Les chantiers de 2014 : interview de Philippe Martin

Préparation de la loi sur la transition énergétique, modernisation du droit de l'environnement, création de l'Agence française de la biodiversité : en ce début d'année, Philippe Martin fait le point sur les nombreux chantiers pour 2014.

Lors de l'ouverture de la dernière Conférence environnementale le 20 septembre 2013, François Hollande vous a chargé de préparer la loi sur la transition énergétique. Pourriez-vous nous dire ce qui est attendu de ce projet de loi et comment il sera préparé ?

Philippe Martin : Lors de la deuxième Conférence environnementale, en septembre dernier, le président a eu une phrase forte, soulignant que cette loi sur la transition énergétique serait l'une des plus importantes du quinquennat. Et c'est d'autant plus le cas si l'on inscrit cette loi dans la perspective de la Conférence des Nations unies sur le climat, la COP 21, que la France accueillera à la fin de l'année 2015. Le souhait du chef de l'État, celui du gouvernement et le mien est que la France se présente à cette échéance comme exemplaire en la matière. La loi sur la transition énergétique est une façon de montrer au monde et à l'Europe que nous prenons nos responsabilités et que nous respectons les engagements de la France. Il s'agit de parvenir à 23 % d'énergie issue de sources renouvelables à l'horizon 2020 ; de ramener la part du nucléaire de 75 à 50 % à l'horizon de 2025 ; de baisser de 30 % notre consommation d'hydrocarbures fossiles et de diminuer notre consommation finale d'énergie à l'horizon de 2050, le tout avec l'objectif global de diviser par quatre nos émissions de CO2 à l'horizon de 2050. Rappelons que la loi est le fruit d'un débat national sur la transition énergétique qui a duré près de huit mois. Elle aura aussi pour effet de confier des responsabilités accrues aux collectivités locales, notamment aux régions, qui doivent se l'approprier. Présentée au Parlement au printemps, la loi sera transmise pour avis au CESE et au Conseil d'État mais elle sera aussi soumise pour avis au CNTE (Conseil national de la transition écologique). Cet avis est préparé par une commission spécialisée présidée par Laurence Tubiana. C'est un rendez-vous majeur la loi va structurer notre travail pour les années qui viennent, et sa mise en œuvre dans les territoires sera accompagnée par les administrations déconcentrées du ministère. Il s'agit d'un des rendez-vous les plus importants depuis le Grenelle pour le ministère et ses agents.

Outre la transition énergétique, la Conférence environnementale a permis d'avancer sur cinq nouveaux chantiers dont l'économie circulaire, l'emploi et la transition écologique, l'éducation à l'environnement et au développement durable… et a débouché sur une feuille de route. Quelles sont, selon vous, les avancées majeures ?

Philippe Martin : Je veux tout d'abord souligner la régularité de ce rendez-vous qu'est la Conférence environnementale. Pour la deuxième année, elle a été ouverte par le président de la République, et clôturée par le Premier ministre. Entretemps, cinq tables rondes se sont tenues avec la participation de treize ministres… La Conférence environnementale est désormais un rendez-vous d'étape de l'action du gouvernement en matière de transition écologique. Ce que je retiens, c'est d'abord cette participation de haut niveau, c'est le travail accompli lors des différentes tables rondes, et c'est enfin la déclinaison qui s'est faite dans la feuille de route. J'ai moi-même participé à la table ronde sur l'économie circulaire avec Arnaud Montebourg et Benoît Hamon.
Nous y avons pris des décisions comme, par exemple, l'organisation d'une conférence de mise en œuvre de l'économie circulaire. Elle a eu lieu lundi 16 décembre à Gardanne, dans les Bouches-du-Rhône. En termes d'avancées majeures, nous pourrions citer, par exemple et parmi d'autres, la décision de protéger 1 000 captages d'eau prioritaires grâce à la mise en place de plans d'actions adaptés, ou encore la prise en compte des enjeux du développement durable dans les programmes scolaires… Et nous organisons le dialogue environnemental, année après année, avec dans l'intervalle la mobilisation très régulière du CNTE.

Lors de votre visite aux agents de l'administration centrale le 27 août dernier, vous avez fait part de votre attachement à la modernisation à venir du droit de l'environnement. Pourriez-vous nous expliquer en quoi celle-ci est nécessaire, ce qu'elle va apporter et ce qu'elle implique pour les services du ministère ?

Philippe Martin : Le droit de l'environnement est un droit qui s'est complexifié au fil du temps, avec un enchevêtrement de réglementations dont une bonne part est issue de normes européennes. J'entends en ce moment une musique qui consiste à dire que le droit de l'environnement est un frein au développement économique et j'entends une autre mauvaise musique qui vise les agents des services déconcentrés du ministère, qui appliquent ce droit. Je veux faire taire ces bruits et apporter mon entier soutien à nos agents, qui sont parfois pris à partie localement. Le droit de l'environnement doit être l'expression de notre volonté de préserver l'environnement. Peut-il être modernisé ?
Devenir plus lisible ? Plus compréhensible ? Plus efficace ? Oui, sans aucun doute. En témoigne, par exemple, le fait que 90 à 95 % des plaintes au pénal en matière de droit de l'environnement aboutissent à un classement sans suite. On a donc un droit de l'environnement touffu et compliqué, et qui, en même temps, n'atteint pas toujours ses objectifs. Ce droit ne sera bien accepté que s'il est compris par les citoyens et par tous les acteurs auxquels il s'applique. C'est dans cette perspective que des états généraux de la modernisation du droit de l'environnement ont été organisés en juin 2013. Ce temps de dialogue et d'échanges avec toutes les parties prenantes a permis de définir les principales pistes de changement et d'amélioration à engager. Ces pistes sont consignées dans une feuille de route de la modernisation du droit de l'environnement qui a été présentée devant le CNTE puis mise en ligne. Désormais, ce chantier de modernisation de notre droit de l'environnement est confié au CNTE lui-même, au sein duquel une personnalité, un parlementaire chevronné, le sénateur Alain Richard, présidera une commission dédiée. Le travail est donc en cours, avec des expérimentations importantes, comme, par exemple, le permis environnemental unique pour l'éolien offshore en Bretagne, pour l'éolien terrestre en Champagne-Ardenne… Nous avons conscience que les acteurs économiques ont besoin de bien comprendre ce droit, et de procédures allégées… mais cela ne doit jamais être au prix d'un abaissement de la protection de l'environnement. Donc modernisation, simplification, lisibilité, oui, mais affaiblissement, sûrement pas.

Mi-2014 devrait être votée la loi sur la biodiversité pour faire de la France une nation d'excellence en la matière. L'Agence française de la biodiversité devrait ainsi être opérationnelle au 1er janvier 2015. Quel sera son rôle et de quels moyens disposera-t-elle ?

Philippe Martin : La loi sur la biodiversité sera une autre grande loi portée par ce ministère au cours de l'année 2014. Il faut d'abord rappeler que ce sera la première grande loi sur la nature depuis 1976. Elle permettra de mieux lutter contre le biopiratage, de mieux valoriser les paysages du quotidien, les paysages remarquables, les sites classés, et conduira à la création de l'Agence française de la biodiversité, qui sera en quelque sorte le deuxième bras armé du ministère, à côté de l'ADEME. Cette agence aura trois objectifs prioritaires : structurer la connaissance et l'expertise en matière de biodiversité, intégrer la biodiversité dans des stratégies territoriales de développement, et pallier les défauts de financement des politiques de préservation de la biodiversité. Nous voulons que cette agence apporte de l'expertise aux collectivités locales et qu'elle puisse également être en capacité de porter des financements pour les projets dans ce domaine. L'objectif est que cette agence ait des moyens humains et financiers qui lui permettent une intervention immédiate. Son budget sera défini dans le projet loi de finances (PLF) 2015, et je veillerai à ce qu'elle ait les moyens de notre ambition.

Ce mois de janvier marque la naissance du CEREMA (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement), nouvel établissement public qui rassemblera une grande partie des compétences scientifiques et techniques du MEDDE et du METL. Pourriez-vous nous en préciser l'enjeu ?

Philippe Martin : La création du CEREMA est un enjeu important. Il concerne en effet près de 3 250 agents du Ministère de l'Écologie, du Développement Durable et de l'Énergie et du Ministère de l'Égalité des territoires et du Logement. Ce sont les huit centres d'études techniques de l'équipement (CETE) et trois services centraux (le CERTU, le CETMEF et le SETRA) qui se regroupent pour être plus forts ensemble, pour constituer une colonne vertébrale et un réseau. Nous sommes tous, les agents comme Cécile Duflot et moi-même, attachés au fait que nos ministères restent des ministères d'expertise territoriale. Les organisations syndicales, lorsque je les ai rencontrées, ont beaucoup insisté sur ce point. Et pour avoir été longtemps un élu chargé d'une collectivité locale, je connais très bien l'attente des départements et des villes à l'égard de nos services. La force de cet opérateur, outre sa taille, sera la polyvalence de ses compétences, lesquelles seront regroupées avec un ancrage fort dans les territoires. Je tiens beaucoup à cet ancrage. Car si nous baissons la garde, les collectivités locales se doteront, de manière inégale et selon leurs moyens, d'outils d'expertise propres et n'auront plus recours à l'État. Le CEREMA a une vocation transversale : il s'occupera à la fois d'aménagement, d'habitat, de politique de la ville, de transports, de sécurité routière, d'environnement, de gestion des risques. Je lui souhaite une longue vie car il va constituer une expérience tout à fait passionnante dans un ministère qui s'est beaucoup transformé au cours de ces dernières années.

Propos recueillis par la direction de la communication du ministère du Développement durable, le 12-12-13, pour le magazine des agents du ministère.

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Author: Redaction