Le masque est emblématique de la vie politique française en 2020. Depuis plus d’un semestre, il hante les esprits, les discours et les consciences. Au plus fort de la crise du covid, en avril-mai, quand l’épidémie a atteint sa quintessence entraînant plus de 30 000 morts en France, les plus hautes autorités politiques, scientifiques et médiatiques n’avaient qu’un seul mot d’ordre, martelé sur les ondes, jusqu’à l’obsession: promis, juré, le masque dans la vie courante, ne servait strictement à rien.
Au prix de la plus sidérante volte face, d’une formidable contorsion intellectuelle ces mêmes hautes autorités tiennent, depuis mai, le discours exactement inverse. Le masque est désormais présenté comme la solution miracle, magique, pour éviter une reprise de l’épidémie. Cette arme secrète est tellement efficace qu’il est fortement question de la rendre obligatoire, non seulement dans les lieux confinés, mais aussi dans la rue et tel est déjà le cas dans quelques quartiers parisiens.
Un minimum de cohérence et d’honnêteté ne ferait pas de mal. Ce revirement signifie-t-il que les plus hautes autorités se sont lourdement trompées en mars-avril 2020? Mal conseillées par les médecins? Peut-être, mais cela ne change rien à leur responsabilité: tout aussi responsables pour avoir choisi de mauvais conseillers et écouté de mauvais conseils. Dès lors, par simple déduction logique, si le masque qu’elles ont tant dénigré offrait une authentique protection, n’auraient-elles pas une responsabilité au moins partielle dans les 30 000 morts? Désigner deux boucs émissaires à la vindicte populaire, en l’occurrence l’ex Premier ministres et l’ex porte-parole du gouvernement, tous deux sèchement limogés, règle-t-il la question de la responsabilité intrinsèque des plus hautes autorités du pays, toutes celles qui ont été impliquées de près ou de loin dans le désastre sanitaire?
Aujourd’hui, les « anti-masques » sont montrés du doigt. Mais qui a propagé le discours anti-masque, avant de se raviser sur le tard, une fois passé le pic mortel de l’épidémie? Qui a répandu l’idée que le masque était inutile?
Le revirement du pouvoir sur le sujet soulève d’autres questions. Ne serions-nous pas en train de basculer d’une approche dogmatique à une autre approche dogmatique? D’une imposture à une autre imposture? A quoi-sert-il d’imposer le masque, si longtemps dénigré, comme un objet miraculeux qui en toute circonstance, y compris à l’extérieur, offrirait une arme magique contre la reprise de l’épidémie? Pourquoi faire? Gesticuler et faire semblant d’agir en maniant le bâton? Le masque comme bâillon populaire? Il faudrait au moins qu’un jour, les détenteurs de l’autorité dans ce pays cessent de prendre les Français pour des imbéciles et plutôt que de leur asséner des ordres et des contre-ordres, des « injonctions paradoxales » en langage technocratique, leur fournissent quelques explications auxquelles ils ont droit.
Maxime TANDONNET