Le grand marasme politique (pour la Revue Politique et Parlementaire – Extraits)

(Article complet)

Le mouvement social actuel ne concerne pas seulement la petite minorité des manifestants et des syndicalistes. Profondément populaire, il est soutenu par les quatre cinquièmes du pays, selon de multiples enquêtes qui convergent dans le même sens.

Il exprime une révolte de la France profonde contre le sentiment de l’arrogance et du mépris des élites dirigeantes envers le peuple et contre « l’entre-soi ». Il est la réponse du pays à la posture jupitérienne d’un chef de l’Etat et d’un entourage de courtisans déconnecté, qui prétendent mener la France à la baguette. Les événements en cours expriment le rejet d’une classe dirigeante hors sol, persuadée de détenir les lumières du bien face à un peuple de « fainéants » et « d’illettrés » (pour reprendre des termes qui furent jadis utilisés par le président).  Ainsi, le débat parlementaire escamoté par le recours aux articles 47-1, 44 et 49-3 a fortement attisé la colère du pays en lui donnant le sentiment d’un déni supplémentaire de démocratie.

Alors, face à cette crise extrêmement profonde, une sorte de Mai 1968 larvé – moins spectaculaire, car notre époque individualiste se prête peu aux émeutes massives, mais plus durable – le pouvoir politique, conformément à son habitude désormais familière aux Français, cherche le salut dans la communication à outrance, la grandiloquence, la gesticulation, l’autosatisfaction, les postures et les slogans vides. Nous avons eu le grand débat pour sortir des Gilets Jaunes, puis le monde d’après à la suite du confinement et désormais nous avons les cent jours lancés par le président Macron comme tentative d’issue à la crise sociale. Les formules servent à couvrir les catastrophes. Les communicants se démènent mais plus personne n’y croit et ces formules paraissent de plus en plus creuses et absurdes (au sens philosophique).

Ainsi, le chef de l’Etat décrète « cent jours d’apaisement » et annonce des « chantiers prioritaires » (travail, « justice et ordre républicain et démocratique », « services publics » incluant école et santé). La première ministre présente sa feuille de route : « Ce que nous disons, nous le faisons. (…) Cette feuille de route répond directement aux attentes et aux inquiétudes des Français. Notre feuille de route est particulièrement dense. Une chose est certaine : nous entrons dans une nouvelle phase d’action ».  Suit un catalogue de vœux pieux. Par exemple : « Nous devons continuer nos efforts pour atteindre le plein-emploi. Nous voulons lever les freins à l’emploi, simplifier les démarches ».

Mais cette communication est ressentie comme particulièrement insignifiante, technocratique, inadaptée à la gravité du moment, destinée à détourner l’attention du pays. S’y ajoutent diverses déclarations ministérielles, grotesques à force d’obséquiosité, qui rajoutent encore de l’huile sur le feu, telle que : « C’est un engagement que nous prenons devant les Français, de faire en sorte que leur vie à l’issue de ces 100 jours soit meilleure qu’aujourd’hui. » Et d’autres paraissent refléter un malin plaisir à jouer sur la provocation et attiser l’incendie : « ceux qui manifestent ne sont pas au travail ».

Paradoxalement, un chef de l’Etat qui se présente en Jupiter et transformateur de la France – même contre son gré – répugne à décider, arbitrer ou choisir et prendre des risques. Alors que l’extrême confusion politique se prête de toute évidence à une dissolution de l’Assemblée nationale ou à un référendum, il recule devant toute perspective de rendre la parole au peuple. Même changer un Premier ministre ou des ministres qui de toute évidence, ne sont pas à la hauteur, cumulent les impairs et les échecs, semble le rebuter. Ainsi, la logique de la communication finit toujours par prévaloir sur celle de l’action. Mais après six années, le subterfuge semble presque entièrement éventé.

MT

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Author: Redaction