« C’est effroyable ce qui nous arrive… »

Hier soir, je discutais avec une personne de la plus grande simplicité, sanssans-titre « niveau d’études », profession artisanale, votant plutôt à gauche (je crois), pas raciste ni extrémiste pour un sou. Elle pensait à tout ce mélange d’images qui nous parviennent: celles des centaines de milliers de « migrants » débarquant dans les gares européennes, sur les plages de la Méditerranée, les tunnels d’Eurostar, les terrains vagues, dont personne ne sait ce qu’ils peuvent bien devenir dans une Europe débordée, impuissante; celle, bouleversante, insupportable d’un petit garçon noyé sur une plage turque; celles du triomphe de la barbarie et du chaos au Moyen-Orient, massacres sanguinaires de villageois, supplice des prisonniers de guerre, esclavage sexuel, extermination des minorités chrétienne et Yézidies, une barbarie médiatisée qui gagne comme un cancer. Elle me dit d’un air effaré, l’air d’une dame d’un certain âge qui a vu beaucoup de choses dans sa vie, mais jamais une telle déroute:  « c’est effroyable ce qui nous arrive ».  La parole publique est devenue totalement erratique, incompréhensible, entre les appels moralisateurs à l’accueil inconditionnel, la jubilation intérieure de tous ceux qui se réjouissent du malheur de l’Europe, parce que le maelström en cours satisfait leurs ambitions électoralistes, ou à l’inverse répond à leur rêve secret de destruction de la société bourgeoise, capitaliste, ex-colonialiste  honnie, le désarroi absolu des dirigeants effarés, qui ne savent plus s’il faut rétablir les frontières intérieures européennes ou créer des « campements d’accueil », ou encore faire un tri entre vrais et faux réfugiés pour en accueillir certains et refouler d’autres…

« Renforcer Frontex et créer un corps de garde frontières européens! » proclame un politique de premier rang, ressortant un vieux serpent de mer qui date d’au moins vingt ans. Oui, bien sûr! Bruxelles va recruter  un corps spécial de policiers européens pour les poster tout le long des  100 000 kilomètres de la frontière européenne, ainsi qu’en effectif suffisant, sur chaque île grecque et italienne! Combien en faudra-t-il, à raison d’un garde tous les dix mètres, ce qui semble être un minimum? Une bonne trentaine de millions de fonctionnaires supplémentaires? Et à quoi serviront-ils? A gérer passivement l’accueil des nouveaux venus? La ligne Maginot européenne, il fallait y penser… Le discrédit absolu de la parole publique est la leçon de cet événement. L’esprit de l’Europe, son élan vital, sa volonté politique en est au degré zéro dans un climat de confusion totale.

Il n’existe en vérité qu’un solution pour espérer en sortir: que les gouvernements des grands Etats européens se réunissent autour d’une table, créent une coalition militaire européenne et lancent une opération commune pour prendre le contrôle des zones d’embarquement, puis en finir avec le daesh en entraînant les Etats du Moyen-Orient dans l’objectif de rétablir la paix, la stabilité puis la prospérité. Mais voilà, cette idée, la seule qui peut sauver l’Europe, n’est même pas envisagée tant l’Europe est tétanisée par la peur, l’aveuglement, et les complexes de son passé. Son inaction est le choix, ou le non choix du suicide dans lequel elle entraîne comme un boulet ses Etats et leurs citoyens.  L’Europe (au sens du continent européen) a cessé d’être gouvernée, devenue une plate-forme inerte, sans volonté, sans espoir. « C’est effroyable ce qui nous arrive, hein? » – Oui, Madame… »

Maxime TANDONNET


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Author: Redaction