Curieuse, cette nouvelle manie des politiciens de se répandre en livres, par les proportions qu’elle atteint… Quasiment tous, les uns après les autres, pondent leur petit ouvrage. Je ne les citerai pas tous, ils se comptent par dizaines ou centaine depuis le début de l’année. Voici le dernier en date, découvert ce matin, « très personnel ». Je trouve que ces livres n’ont aucune crédibilité, aucun intérêt. La motivation des éditeurs est liée à l’exposition médiatique et la notoriété de leurs auteurs, ne préjugeant en rien de la qualité du style ni des idées. Les livres se vendent parce que leurs auteurs, ou soi-disant auteurs, ont une couverture médiatique, mais les ventes sont proportionnelles à la banalité du contenu. A vrai dire, pour avoir largement contribué dans le passé à la rédaction de livres signés par des politiciens, je suis toujours sceptique sur la part qui leur revient vraiment et celle qui émane d’une plume… Mais surtout, bien plus grave, cette logorrhée éditoriale des politiciens (j’évite les formules vulgaires), souligne la tournure malsaine prise par la politique d’aujourd’hui. Est-elle encore autre chose que la quintessence de la mégalomanie? La politique devrait rassembler, transcender les ego au profit d’un bien commun, d’une action, d’une ambition collective, d’un projet de société rassembleur. Le spectacle actuel est à l’inverse: chacun rumine son petit ouvrage dans un coin et se prend pour le roi soleil. Cet exercice narcissique va d’ailleurs de pair avec la logique individualiste des primaires. Tout se passe comme si les politiciens avaient intériorisé l’impuissance de la politique comme moyen d’action collectif et se réfugiaient dans le culte du moi-je qui s’exprime par le foisonnement prétentieux de leurs livres. J’écris, ou fais semblant, plutôt que d’agir où de me préparer à agir. Qu’un homme politique talentueux écrive en tant que témoin, une fois qu’il en a fini avec la politique, est éminemment respectable, parfois précieux. Mais le mélange des genres, simultané, entre ambition politicienne et prétention écrivassière, devient lassant à force de se généraliser. Tout ceci a un petit côté Kim Jong Il, le « bienfaiteur » nord-coréen, auteur de « 1500 chef d’œuvre littéraires », dont le célèbre De l’art de l’Opéra, entretien aux travailleurs créatifs de l’art et de la littérature. Un livre « très personnel » où ce guide du peuple et génie de la littérature nous fait lui aussi, la joie de parler de lui. Non, sérieusement, gouverner ou écrire – faire semblant d’écrire -, il faut choisir…
Maxime TANDONNET