« C’est un sujet tabou, qui représente pourtant une source d’inquiétude majeure au sommet de l’Etat : la peur d’éventuelles poursuites judiciaires contre des membres du gouvernement suite à la gestion de la crise du coronavirus […] Le locataire de Matignon a notamment regretté, selon un participant à la réunion, que les oppositions, Les Républicains (LR) en tête, aient annoncé leur volonté de lancer plusieurs commissions d’enquêtes parlementaires. En parallèle, des médecins et des malades menacent le gouvernement d’éventuelles poursuites pénales. Une véritable épée de Damoclès pour le pouvoir […] »
La responsabilité est pourtant la contrepartie naturelle du pouvoir politique. Nos dirigeants en ont perdu l’habitude et donnent le sentiment de ne plus la supporter. Il est normal, il est démocratique, il est inévitable que tous les responsables impliqués dans la crise du covid 19 aient à rendre des comptes à la société, sous une forme ou sous une autre. Art. 15. de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789: « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. »
Les responsabilités sont de deux ordres. Sur le court terme, elles concernent les acteurs directs de la gestion de crise, les fautes ou les indécisions qui ont pu, le cas échéant, produire ou favoriser la tragédie. Sur le long terme, elle touche toute la chaîne de décisions depuis des années – et pas seulement l’équipe actuelle: par exemple affaiblissement des capacités hospitalières, disparition des masques de protection, incapacité à fournir les tests. Face à un drame d’une gravité inouïe, il est parfaitement naturel que les Français, à travers leurs représentants, exigent d’ores et déjà que toute la lumière soit faite et que des sanctions éventuelles en résultent, politiques autant que pénales, à la hauteur des fautes commises et de leurs conséquences, si elles sont avérées. L’exercice de la responsabilité n’attend pas: en démocratie, il est inséparable de l’action.
Les sondages paraissent plus contradictoires que jamais. Les uns évoquent une soudaine hausse de la popularité présidentielle et du Premier ministre: +14% et +13%. Les autres soulignent l’effondrement de la confiance dans l’action du gouvernement. La contradiction n’est pourtant qu’apparente. L’émotion populaire favorise mécaniquement un réflexe légitimiste autour de la figure du chef. Ce +14% paraît d’ailleurs étrangement modéré au regard de la tragédie en cours. Cependant, la raison collective joue en sens exactement inverse, au regard du chaos que les Français ont le sentiment d’avoir sous les yeux. La question de la responsabilité n’est pas un sujet secondaire ni accessoire. Elle est essentielle.
Maxime TANDONNET