« Nouvelle histoire de Vichy »

9782213635538-TMa lecture en cours est un ouvrage magistral, de 800 pages, extrêmement fouillé, de Michèle Cointet, « nouvelle histoire de Vichy », Fayard 2011. Voilà un livre d’histoire comme je les adore, indépendant, sans parti pris, d’une richesse d’information inouïe, sur les personnages, les événements, le contexte. L’image d’Epinal d’un régime de Vichy, réduit à l’expression d’une extrême droite revancharde, ne tient pas la route. Le nouveau pouvoir est l’expression de la France dans sa quasi-globalité. Les premiers gouvernements de Pétain reflètent la classe dirigeante d’avant-guerre. L’extrême droite maurrassienne en fait certes partie ( Alibert), mais aussi des technocrates (Bouthillier, Baudouin, Peyrouton), la SFIO (Rivière, Février), le syndicalisme (Belin), les néo-socialistes (qui se sont séparés de la SFIO en 1935), Marquet,  la droite classique (Flandin, Laval, venu au départ de la SFIO), les militaires, (amiral Darlan). Croire que l’abominable statut de juifs est issu de la seule extrême droite est une pure idiotie. Bien sûr, cette dernière a sa responsabilité. Mais il a été rédigé sous l’égide du ministre de l’Intérieur, Peyrouton, présumé bon républicain. Le Conseil d’Etat l’a validé, des juristes insoupçonnables l’ont commenté comme si de rien était dans les revues de jurisprudence, la police et les magistrats – un seul sur 3000 a refusé de prêter serment à Pétain, l’ont appliqué.  A Vichy se sont retrouvés des personnages venus de tous horizons sociaux, professionnels, idéologiques, unis dans une plongée progressive vers l’enfer de la collaboration et de la trahison. Qu’est-ce qui distingue ces hommes de ceux qui ont refusé cette logique – pas forcément des héros de la résistance d’ailleurs? Non pas tellement les idées, mais une éthique personnelle, un mode de comportement, les traits profonds d’un caractère. Un homme ou une femme peut changer d’idées, ou les dissimuler. En revanche, son caractère reste le même ou évolue peu. Je me méfie davantage d’une personnalité que de ses idées affichées. Parmi les attitudes qui me révulsent, j’en vois six qui sont de celles  pouvant conduire au pire, les voici:

– la servilité de caractère, le fait de s’identifier à une idole humaine, de l’admirer, de s’en remettre à son jugement ou à ses faits et gestes;

– le fayotage, la courtisanerie, la flatterie, flagornerie, pour se faire une place au soleil et réussir dans le sillage d’un puissant;

– l’ambition, le carriérisme exacerbé, l’esprit de revanche sociale, l’envie d’être admiré, de réussir à tout prix dans la vie sociale;

-Le cynisme, l’absence de scrupule, de parole et d’honneur, la capacité à nuire, à blesser, dénoncer, donner des coups de poignard dans le dos et l’indifférence au mal causé;

-L’abdication de l’esprit critique de celui qui baigne dans un air du temps et se montre incapable de prendre de la hauteur;

-Le suivisme, faire comme tout le monde, prendre le même train, la même voie que tout le monde.

Eternelle question: si des événements comparables – une débâcle épouvantable, une situation de chaos généralisé et d’asservissement – venait à se reproduire que se passerait-il?   Sans doute quelque chose de comparable, les mêmes comportements de trahison dictés par l’ambition, le carriérisme, qui emporteraient les élites politiques, administratives, judiciaires, médiatiques; et une infime poignée de héros, isolés, sans parti ni structure, peut-être les plus inattendus et les plus improbables, pour refuser la compromission.

Maxime TANDONNET


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Author: Redaction

« Nouvelle histoire de Vichy »

9782213635538-TMa lecture en cours est un ouvrage magistral, de 800 pages, extrêmement fouillé, de Michèle Cointet, « nouvelle histoire de Vichy », Fayard 2011. Voilà un livre d’histoire comme je les adore, indépendant, sans parti pris, d’une richesse d’information inouïe, sur les personnages, les événements, le contexte. L’image d’Epinal d’un régime de Vichy, réduit à l’expression d’une extrême droite revancharde, ne tient pas la route. Le nouveau pouvoir est l’expression de la France dans sa quasi-globalité. Les premiers gouvernements de Pétain reflètent la classe dirigeante d’avant-guerre. L’extrême droite maurrassienne en fait certes partie ( Alibert), mais aussi des technocrates (Bouthillier, Baudouin, Peyrouton), la SFIO (Rivière, Février), le syndicalisme (Belin), les néo-socialistes (qui se sont séparés de la SFIO en 1935), Marquet,  la droite classique (Flandin, Laval, venu au départ de la SFIO), les militaires, (amiral Darlan). Croire que l’abominable statut de juifs est issu de la seule extrême droite est une pure idiotie. Bien sûr, cette dernière a sa responsabilité. Mais il a été rédigé sous l’égide du ministre de l’Intérieur, Peyrouton, présumé bon républicain. Le Conseil d’Etat l’a validé, des juristes insoupçonnables l’ont commenté comme si de rien était dans les revues de jurisprudence, la police et les magistrats – un seul sur 3000 a refusé de prêter serment à Pétain, l’ont appliqué.  A Vichy se sont retrouvés des personnages venus de tous horizons sociaux, professionnels, idéologiques, unis dans une plongée progressive vers l’enfer de la collaboration et de la trahison. Qu’est-ce qui distingue ces hommes de ceux qui ont refusé cette logique – pas forcément des héros de la résistance d’ailleurs? Non pas tellement les idées, mais une éthique personnelle, un mode de comportement, les traits profonds d’un caractère. Un homme ou une femme peut changer d’idées, ou les dissimuler. En revanche, son caractère reste le même ou évolue peu. Je me méfie davantage d’une personnalité que de ses idées affichées. Parmi les attitudes qui me révulsent, j’en vois six qui sont de celles  pouvant conduire au pire, les voici:

– la servilité de caractère, le fait de s’identifier à une idole humaine, de l’admirer, de s’en remettre à son jugement ou à ses faits et gestes;

– le fayotage, la courtisanerie, la flatterie, flagornerie, pour se faire une place au soleil et réussir dans le sillage d’un puissant;

– l’ambition, le carriérisme exacerbé, l’esprit de revanche sociale, l’envie d’être admiré, de réussir à tout prix dans la vie sociale;

-Le cynisme, l’absence de scrupule, de parole et d’honneur, la capacité à nuire, à blesser, dénoncer, donner des coups de poignard dans le dos et l’indifférence au mal causé;

-L’abdication de l’esprit critique de celui qui baigne dans un air du temps et se montre incapable de prendre de la hauteur;

-Le suivisme, faire comme tout le monde, prendre le même train, la même voie que tout le monde.

Eternelle question: si des événements comparables – une débâcle épouvantable, une situation de chaos généralisé et d’asservissement – venait à se reproduire que se passerait-il?   Sans doute quelque chose de comparable, les mêmes comportements de trahison dictés par l’ambition, le carriérisme, qui emporteraient les élites politiques, administratives, judiciaires, médiatiques; et une infime poignée de héros, isolés, sans parti ni structure, peut-être les plus inattendus et les plus improbables, pour refuser la compromission.

Maxime TANDONNET


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9782213635538-TMa lecture en cours est un ouvrage magistral, de 800 pages, extrêmement fouillé, de Michèle Cointet, « nouvelle histoire de Vichy », Fayard 2011. Voilà un livre d’histoire comme je les adore, indépendant, sans parti pris, d’une richesse d’information inouïe, sur les personnages, les événements, le contexte. L’image d’Epinal d’un régime de Vichy, réduit à l’expression d’une extrême droite revancharde, ne tient pas la route. Le nouveau pouvoir est l’expression de la France dans sa quasi-globalité. Les premiers gouvernements de Pétain reflètent la classe dirigeante d’avant-guerre. L’extrême droite maurrassienne en fait certes partie ( Alibert), mais aussi des technocrates (Bouthillier, Baudouin, Peyrouton), la SFIO (Rivière, Février), le syndicalisme (Belin), les néo-socialistes (qui se sont séparés de la SFIO en 1935), Marquet,  la droite classique (Flandin, Laval, venu au départ de la SFIO), les militaires, (amiral Darlan). Croire que l’abominable statut de juifs est issu de la seule extrême droite est une pure idiotie. Bien sûr, cette dernière a sa responsabilité. Mais il a été rédigé sous l’égide du ministre de l’Intérieur, Peyrouton, présumé bon républicain. Le Conseil d’Etat l’a validé, des juristes insoupçonnables l’ont commenté comme si de rien était dans les revues de jurisprudence, la police et les magistrats – un seul sur 3000 a refusé de prêter serment à Pétain, l’ont appliqué.  A Vichy se sont retrouvés des personnages venus de tous horizons sociaux, professionnels, idéologiques, unis dans une plongée progressive vers l’enfer de la collaboration et de la trahison. Qu’est-ce qui distingue ces hommes de ceux qui ont refusé cette logique – pas forcément des héros de la résistance d’ailleurs? Non pas tellement les idées, mais une éthique personnelle, un mode de comportement, les traits profonds d’un caractère. Un homme ou une femme peut changer d’idées, ou les dissimuler. En revanche, son caractère reste le même ou évolue peu. Je me méfie davantage d’une personnalité que de ses idées affichées. Parmi les attitudes qui me révulsent, j’en vois six qui sont de celles  pouvant conduire au pire, les voici:

– la servilité de caractère, le fait de s’identifier à une idole humaine, de l’admirer, de s’en remettre à son jugement ou à ses faits et gestes;

– le fayotage, la courtisanerie, la flatterie, flagornerie, pour se faire une place au soleil et réussir dans le sillage d’un puissant;

– l’ambition, le carriérisme exacerbé, l’esprit de revanche sociale, l’envie d’être admiré, de réussir à tout prix dans la vie sociale;

-Le cynisme, l’absence de scrupule, de parole et d’honneur, la capacité à nuire, à blesser, dénoncer, donner des coups de poignard dans le dos et l’indifférence au mal causé;

-L’abdication de l’esprit critique de celui qui baigne dans un air du temps et se montre incapable de prendre de la hauteur;

-Le suivisme, faire comme tout le monde, prendre le même train, la même voie que tout le monde.

Eternelle question: si des événements comparables – une débâcle épouvantable, une situation de chaos généralisé et d’asservissement – venait à se reproduire que se passerait-il?   Sans doute quelque chose de comparable, les mêmes comportements de trahison dictés par l’ambition, le carriérisme, qui emporteraient les élites politiques, administratives, judiciaires, médiatiques; et une infime poignée de héros, isolés, sans parti ni structure, peut-être les plus inattendus et les plus improbables, pour refuser la compromission.

Maxime TANDONNET


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