Covid19, le risque de la défiance (pour Atlantico avec M. Edouard Husson)

Comment analyser la stratégie de com’ du gouvernement dans la foulée  de la conférence de presse sur le coronavirus ? Quel pourrait en être l’impact sur le long cours ?

C’est une stratégie verticale. Elle consiste à imposer des décisions à la société mais sans concertation et sans explications suffisantes. Les informations divulguées sont destinées à maintenir ou renforcer la pression de l’inquiétude. Elles reposent sur la hausse du nombre de contaminations observées et une mise en garde contre une nouvelle flambée de la pandémie. Elles font silence sur les éléments de nature à rassurer et apaiser les peurs : le nombre de morts qui reste infiniment moins élevé qu’en mars-avril de même que les placements en réanimation. C’est une stratégie fondée sur l’autorité. Pendant des mois, de janvier à avril, le pouvoir a martelé que le masque était absolument inutile sinon nocif. Aujourd’hui, il en fait l’outil fondamental de la lutte contre le retour de l’épidémie. Il le rend obligatoire partout, y compris dans les espaces ouverts et dans la rue à Paris et la petite couronne. Peut-être le fallait-il, mais alors il faut expliquer pourquoi aux Français : pourquoi le masque était banni jusqu’en mai dernier et pourquoi il est devenu la solution miracle, à tout moment et en tout lieu, aujourd’hui.

-Comment le gouvernement peut-il gérer au mieux les attentes d’une société partagée entre les personnes inquiètes, les indifférents, ceux qui ont plus peur pour la croissance économique que pour la santé collective et enfin les sceptiques rebelles à la Raoult ?

D’abord en jouant sur le dialogue, la transparence, la vérité. La question de fond, c’est de prendre les Français pour des adultes et des gens responsables. Si le masque a une utilité dans les espaces extérieurs, il faut leur expliquer pourquoi, de manière claire et scientifique. Le virus peut-il se transmettre à deux personnes qui se croisent dans la rue ou dans un jardin public sans se parler et sans se regarder ? Attrape-t-on ou transmet-on le covid en faisant du vélo ? Quelle garantie de protection apporte le masque dans une telle circonstance ? Il me semble que le pouvoir politique n’a aucun intérêt à asséner des ordres extrêmement contraignants assortis de la menace de lourdes amendes sans explication claire. L’obligation de port du masque n’a rien d’anodin. Elle peut miner la reprise économique en paralysant le travail des entreprises. En outre, « Se dissimuler le visage, c’est porter atteinte aux exigences minimales de la vie en société […] La République se vit à visage découvert » affirme la circulaire du 2 mars 2011 sur l’interdiction du port de la burqa. Cela touche fortement à la liberté individuelle. Les Français ont le droit de savoir ce qui se passe. Il me semble aussi qu’il ne faut pas sombrer dans la phobie obsessionnelle. Les Français ont d’autres préoccupations notamment le déchaînement de violence dans le pays et l’explosion du chômage. Cela mérite autant d’attention que le covid19.

 -Le gouvernement va-t-il devoir faire évoluer sa stratégie de communication en cette rentrée 2020 et dans les mois à venir face à la crise de défiance ?

Oui, c’est inévitable, les choses ne vont pas pouvoir durer ainsi longtemps. Les gens harcelés de contraintes et de sanctions vont forcément se poser des questions. Pourquoi ils sont verbalisés pour avoir oublié le masque marchant seuls dans une rue vide de tout passant tandis que tant de violences et d’incivilités sont laissées sans réponse. Ils vont se demander quelle est la part de la communication dans cette politique. Les médias et les bonnes consciences parleront de « complotisme » pour dénigrer les voix discordantes mais un climat de doute et de scepticisme risque de s’installer dans le pays. Certains vont se demander si l’obligation de porter le masque partout dans la rue n’est pas une forme de contrôle social pour prévenir la contestation. Il faut bien reconnaître que la situation est compliquée pour les autorités publiques. La menace judiciaire pèse sur elles. Elles sont obligées de montrer qu’elles agissent et prennent les précautions nécessaires sur une situation qu’elles ne maîtrisent pas. Finalement, c’est elles qui vivent sur la peur. Et celle-ci, comme chacun sait, la peur est mauvaise conseillère.

 

 

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Author: Redaction