Loi climat, une loi de pénitence (pour le Figaro du 31 mars)

Le projet de loi portant « lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets », actuellement débattu à l’Assemblée nationale soulève de multiples critiques de la part des oppositions de gauche comme de droite. Il lui est reproché d’un côté sa timidité et de l’autre son caractère punitif. Pour Mme Barbara Pompili, chargée de le défendre devant le parlement, il touche « à ce qu’il y a de plus ordinaire, de plus basique mais aussi de plus crucial : nos modes de vie […] une écologie pratique, qui apporte des solutions simples dans le quotidien des Français. » De fait, ce projet de loi est particulièrement fascinant par ce qu’il nous apprend de la politique française telle qu’elle se présente aujourd’hui.

Son caractère grandiloquent sidère dès le premier abord. Les mots claquent : « une transformation sans précédent dans l’histoire de notre pays », ou encore « une véritable bascule globale ». La fuite dans l’emphase – par contraste avec la paralysie croissante des outils de la puissance publique – se présente bel et bien comme un fidèle reflet du « nouveau monde ». D’ailleurs son objectif déclaré est ni plus ni moins que de modifier le cours du changement climatique. Ainsi, il repose sur l’idée qu’une loi votée par le Parlement français serait de nature à modifier la composition de l’atmosphère. Or, selon l’agence internationale de l’énergie, la part de la France n’est que de 0,9% des émissions de carbones (28,2% pour la Chine et 14,5% pour les Etats-Unis). Entre les lignes de ce projet de loi transparaît une forme d’arrogance, typique de la France dirigeante actuelle : il suffirait de voter une loi « comme le président de la République s’y est engagé », pour infléchir le cours de la planète.

Ce projet de loi est particulièrement imprégné de l’idéologie dominante dans les sphères du pouvoir. Il est tout dans une logique de pénitence ou de repentance. Son idée maîtresse est celle de l’éternelle culpabilité de la France. Il n’insiste guère sur le contexte planétaire, la part que prennent les autres, infiniment supérieure, à la pollution de l’atmosphère en particulier la Chine. Ce texte moralisateur, présenté comme pragmatique, tient essentiellement dans un message idéologique : la France et les Français sont désignés comme les principaux responsables de la dégradation de l’environnement. Il s’abstient de souligner que la France – la France seule – ne dispose que de marges de manœuvre infimes sinon dérisoires à cet égard.  

Le mépris de la France dite d’en haut, la classe dirigeante ou influente, envers la France dite d’en bas, autrement dit la France périphérique ou la majorité silencieuse, s’exprime à travers ses lignes. Qui sont les coupables idéaux du réchauffement climatique ?  Les commerçants, à travers la chasse à la publicité et diverses contraintes, les transporteurs routiers, visés par la perspective de nouvelles taxes, les agriculteurs qui sont dans le collimateur du projet, les automobilistes en général notamment les banlieusards, le texte invitant à un « questionnement sur la place de la voiture en ville ». Rien n’a changé de la méthode qui consiste à désigner des boucs émissaires dans la France populaire, « les gars qui fument des clopes et roulent au diesel » comme disait un ex-ministre. La quête du coupable idéal, « ce pelé, ce galeux », est donc toujours d’actualité.  La crise des gilets jaunes n’aura donc servi de leçon à personne. Il n’apporte d’ailleurs aucune réponse aux inquiétudes réelles des Français en matière d’environnement, par exemple sur les conséquences paysagères du développement des éoliennes.

Ce projet de loi fascine par ses accents moralisateurs, son ingérence dans la vie privée à laquelle les régimes autoritaires du siècle passé n’ont rien à envier. Il prétend « changer le modèle français, accélérer l’évolution des mentalités ». Il faudra désormais informer le consommateur de « l’empreinte carbone » des produits : les notions de bien et de mal définies par la puissance publique se mêlent ainsi aux courses quotidiennes. L’éducation au « développement durable » s’imposera dans les établissements scolaires. Les professeurs n’ont-ils pas assez de difficultés avec l’orthographe et les mathématiques ? Les collectivités territoriales « volontaires » pourront proposer des menus végétariens « dans les services et restaurants collectifs dont ils ont la charge ». Fallait-il une loi pour formuler cette concession au « politiquement correct » ? Cette immixtion de « big brother » dans la vie intime de personnes – jusqu’à leur manière de se nourrir –  n’est-elle pas le signe patent d’une tentation totalitaire ? 

Les dispositions de ce projet de loi procèdent de 146 propositions de la convention citoyenne désignée par tirage au sort. Ce mode de décision est présenté par les promoteurs du texte – qui entendent le pérenniser – comme une innovation démocratique. Faut-il vraiment parler de démocratie à ce sujet ?  Dans la Grèce antique, le recours à la méthode du hasard dans la sphère politique se fondait sur la croyance dans la toute-puissance des divinités. Aujourd’hui – en l’absence des dieux – les inspirateurs de ces propositions ne représentent strictement qu’eux-mêmes. Ils ne procèdent ni de la légitimité démocratique – dès lors qu’ils ne sont pas élus – ni de celle de la compétence. Les parlementaires, députés et sénateurs, élus de la Nation tout entière, saisis de ce projet, ont ainsi l’occasion de prouver, en le soumettant à un authentique débat de société, qu’il n’existe pas d’autre démocratie que celle qui émane du suffrage universel : celle dont ils procèdent. Sauront-ils s’en saisir ?

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Author: Redaction