Médiocrité politichienne (pour Figaro Vox)

1/ « Pour ne pas gâcher tous les talents de la droite, passons un accord avec Emmanuel Macron pour qu’il soit notre candidat commun à la présidentielle et que ceux-ci puissent participer au redressement de notre pays. » Christian Estrosi fait-il preuve de lucidité sur la ligne et l’avenir politiques des Républicains, selon vous ?

La solution qu’il propose ferait à coup sûr deux satisfaits : d’une part le président Macron qui depuis son élection, à travers notamment la nomination d’un Premier ministre venu des Républicains, a fondé sa stratégie politique sur la récupération de l’électorat de droite (il a d’ailleurs partiellement réussi selon les sondages) ; d’autre part le Rassemblement national qui serait ainsi reconnu comme l’unique opposition de droite à la présidence Macron.

En somme, la proposition de M. Estrosi revient à limiter le choix des électeurs à trois options possibles : une gauche plurielle réunifiée sur une ligne d’ultra-gauche ; le rassemblement national ; et la reconduction de M. Macron. La solution de M. Estrosi revient à transformer les élections de 2022 en un grand cirque du combat entre le « bien progressiste » et le « mal populiste ou nationaliste ». Elle ouvre la voie à la réélection quasi certaine du président Macron dans le rôle de « rempart contre les extrémismes ». Veut-on faire de 2022 une sorte de non-choix pour les électeurs ? Veut-on, en neutralisant les scrutins nationaux à venir, priver les Français de toute possibilité d’alternance raisonnable ? Veut-on achever la destruction de la démocratie française déjà si mal en point ? C’est la question qui est posée.

2/ Existe-t-il encore une véritable ligne de fracture entre une politique de droite et la politique menée par Emmanuel Macron ?

Si la politique n’est plus qu’une affaire de séduction, de posture, d’émotion et de quête d’une idole nationale, la position de M. Estrosi peut en effet se comprendre. Mais il en est tout autrement au regard du fond de la politique. Là encore, il convient de revenir aux faits. Le président Macron fut l’un des principaux acteurs du quinquennat de M. Hollande, de 2012 à 2017, d’abord à l’Elysée, puis comme ministre de l’Economie. La droite, qui a tiré à boulet rouge sur le quinquennat socialiste de M. Hollande, peut-elle fermer les yeux sur cette réalité, faire semblant de croire à la table rase, une soudaine métamorphose ? Un minimum de cohérence est nécessaire, ne serait-ce qu’à l’égard de l’opinion publique.

La véritable question est celle du bilan de huit ans au pouvoirs (5+3) et de la ligne actuelle. La politique suivie depuis 2017 (sinon depuis 2012) et les résultats obtenus conviennent-ils aux Républicains ? Sont-ils satisfaits de la situation en matière de sécurité, de lutte contre la violence et la fragmentation du pays, de maîtrise des frontières, d’évolution de la dette publique, des prélèvements obligatoires, des déficits, de la pauvreté, du chômage ? La politique industrielle et de l’énergie convient-elle aux Républicains ? Et la politique éducative, les mesures prises sur le lycée et le bac ? Sont-ils devenus favorables à la PMA sans père et les autres dispositions de la loi bioéthique?  Sont-ils contents de l’état des libertés publiques et du niveau de la confiance dans le pays? Toute la question est là.

3/ Pensez-vous que les Républicains doivent retenter l’expérience des primaires ?

Les primaires ont l’inconvénient de mettre en avant les divisions et les ambitions personnelles. Les Français, dont la méfiance ou le dégoût de la politique (enquête CEVIPOF) ne cessent de grandir, n’ont pas besoin d’un nouveau psychodrame de ce genre. La question est toujours la même. Que veut-on faire de la politique ? La quête d’un futur gourou narcissique chargé d’animer la scène publique pour faire oublier tout le reste ? Ou bien une tentative sincère de réconcilier les Français avec la démocratie par un discours de vérité et un projet collectif, réaliste et sans démagogie tourné vers le service de la France ? Si tel est le second cas, la solution du problème est collective. Que les candidats au futur gouvernement de la France prouvent qu’ils sont capables de s’entendre sur une ligne commune et sur un éventuel partage des rôles (Elysée, Matignon, ministères, Palais-Bourbon, etc.) même si le nom du futur candidat à l’Elysée dépendra de la situation du pays et de l’opinion, peut-être au dernier moment.

4/ Selon les résultats d’un sondage Ifop du 31 août, 26 % des électeurs LR souhaitent qu’Édouard Philippe représente la droite en 2022, contre 21 % pour François Baroin, 18 % pour Xavier Bertrand et 15 % pour Valérie Pécresse. Édouard Philippe peut-il être un candidat sérieux face à l’actuel président de la République ?

Logiquement cela signifie que 74% ne souhaitent pas qu’Edouard Philippe représente la droite, ce qui est plutôt rassurant pour cette dernière. Enfin, M. Philippe a été pendant trois ans Premier ministre du Président Macron. Sa candidature, contre ce dernier s’il se présentait, serait perçue comme une déloyauté et son retour au bercail LR une manœuvre politicienne de bas étage. Or, les Français sont las des manœuvres politiciennes. C’est d’ailleurs pourquoi cette candidature peut paraître très hypothétique, sauf si le président Macron décidait de ne pas se représenter ce qui semble improbable.

 

 

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Author: Redaction