On se fout du monde

Un candidat proclame : « je vous aime ». Un autre se met en scène en super héros dans un jeu vidéo et diffuse son image transfigurée sur les murs des villes. Un autre encore : »les Français me connaissent peu ou mal. J’ai voulu pour cette élection que vous puissiez me connaître telle que je suis vraiment ». Cette campagne marque l’apothéose de la personnalisation du pouvoir. Les Français ne sont pas appelés à choisir une politique, lors de l’élection présidentielle, mais une personne à aimer, un ami, un père ou une mère. Au fond, cette tendance marque un retour à des pulsions primitives: la France se choisirait avant tout une idole, un maître, un chef de meute. Elle porte une vague et malsaine connotation totalitaire: le peuple est censé aimer son « petit père », son duce, ou son grand timonier. Cette personnalisation à outrance du pouvoir signe clairement le triomphe de la bêtise, de l’inculture historique, et la mort du politique au sens noble du terme: le gouvernement de la cité. Vendre au « peuple » une image personnelle à sublimer, plutôt qu’un défi à relever n’est-il pas l’apothéose de la manipulation et de la propagande? La campagne s’achève en crêpages de chignons entre des ego narcissiques, au détriment de l’intérêt général et du bien commun. Elle s’accompagne d’une hallucinante poussée de la démagogie, de l’extrémisme et de l’utopie. Elle vend du « rêve », comme des savonnettes. Certains candidats ne tiennent aucun compte du monde réel. Ils désignent des boucs émissaires, le « riche », le « grand capital », la « finance » ou « l’étranger ». Ils annoncent des mesures mirobolantes qu’ils ne pourront jamais mettre en œuvre, pour des raisons financières, juridiques ou géopolitiques ou tout simplement parce qu’ils ne peuvent pas avoir de majorité au Parlement. Mais qu’importe! « viennent les jours heureux et le goût du bonheur » dans une société « douce et bienveillante ». Nous glissons dans les limbes de l’utopie et du rêve. Silence, on manipule ! Ne pas s’y fier: plus ils parlent du « peuple », et plus ils se foutent de lui. La « trumpisation » de la France. Tout est communication, posture, mensonge . Ils vendent aux électeurs de l’amour, du rêve, du pathos, et non la brutale et inévitable confrontation avec la réalité. Que nous annonce cette campagne? Un nouveau quinquennat de gesticulations, de postures et de logorrhée: brasser de l’air pour donner l’illusion du mouvement. Le politique a une mission suprême: dire la vérité et proposer des défis à relever. Or, les politiques médiatisés font exactement le contraire: ils manipulent. On se fout du monde.
Maxime TANDONNET


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Author: Redaction