Mon article paru dans le Figaro du 1er juillet contre l’idée d’un ralliement de la droite à la majorité présidentielle

La « droite classique » se déchire sur la question de son éventuel ralliement à la majorité présidentielle qui permettrait au chef de l’Etat de retrouver sa majorité absolue perdue à l’issue des législatives. « Si l’on s’en tient aux évidences, oui le président de la République est de droite » pouvait-on entendre sur France Inter le 19 novembre 2021. Ce point de vue, communément répandu, justifierait en soi un tel ralliement. Qu’en est-il en réalité ?

Sur le plan de la posture, les références de droite ne manquent pas. L’image qu’Emmanuel Macron s’est donnée d’un « chef de guerre », d’une autorité verticale ou jupitérienne, lui ont valu d’être plus souvent comparé à Bonaparte qu’à Léon Blum. Dans un pays profondément traumatisé par la vague d’attentats islamistes, la crise des Gilets Jaunes et l’épidémie de covid 19, cette image martiale (nonobstant quelques apparitions plus enjouées) rassure ou séduit une partie de l’opinion conservatrice.

Mais la politique ne peut pas se réduire à n’être qu’un spectacle et un jeu d’illusions. La vraie question qui mérite d’être posée est celle de l’adéquation entre la politique suivie depuis 2017 et les fondamentaux de la droite. Or, les orientations choisies et les résultats obtenus sont plutôt aux antipodes des idées et des projets qu’ont toujours défendus les Républicains et leurs alliés.

Le « quoi qu’il en coûte » du président Macron se présente comme une variante du « c’est gratuit, c’est l’Etat qui paye » prôné par son prédécesseur. La Cour des Comptes a fait état d’une augmentation de 560 milliards € de la dette publique en 2020 et 2021 (dont 140 milliards € seulement dus à la crise sanitaire), portée à 113% du PIB. Cette augmentation vertigineuse de la dette qui pèsera sur les futures générations s’est paradoxalement accompagnée d’une dégradation manifeste des services publics notamment sanitaires, dramatique pour la vie quotidienne des Français.

Sa politique éducative est dominée par une logique de nivellement par le bas : suppression des séries et des mathématiques obligatoires en première et terminale, neutralisation du baccalauréat par l’adoption du contrôle continu et du fumeux « grand oral ». Bien entendu le dernier quinquennat n’est pas seul responsable de l’effondrement scolaire français que révèlent les études internationales (PISA, TIMS), mais il a, de toute évidence, amplifié la pente.

L’effondrement industriel français a de même des causes bien antérieures à 2017. Pourtant, il s’est sensiblement aggravé en cinq ans dans un climat d’impuissance et de résignation. Ainsi, notre déficit commercial était de 109,6 milliards € en 2021, pour un excédent allemand de 179 milliards ou italien de 50,4 milliards € (Eurostat)… Et que dire du bilan social avec plus de 9 millions de pauvres selon l’INSEE, 2 millions d’allocataires du RSA et 5,2 millions de personnes encore privées de travail selon pôle emploi ? 

En deux ans de crise sanitaire, la succession des confinements bureaucratiques, dans un contexte d’état d’urgence permanent, a valu à la France la réputation « d’Absurdistan ». Pourtant, le bilan est loin d’être probant en termes de décès par million d’habitants, au regard de pays qui se sont révélés plus respectueux des libertés (Allemagne, Pays-Bas, Suède). La droite dite libérale peut-elle s’en satisfaire ?

En matière de maîtrise de l’immigration la politique des cinq dernières années, dans la ligne du quinquennat précédent, est marqué par une spectaculaire hausse des arrivées : 270 925 premiers titres de séjour et 121 554 demandeurs d’asile en 2021 (200 000 et 60 000 en 2012). Quant à l’ensauvagement de la société, il se manifeste à travers de multiples tragédies quotidiennes et l’augmentation des coups et blessures (+12% en 2021) comme les violences sexuelles (+33% en partie attribuables à « la libération de la parole »).

Qui, à droite, aurait intérêt à se solidariser d’un tel bilan, aussi contraire à ses ambitions maintes fois affichées pour le pays, sachant que rien ne permet sérieusement d’envisager un changement de cap radical du président et de ses équipes – bien au contraire ?

Et qui, à droite, partage l’approche présidentielle d’une « souveraineté européenne »? La droite a-t-elle vocation à s’aligner sur une vision de la société fondée sur un élitisme de classe (« des gens qui ne sont rien ») ; une repentance qui voue la colonisation à n’être qu’un « crime contre l’humanité » et l’histoire nationale à la « déconstruction » ou s’indignant de la prétention de « deux mâles blancs » à traiter de la question des banlieues ? 

Par leur vote des 13 et 20 juin, les Français ont clairement refusé au président Macron une majorité présidentielle absolue. 71% des Français, par défiance envers l’exécutif, se déclarent aujourd’hui satisfaits de ce résultat électoral (Elabe). Or, l’idée de « accord de gouvernement » consiste justement à tourner le dos au verdict populaire en reconstituant, par une négociation en coulisse, une majorité présidentielle absolue. Bafouer la volonté populaire par une combinaison politicienne reviendrait à violer frontalement le verdict du suffrage universel et à aggraver encore le discrédit de la parole publique qui déjà, se traduit par une abstention gigantesque.

Face au risque d’une crise financière, sociale et politique d’une extrême violence, dont la poussée inflationniste annonce les prémices, la disparition de la droite « classique » confondue avec le macronisme, priverait la France d’une espérance d’alternance démocratique. Elle ouvrirait sans doute la voie à l’arrivée inéluctable au pouvoir soit du RN soit, plus probablement, d’une gauche radicalisée sur le modèle de la Nupes. Quant à l’argument en faveur d’un accord de gouvernement pour « éviter le chaos », il relève de l’hypocrisie car rien n’empêche une droite libre de soutenir au cas par cas des projets de lois jugés nécessaires à l’intérêt général.

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Author: Redaction