Loi de finances 2012: les droits à payer sur les cessions d’actions augmentent

La loi de finances pour 2012  alourdit la fiscalité des cessions d’actions. Auparavant, les cessions d’actions étaient assujetties aux droits d’enregistrement au taux de 3%, mais le montant à payer était plafonné à 5 000 €. Ainsi, si la vente avait lieu pour un prix important, les 5 000 € représentaient une part minime des coûts de transaction: les droits d’enregistrement étaient une préoccupation mineure dans les opérations d’acquisitions. A partir de 2012, les choses changent: le taux est proportionnel sans limite : l’article 3, I-1° de la loi de finances 2012  remplace le taux proportionnel unique (3 % jusqu’à présent) par un taux dégressif:

– 3% jusqu’à  200 000 €
– 0.5% entre 200 000 € et 500 000 000 €
– 0,25% au delà.

Pour ne pas trop gêner les réorganisations de groupes, certaines opérations sont exonérées de droits: mais elles sont peu nombreuses: pour ne citer que les exemples les plus courants: il s’agit d’une cessions dans le cadre d’un apport partiel d’actif  réalisé sous le régime de faveur des fusions, ou encore d’une cession intra-groupe mais seulement lorsque la société cédante est membre du groupe d’intégration fiscale de la cessionnaire, ou encore de l’attribution de titres dans le cadre d’une augmentation de capital.

En raison des règles de territorialité liées à l’enregistrement, il aurait été facile de réduire ce droit à néant en passant l’acte à l’étranger: on sait en effet que sauf  pour les sociétés dont les actifs immobiliers sont situés en France, les cessions d’actions ne sont enregistrées en France que lorsqu’elles sont passées en France. 


En passant l’acte à l’étranger, il n’y a pas de droit en France. Lorsque l’enjeux était de 5000 €, personne n’utilisait cette régle de territorialité pour optimiser les droits d’enregistrement. Mais avec un taux déplafonné, la tentation devient grande! D’où le remaniement de la règle de territorialité: à compter de janvier 2012, la taxation a lieu à partir du moment où la société en question est immatriculée en France: peu importe que la société soit immobilière ou non ou que l’acte soit ou non réalisé à l’étranger. 

Quid si la cession fait également l’objet d’un droit d’enregistrement à l’étranger? Imaginons par exemple, un acte passé en Allemagne ou en Suisse ou en Espagne: il serait imposable aux droits d’enregistrement selon les règles locales mais également en France dès lors que la société vendue est française. La loi prévoit un mécanisme pour éviter la double imposition : l’octroi en France d’un crédit d’impôt égal à l’impôt effectivement payé à l’étranger. 

En pratique, cette règle de territorialité devrait conduire à éviter de faire des cessions à l’étranger d’actions de sociétés françaises. En effet, il est toujours difficile d’apporter la preuve à l’administration fiscale française que les droits d’enregistrement payés à l’étranger le sont effectivement et définitivement…. La problématique est bien connue dans les successions internationales… Elle est encore plus complexe lorsque sont impliqués des pays qui laissent une grande indépendance fiscale à leurs régions en matière d’enregistrement, comme par exemple l’Espagne. Elle n’est pas tellement facile à gérer.

Voici donc un exemple de législation qui a pour effet de freiner les échanges (0,5% de coût de transaction contre presque 0%) et en particulier les échanges internationaux (pour se passer des problèmes de crédit d’impôt étranger). Les avocats français devraient peut être s’en réjouir:  les cabinets d’avocats situés en France porront continuer à organiser les « closings » des cessions de sociétés françaises et cela même s’ils sont loin des centres décisionnaires….à moins bien sûr qu’à la suite de réorganisations de groupe, les sociétés françaises vendues ne se fassent plus rares….


Stanislas Lhéritier
Avocat
Spécialiste en droit fiscal

Author: Redaction