les Français a radicalement changé et leur attente n’a plus rien à voir avec celle de 2007.
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1-Laurent Wauquiez s’annonce comme le grand favori dans la course à la présidence des LR , sur une ligne politique essentiellement tournée vers la protection des classes moyennes, l’identité, et la lutte contre l’assistanat, semblant correspondre à la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2007. Dans quelle mesure cette ligne politique peut elle être suffisante à un monde post-crise de 2008 ? Ne s’agit il pas d’une cause du divorce entre la droite et les classes populaires ?
Laurent Wauquiez a clairement affirmé que Nicolas Sarkozy était sa référence. Il est vrai que sa ligne est proche de celle du président élu en 2007. Peut-être que cette approche peut lui permettre de gagner la faveur des militants dans l’optique de l’élection à la présidence du parti. Mais cela n’a rien à voir avec s’imposer comme un recours sur la scène nationale. Depuis 2007, nous avons complètement changé de monde. Il y a eu la crise économique, mais aussi les affaires DSK et Cahuzac, la défaite de 2012, le quinquennat Hollande, le terrorisme, « fillongate » la tornade « En Marche ». Refaire 2007 n’a plus aucun sens. Ce qui caractérise la France d’aujourd’hui, c’est la crise de confiance envers le politique. La lutte contre l’assistanat ou pour la réhabilitation du travail ne peuvent plus suffire à convaincre l’opinion, après les souffrances de l’exclusion et du chômage dues à la crise. Quant à l’identité, c’est un thème abstrait, qui renvoie à l’échec du débat sur l’identité nationale en 2009. Non, il faut prendre en compte les bouleversements intervenus dans la conscience collective et changer de logiciel. Vouloir reprendre telle quelle la ligne de 2007, après les bouleversements qui sont intervenus en 10 ans serait suicidaire.
2-Nicolas Sarkozy était parvenu à « arracher » les classes populaires au Front national en 2007, mais dans un monde pré-crise. Ainsi, et alors que le Front national s’est retrouvé en concurrence avec la France insoumise pour les catégories populaires, Laurent Wauquiez pourra-t-il échapper à ces mêmes difficultés ?
Oui, bien sûr, la marge est étroite entre d’une part l’idéologie d’En Marche, axé sur l’individu-roi, et les « antisystèmes », de droite et de gauche. Les Républicains de M. Wauquiez ne pourront pas se contenter du thème du libéralisme économique et sociétal, qui aura été obéré par l’expérience Macron d’un point de vue idéologique – sans pour autant que les mesures nécessaires à la relance de l’économie française aient été prises. Quant au discours « identitaire », il restera la marque de fabrique du FN. Il me semble que les classes populaires sont avant tout attirées par le parti de l’abstention aujourd’hui. On ne réalise pas à quel point la France connaît une crise de sa démocratique. 51% d’abstention aux législatives, c’est un résultat vertigineux dont personne n’a conscience. Aujourd’hui, il est caricatural de penser que la grande masse des classes populaires est attirées par les partis supposés « antisystème ». C’est le rejet du politique, le sentiment que la démocratie est en panne, que la représentation ne fonctionne pas qui caractérise aujourd’hui les classes populaires. Les classes populaires dans leur majorité, ne croient en personne, ni au FN ni à France insoumise, ni LREM, ni aux Républicains. Il faut en être conscient ! Et dans les temps qui viennent, avec la politique et le discours de LREM, les mesures annoncées, les fractures du FN, la rupture entre M. Mélenchon et le parti communiste, les divisions chez les Républicains, ce fossé entre les classes populaires et le monde politique ne peut que se creuser toujours davantage.
3- Comment la droite pourrait elle retrouver un discours plus « séduisant » pour les classes populaires ? En quoi, malgré la défaite, l’accent mis par François Fillon sur le volet économique, en opposition à une ligne Buisson qui rejette cette problématique au second plan, peut-il être un exemple à suivre ? La droite Wauquiez a-t-elle finalement tirer les leçons de la défaite de François Fillon ?
La droite, je préfère le terme « les Républicains », n’a pas intérêt à chercher à séduire. La séduction suivie de la déception a beaucoup trop sévi ces dernières années. Non, aujourd’hui, les leçons du psychodrame autour de M. Fillon et d’une campagne électorale désastreuse, n’ont pas été tirées. La France a besoin d’une véritable révolution de sa conception de la vie politique. Il faut sortir justement de la séduction, de la sur-médiatisation et de la tyrannie de la communication. Il faut mettre fin à la dérive du régime dans un culte de la personnalité qui touche à l’absurde et n’a pas d’autre objectif que de cacher la faillite de l’Etat et des politique dans de nombreux domaines. Il faut bannir l’ambition carriériste que les Français ne supportent plus. En réalité, il faut réhabiliter le discours de la vérité et du désintéressement personnel. La politique doit cesser d’être affaire de posture vaniteuse et se mettre au service de la nation et de ses habitants. Il faut une transformation radicale de la gouvernance de la France, en finir avec la personnalisation à outrance du pouvoir, l’autre face de l’impuissance et du renoncement. Le Gouvernement du pays doit être une affaire d’équipe et non d’une image idolâtre. Il faut recentrer la politique sur l’action, le choix le gouvernement et non la communication et les manipulations : comment sauver l’école, lutter contre l’insécurité, la violence et le communautarisme des cités, chercher une issue à la crise migratoire en traquant les passeurs criminels, alléger les charges sur l’entreprise pour créer des emplois. La vocation des Républicains est d’engager cette profonde mutation de la politique française pour la sortir de la dictature de la communication, la recentrer sur les mots d’ordre vérité et action.