Ce rapport a été élaboré sous la responsabilité de ses auteurs. Ses conclusions n’engagent pas le Gouvernement, dont elles alimentent la réflexion.
Synthèse Ce rapport est le fruit de la mission d’appui à la filière touristique que m’a confiée le Premier Ministre au lendemain des attentats de novembre 2015 portant sur l’attractivité de la « Destination France ».
Conformément au souhait du Premier ministre, établir un «diagnostic partagé avec les professionnels», et afin d’approcher une réalité touristique complexe et en constante mutation, cette mission s’est attachée à recueillir la parole des acteurs de terrain , dans toute leur diversité, maillons publics et privés d’une chaîne de valeur extrêmement composite.
Dans le temps imparti, dans une conjoncture aussi volatile, faite d’événements aussi exceptionnels que dramatiques, il aurait été présomptueux de vouloir tirer des conclusions définitives, de céder à la figure imposée du Livre blanc (ou noir) du tourisme, j’ai au contraire choisi de soumettre au Premier ministre ma lecture des événements, sous forme de chronique, forcément subjective et parcellaire, et de lui faire partager quelques convictions et propositions visant à pérenniser, amplifier la « nouvelle donne touristique» que le Gouvernement a souhaité proposer ces dernières années.
L’affaire est entendue. Par son poids dans l’économie française, ses 7,4% PIB et ses 2 millions d’emplois directs et indirects non délocalisables, par son enracinement dans les territoires et sa contribution à leur développement, le tourisme devrait être considéré comme un secteur clef de la bataille pour l’emploi et un enjeu stratégique pour la France dans la compétition mondiale que se livrent les Nations.
D’autant plus que le phénomène touristique connaît au niveau mondial une expansion continue depuis des décennies, et le phénomène est appelé à s’intensifier dans les prochaines années avec 1,8 milliards de touristes attendus dans le monde en 2030 si l’on en croit l’Organisation Mondiale du Tourisme.
Malgré ses immenses atouts, on ne peut que constater, à l’heure où les concurrences s’aiguisent et où la demande touristique évolue constamment, que la France peine à conserver son statut de « première destination mondiale» et surtout à convertir ce dernier en recettes touristiques sonnantes et trébuchantes .
En outre ce qui frappe l’observateur du paysage touristique hexagonal, c’est moins sa puissance, que devrait lui conférer son poids dans l’économie nationale, que sa balkanisation, conséquences d’une chaîne de valeur structurellement éclatée et d’une gouvernance atomisée. Ce morcellement, sans être l’apanage de la France, contribue au manque de visibilité et de reconnaissance du secteur, et rend périlleux l’élaboration, le financement et la mise en œuvre d’une stratégie nationale claire et partagée par tous les acteurs, à la fois solidaires de fait et objectivement concurrents. Ou plutôt des « Destination(s) France », titre de l’ouvrage du sénateur Luc Carvounas, Fondation Jean-Jaurès, février 2016.
Plus d’une centaine d’auditions et d’entretiens, des déplacements sur le terrain en France (Languedoc-Roussillon, Corse, Aquitaine) et à l’étranger (Salon mondial du Tourisme à Berlin, New-York, Madrid, Londres).
Les entretiens et les déplacements ont été effectués de mars à juin 2016 donc avant la fin de l’Euro 2016, le Brexit et les attentats de Nice du 14 juillet 2016. 4 Cf Rapport sur l’attractivité et la compétitivité de l’industrie touristique publié par le Forum économique mondial (WEF) qui place la France au second rang mondial derrière l’Espagne. Notamment en matière de ressources culturelles (2ème rang) et d’infrastructures (4ème rang).
Première destination mondiale, la France n’arrive désormais qu’en 4ème position en termes de recettes touristiques derrière les Etats-Unis, l’Espagne et la Chine.
Ce paradoxe explique en grande partie la coexistence structurelle d’un discours confinant au satisfecit, souvent légitime, et un discours catastrophiste sur le thème du « tourisme en péril ». Face à ces nombreux défis, conscients de la dimension stratégique de cette activité, les pouvoirs publics ont incontestablement fait prendre un nouveau virage au tourisme français. Tous les maux du tourisme français dénoncés à longueur de rapports parlementaires ou d’essais n’avaient pas disparu, mais le Tourisme était incarné, reconnu en bénéficiant du prestige que lui conférait le rattachement au Quai d’Orsay.
En outre, la feuille de route était tenue, les premiers résultats étaient là, portés par une implication publique remarquée des acteurs et une conjoncture qui s’annonçait sous les meilleurs auspices à l’été 2015. Mais c’est précisément dans ce contexte de « communion » des acteurs du tourisme et d’optimisme confortés par une conjoncture favorable, que la France subit le choc des attentats du 13 novembre 2015.
Le tourisme français entre alors dans une zone de turbulence qui a minima contraste avec le « nouvelle donne touristique » que le Gouvernement propose depuis ces dernières années. J’ai tenu à livrer la chronique de ces six derniers mois afin d’approcher au plus près la réalité statistique d’une activité économique complexe mais aussi de comprendre le jeu, tout aussi complexe, des acteurs impliqués publics et privés : du choc brutal à Paris au dernier trimestre 2015 à l’espoir d’un rebond au printemps 2016, des espoirs déçus du 2nd trimestre 2016 sous les effets des attentats de Bruxelles, de la détérioration du climat social et des intempéries, et ce malgré l’Euro 2016, à la réplique tant redoutée de l’attentat de Nice du 14 juillet 2016.
Nous avons assisté ces six derniers mois à un enchaînement d’événements plus ou moins dramatiques, une « série noire », qui fragilise des professionnels du tourisme, confrontés par ailleurs à des défis structurels , qui s’inquiètent des conséquences à plus long terme sur la « destination France ».
Avec les mauvais résultats du premier trimestre 2016, particulièrement à Paris et la baisse de la fréquentation des touristes étrangers , ces derniers en viennent à questionner le rythme des réformes envisagées par les pouvoirs publics.
Face à ces circonstances exceptionnelles et aux interpellations des professionnels du tourisme, les pouvoirs publics ne sont naturellement pas restés inactifs : la feuille de route a été poursuivie, avec des avancées significatives, et le Gouvernement a tenté de répondre à l’urgence économique et aux inquiétudes de la filière à travers le lancement d’un plan de relance de la destination ou la reconduction régulière des mesures adoptées dans le cadre de la Cellule de Continuité Economique voire la tenue d’un « Comité d’urgence économique ».